Sombres tribulations létales.
#1
Ce jour n'est pas n'importe lequel. Croyez moi, ou écoutez moi.

Vous avez sans doute entendu parler de la Main Noire. Sinon, c'est que vous n'êtes pas dignes de marcher sur les terres d'Andoras. Mais comme je suis bonne âme, je vais vous en faire une brève définition. Imaginez une guilde de maîtres assassins hélions. Les meilleurs, les plus grands. Ceux qui ont prouvé leur puissance à de maintes reprises, qui ont fait jaillir plus de sang que de soupirs de plaisir. Une assemblée surpuissante aux missions secrètes qui fait régner l'ordre dans Babylios et le désert de Salith, voir au delà.

Bien, maintenant que vous savez tout, passons à la suite. Je vais rester clair et concis.
Il y a peu, de nombreux hélions, venus de toutes guildes telles que l'Ordre de Solaris, les Oussoud Ahams, et quelques autres indépendants venus gagner leur pain à la tâche.
La mission était simple au demeurant, en théorie : Sauver Israa, la fille du conseiller Malik. En pratique elle le fut beaucoup moins. Une grotte profonde et sinistre, des gobelins mutants, de l'or maudit, des pyromanes impressionnants, et un roi corrompu. Et j'en oublie sans doute.

La troupe avait traversé les étapes avec difficulté, et non sans pertes. Mais elle était arrivée au bout. Israa a été sauvée. Ce qu'il est advenu par la suite, c'est ce qui nous intéresse.
La noble dame s'est avéré être une membre de la Main Noire, bien gradée visiblement, en mission pour récupérer un joyau de la plus haute importance. Son habileté à combattre n'avait d'égal que son caractère trempé. Il en fallait pour lui faire croire qu'on avait des qualités.

Chao Hu, notre héroïne, s'était surpassée pendant ce voyage, du haut de ses neuf ans, grande comme un pommier en bouture et épaisse comme une peau de sanglier. Mais sa hargne viscérale l'avait menée à surpasser les contraintes physiques pour jouer sur la vitesse de ses dagues qui tranchaient jusqu'à l'air en sifflant sournoisement, sur la spontanéité de ses attaques vicieuses qui se plaçaient toujours sur les plus improbables des endroits du corps. Plus d'une fois, elle s'était retrouvée rouge comme un coquelicot dans un champ de blé mûr, couverte par le sang de ses victimes qui se mélangeait au sien dans des visqueuses alliances peu appétissantes.
Enfin, elle arriva face à l'éternel ennemi, celui dont la mort servirait à terminer la mission pour enfin soupirer de soulagement. Elle l'étripa. Littéralement. Une cathédrale l'aurait frappé de plein fouet qu'il ne se serait pas plus éparpillé sur le sol. C'est à ce moment là qu'Israa entre en scène, le sang d'un redoutable ennemi déjà sur les mains. Juste assez tôt pour apercevoir la petite effectuer un meurtre en toute connaissance de cause, sans aucune hésitation. C'était une belle opération, mais pas suffisant pour faire exprimer à la noble sa reconnaissance.

Dans l'antre ignoble, maintenant, la troupe était coincée, à la recherche d'un joyau volé par feu Tol'Akkar le corrompu, pour le compte d'Israa. L'apathie commençait à gagner tout le monde, seulement percé par des pointes de lassitude qui faisait percevoir dans le groupe une sorte de déclin d'humeur généralisé. Cela eu pour conséquence d'irriter notre petite hélionne qui se mit à chercher frénétiquement à chercher une solution. Elle parla à une statue, essaya de parler à l'âme perdue du défunt roi des gobelins, examina chaque recoin de la salle, pour finir par déposer, avec une conviction sans fondements, les pièces d'or maudite de Minos le terrible sur l'autel qui trônait au centre de l'endroit. Le sang de Chao Hu glissa avec elle. Le sang d'une vierge.
Il n'en fallut pas plus pour qu'un étrange mécanisme s'active et que l'énorme bloc de roche artistiquement taillé se décale sur le sol, prenant une couleur bordeaux passablement écoeurante. L'incroyable s'était produit. Il laissait place à un escalier qui mena les hommes et les femmes vers le tombeau du plus grand félon de tous les temps, Jafferi Har. Et il ne fallut guère plus de temps à l'assassin du corps de la Main Noire pour trouver le précieux bijou et l'extraire d'un or maudit.

La petite Pinheht avait réussi. Elle était ravie. Aussi clopina-t-elle innocemment vers la grande et belle Israa pour l'apostropher en ces termes :

[Image: 161.jpg]"Eh, dis, Israa !

Tu sais, ze me suis dit, la vie dans cette grotte, pour venir te ssersser, sans trop savoir pourquoi, c'était pas trop la zoie.
Mais ze me suis dit que t'en avais besoin, alors ze suis viendue.

Mais tu sais... Ça, c'est normal, on était tout plein à le faire.
Par contre, ouvrir l'autel et tuer le messant roi, c'est rien que trop un ssef d'oeuvre de ma part, tu sais.
Ze suis sur que vue la netratesnie... Neutrastinée... Non... Neu... Ra...Sthé... Nie. Oui, c'est ça, neutrasthi... Ah mais flûte, z'y arrive pas.
Enfin, vu que les autres ils étaient aussi actifs que des pustules sur un pied sale, et ben sans moi, on aurait zamais trouvé l'entrée, c'est sur !

Alors... Tu voudrais pas dire à des zens très bien placés que z'ai eu beaucoup de mérite et que ze suis cro cro forte quand même, et que du coup, il faut me dire beaucoup merci, un peu plus que les zautres ? Zenre avec un zoli cadeau !
Même si ça se sait pas, tu sais, on fait ça en catimini, en secret de polissinelle, et comme ça, bah ze serai contente.

Tu veux bien faire ça, hein, dis ? "


Son interlocutrice eut un petit sourire, et son regard fut presque doux sur le moment. Abandonnant son air insolent, elle sembla hésiter, quelques secondes, pour finalement inspirer profondément, presque à regret, et commença, à voix basse :

[Image: 90853.gif]
"L'intérêt des assassins, c'est d'agir dans l'ombre, petite. Alors forcément, crois pas que je vais te filer un truc bling bling, mais..."


Elle jaugea d'un regard un peu haut la gosse, l'observa, d'un œil critique.
Elle y retrouva un peu d'elle quand elle était plus jeune. L'ombre dans les yeux en moins. Israa a toujours eu les yeux couleur d'or, comme si toute sa vie, elle l'avait vouée à l'argent. Elle repoussa une mèche de cheveux rebelle, se pencha en attirant sur son fessier rebondi quelques regards hagards, et tira de sa botte une lame nouvelle, différente de ses dagues empoisonnées.
Là, elle tendit l'arme à la gamine, et alors que Chao Hu attrapa cette dernière, elle lui subtilisa quelques pièces d'or avec un petit sourire de renard, sournois.


[Image: 90853.gif] "Cette dague, c'est une dague de cérémonie. Les nouveaux de la Main Noire la reçoivent par un Maître Assassin. Pour devenir membre de la Main Noire, il faut faire ses preuves. Avec cette dague, tous les membres de la Main Noire sauront que tu as, un jour, fait quelque chose de grand. Le reste ne la verra pas comme telle, et c'est tant mieux. Ils ne doivent pas savoir la valeur de cette dague, car elle est unique. Pour te montrer digne d'entrer dans la Main Noire et de rejoindre les Lames Rouges, il te faudra verser le sang d'un ennemi et griffer le mur du magasin d'arme de Babylios. Ce jour là, et ce jour là seulement, tu auras ta place auprès de moi et des autres.
Pour le moment, tu te contenteras largement de cette petite dague. Elle fait un bon office. J'ai occis mon premier centaure avec cette dernière quand je n'avais pas dix ans."


Avec un petit rire, Israa tapota la tête de la gamine et repartit, joyau à la main.
Sa mission ici était finie.

Chao Hu était estomaquée. En recevant la dague, elle l'observa. Longuement. Très longuement. En levant les yeux, ils avaient une nouvelle fois changé de couleur. Les étoiles que son père avait volé aux cieux pour les mettre dans ses yeux venaient de se rallumer. De la douceur rugueuse, une reconnaissance acide, certes, mais c'était toujours une récompense symboliquement plus importante que tous les cristaux de mana d'Andoras.
Elle leva les yeux vers la noble quand elle entendit ce qu'elle devait faire pour devenir une Lame Rouge. Toutes les couleurs dorées de ses yeux disparurent quand l'appel du sang se fit entendre. Ils étaient maintenant rouges comme les flammes des enfers.

[Image: 161.jpg] "Dix ans ? Oh bah ça va alors, z'ai le temps ! Z'ai pas peur de ces minus là. Si ze suis digne de ta dague, alors ze fera, ferai, tout bien. Et après, ze deviendrais belle et forte. Encore plus que toi, promis. Et ze dirais que c'est grace à toi. Amuse toi bien avec ton zoyau."

Quand Israa lui tapota la tête, elle eu deux réactions. La première, ce fut de serrer très fort le manche de sa nouvelle lame. Elle n'aimait pas cette condescendance, et elle avait frappé pour moins que ça. La seconde, ce fut l'acceptation. Elle était encore trop faible pour rivaliser avec Israa, et elle respectait cette personne. C'était une chance, un tournant, la plus grande de ses opportunités.
Aussi inspira-t-elle, et se força-t-elle à sourire.
Bientôt, elle serait son égale, voir plus. Un jour en tout cas.
C'était son objectif.

La femme s'éloigna.
L'enfant la rattrapa rapidement. Elle posa sa vieille dague qui ne lui servirait plus à rien dans la main de ce qui semblait pour elle être sa préceptrice, en un sens.
Si la Main Noire était une boussole, la puissance serait les quatre points cardinaux.
La jeune Pinheht rajouta.

[Image: 161.jpg]"Elle ne te servira pas, mais tu te souviendras de moi.
Z'ai tué un roi corrompu qui te retenait captive avec, quand z'avais à peine neuf ans."


Puis après un clin d'oeil, elle rajouta, un sourire en coin sur les lèvres.

[Image: 161.jpg]
"Elle a déza fait bon office."

Elle rigolait intérieurement. Pas d'un rire franc, pas d'un rire nerveux, pas d'un rire satisfait, pas d'un rire albaïennement sadique, non, aucun de tous ceux là. C'est l'euphorie qui faisait vibrer son cœur au rythme des battements d'ailes du colibri, qui faisait trembler sa joie comme si le sol avait cessé d'être fixe.
Elle pouvait maintenant prétendre au plus grand des honneurs pour un hélion. Elle, qui avait failli finir au plus bas tout en creusant encore à de maintes reprises, du haut de son jeune âge, face à des adversaires redoutables mais impalpables, tels que la pauvreté, la culpabilité, l'alcoolisme, et la schizophrénie.
Maintenant, ses cibles étaient matérielles, elle pourrait s'en sortir. Elle l'espérait, elle en rêverait.
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#2
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« Ze crois que t'as pas trop compris, eh, toi, là, avec ta tête de barbu qui pique trop et que du coup on lui fait zamais de bisous ! T'es trop nul avec ton fléau, z'ai même pas peur ! Ze vais te massacrer ! »


Elle avait hurlé ça du haut d'un arbre. Absurde. Mais ce qui le fut encore plus, c'est de la voir taillader le flanc du centaure à peine quelques secondes plus tard. Mais peut être que l'histoire va un peu vite. Commençons par le commencement, comme disait le maître des tautologies.

C'était il y a à peu près dix jours. Chao Hu et sa joyeuse bande de drilles se promenaient à vitesse grand V, au milieu des ressources, récupérant tout ce qu'ils pouvaient dans leur sillage. Tantôt l'une pestait contre la moquette au sol, tantôt l'autre cueillait des champignons, alors que dans l'ensemble du groupe régnait une sorte d'insouciance crasse qui présageait des jours tranquilles. Il n'y avait pas un loup…
Mais, peu après, dans un soupçon délicat de nouveautés, la troupe eut vent de quelques combats au centre des terres, par loin de la terrifiante et angoissante tour des mages qui semblait répandre la mort dans une inactivité prompte à la finitude des âmes conquérantes. Visiblement, les centaures faisaient des ravages.

Il ne fallut pas longtemps à la petite et ses amis pour prendre contact avec un bataillon rangé d'hommes-bêtes qui visait la même cible. Lentement mais sûrement, les deux se rejoignirent dans une cohésion difficilement critiquable, et poursuivirent deux centaures avec hargne.

Il y eut ensuite trois rencontres avec des créatures quadrupèdes aux vilains traits. La première se solda par un échange rugueux, et des javelots teintés d'une étrange lueur jaunâtre vinrent la repousser après quelques coups de dagues. Mais le mal était fait, son grand père avait sournoisement alourdi l'armure des ennemis alors que l'assassin avait subtilement glissé du poison dans les blessures superficielles de son adversaire.
Il ne restait plus qu'à les traquer, les poursuivre, inlassablement. Le temps ferait son effet.

Curieusement, et contre toute attente, ce fut un autre adversaire qui leur apparut, plus tard. L'insouciant piochait quelques pierres précieuses, détendu, sans la moindre idée du risque qu'il encourrait. Encore une fois, la gamine fut la première à sauter sur l'ennemi, distillant dans des tourbillons bouillonnants des belles baignes abîmant bien la cible. Suivie de près par Ragold, qui, étrangement, se tenait toujours à ses côtés.
La petite ne savait expliquer la raison de la présence du mage. L'appât du gain sans doute… Mais il devait y avoir autre chose. Elle ne concevait pas qu'il n'y ait que ça. Elle finit par regarder le centaure cavaler loin d'elle, en haussant les épaules. Il n'était qu'un simple mineur sans importance, et elle voulait retrouver celui qu'elle avait entamé. Il avait quelque chose de répugnant à son goût qui lui donnait envie de rentrer dans son corps pour mordre dans les intestins.

Elle se camoufla derrière quelques ombres ferrugineuses, les yeux entièrement noirs, rien ne pouvant la montrer au regard hagard. Elle faisait autant de bruit en marchant qu'un courant d'air dans une maison abandonnée. Au loin, quelques claquements d'armures, quelques cris de douleur. Chao Hu sursauta et laissa la colère initiale repartir dans les méandres de l'ignorante incontinence. Elle se terra derrière une butte en attendant que la nuit l'enveloppe. Elle ne dormit que d'une oreille, consciente de la proximité de ses adversaires pas loin d'elle.
Peu avant que Solaris ne revienne inonder les mers herbeuses de ses rayons, l'assassine eut une attitude particulièrement défiante. Elle, habituée en général à pratiquer des attaques inattendues qui vous tombaient dessus comme l'épée de Damoclès, hurla avant d'arriver à portée de sa proie. Celui-ci ne pu, cependant, guère mieux s'en sortir. Les deux dagues de l'enfant sifflaient rapidement et semblaient toujours avoir plusieurs secondes d'avance. À gauche. À droite. Gauche à nouveau. Encore une fois, elle avait planté ses dents d'acier dans les chairs onctueuses avec une satisfaction profonde. Mais ça ne l'empêcha de rester attentive à son entourage. Derrière elle, un druide semblait communiquer avec les arbres et aida la jeune hélionne avec d'étranges flux d'énergie qui venaient estropier encore plus Naash Ubah dont la vitalité semblait s'estomper au rythme des battements cardiaques faiblissants. Malheureusement, à nouveau, un javelot fit trembler l'air dans sa course folle. Mais Pinheht l'attendait, cette fois ci. S'élançant en arrière, son dos s'arque bouta et ses mains se posèrent à plat sur le sol, alors que l'arme de jet frôlait sa poitrine en poursuivant sa course sans victime. Emportée par son élan, Chao Hu se laissa entraîner par la douce souplesse de son svelte corps. En appui sur ses bras, elle fit une grande roue avec ses pieds en s'éloignant de son adversaire dont le fléau frémit à nouveau sans trouver rien d'autre que du vide.
Elle était, ce coup-ci, beaucoup trop rapide pour avoir quoi que ce soit à craindre des deux créatures.
Mais ce bref intermède suffit à laisser fuir les deux centaures.

Malheureusement pour eux, Chao Hu ne voulait pas s'arrêter là. Elle savait que bientôt ses compagnons de voyage la rejoindraient, alertés par le boucan qui tonnait comme un boucanier et son toucan. À nouveau, elle se retrouvait séparée de sa proie. Mais cette fois ci, elle comptait porter une dernière attaque. De celles qui vous surprennent.

Elle hissa dans un arbre et hurla.
La suite, vous la connaissez. Sans les détails. Toujours est il que, sitôt avoir fait jaillir de sa gorge les gerbes de menace, elle fut sous la bête et la surprit. Elle s'acharna, sur le corps vacillant qui tomba sur le sol mollement. Derrière elle, plusieurs de ses camarades affluèrent pour poursuivre l'assaut.
En prélevant du sang de sa victime dans une fiole, elle regarda sa dague en souriant, se repliant légèrement.
Cette arme avait fait son office.

Ignorant le tumulte fascinant de la bataille qui faisait rage, Chao Hu se remémora le visage d'Israa.
Sa quête continuait, et prenait bonne tournure.
Elle pensait déjà à sa griffe. Elle la voulait signifiante, pleine de concepts. Et les idées fusaient.

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#3
Chao Hu se tenait au pied du mur, prête à avancer. Elle regardait le magasin d'arme avec un sourire satisfait. Elle avait ses neuf ans depuis à peine quatre mois, et déjà elle avait accompli de nombreux actes dont elle pouvait être fière. Du moins, dont elle se sentait fière.

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Elle tenait dans sa main la dague rougie que lui avait offert Israa, et elle regardait son arme avec satisfaction. Ce n'était pas quelque chose sans valeur. Même si la confection en elle même n'était pas ce qu'il y avait de plus parfait, elle avait une valeur sentimentale sans égale. Et elle servirait, indéniablement, pour pouvoir effectuer la dernière étape de la quête que lui avait confiée la fille du conseiller Malik : Poser sa griffe à côté de celle de nombreux assassins des Lames Rouges.

Levant le bras doucement, la main tremblant légèrement, la petite hélionne posa le bout de la lame contre la surface poreuse du bâtiment. Elle allait faire simple, mais reconnaissable. Avec une application propre à l'enfant qui veut faire le plus important de tous ses dessins, elle effectua quatre arcs de cercles, délicatement. Le mur s'effritait doucement sous la pression de la dague. Et, à la fin, on pouvait reconnaître deux yeux assez semblables à ceux de leur auteur. L'un fut laissé tel quel, et l'autre eut l'intérieur également gratté, beaucoup plus sombre que le second.
On retrouvait ainsi la dichotomie de la finesse et de la brutalité, le yin et le yang de la personnalité de l'assassine dont les yeux changeaient de couleur selon leur caractère. En ce moment, d'ailleurs, un des yeux de Pinheht était d'une noirceur profonde, reflétant l'avenir, les objectifs de la gamine qui voulait répandre la mort comme une peste bubonique qui ravagerait ceux qui ne méritaient pas de vivre. L'autre était blanc avec des reflets jaunâtres, exprimant l'envie, la pureté, l'ambition, et l'amour porté à la guilde que la gamine espérait rejoindre, si Israa et ses compagnons le lui permettaient.

Maintenant que le dessin était fini en apparence, il fallait quand même rajouter quelque chose, un détail qu'il ne fallait pas oublier pour donner à cette griffe toute son ampleur, amplement méritée.
Sortant délicatement de son cabas la fiole de sang récupéré des blessures de Naash Ubah. Ensuite, un bocal assez fin contenant du sable du désert de Salith.
S'agenouillant pour effectuer sa préparation : Elle déposa sur le dos de la lame de sa dague une poignée de sable, sur laquelle elle versa le contenu de la fiole. Mélangeant le tout, on obtenait une sorte de boue sèche et collante.

Chao Hu récupéra la mixture aux teintes pourpres pour la déposer dans tous les interstices qu'elle venait d'effectuer sur le mur. On obtenait ainsi un œil rouge, et un couleur beige. Le cœur de la gamine battait la chamade. Elle tenait devant elle son œuvre, plutôt réussie, qui n'avait plus qu'à faire connaître son existence à son commanditaire.

Elle hésita à envoyer une lettre à ce propos, pour faire savoir qu'elle avait réussi. Mais après mure réflexion, elle haussa les épaules en se disant qu'il ne faudrait pas plus d'une heure pour que la Main Noire soit au courant. Un corbeau passait déjà dans le ciel, annonçant implicitement que la nouvelle passerait très très vite.

Quand elle repartit rejoindre Albinos, son épouvantable compagnon épouvantail, elle sentit dans son dos sa griffe qui l'observait.
Peut être qu'elle avait donné vie à cette signature, avec le sang de sa victime.

Elle n'avait plus qu'à attendre qu'on lui fasse signe.
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