A l'académie, tout est possible...
#1
Lentement Solaris rejoignait son lit, laissant, comme chaque soir place à sa Némésis. La fin de la journée de travail approchant, les hélions s'en allaient partager un repas avec leur famille avant de s'accorder un repos bien mérité. Étudiants et professeurs ne dérogeaient pas à ce quotidien.
Les quelques lumières restantes de l'académie d'alchimie maintenaient le bâtiment dans la pénombre. Le fourmillement des jeunes en pleine journée avait disparu, laissant place à une profonde quiétude, et une équipe de concierges veillaient à la maintenir.

Pourtant un observateur attentif pouvait percevoir un signe d'activité dans l'aile gauche du bâtiment. Une silhouette virevoltait au dernier étage entre les bibliothèques et les étagères débordantes de potions. En s'approchant, les formes devenaient plus distinctes et la source de tout ce remue-ménage était une étudiante, pas très grande et plutôt négligée. Défiant le couvre-feu de l'académie, elle jonglait avec plantes, liquides de différentes couleurs et autres concoctions au contenu indéfini.

- Encore une pincée de cette poudre et la mixture devrait être parfaite.

L'examen du lendemain rendait la jeune Malak'a anxieuse. Elle majorait sa promo lors des épreuves théoriques, mais la pratique, sujette à une part d'aléatoire était source d'angoisse. A cela s'ajoute l'intitulé de l'examen très déroutant : « Réalisez une potion qui nous surprend. » Cette épreuve nécessitait de l'imagination et la jeune femme en manquait.

Elle passait des journées entières à comprendre des formules, des mécanismes chimiques et des réactions possibles entre différents ingrédients. Elle consacrait peu de temps à toutes les futilités qui touchaient les filles de son âge, donc par association à développer son imagination.

Des journées de recherche pour mettre la main sur la potion extraordinaire avait fortement retardé la préparation de celle-ci. Elle devait impérativement finir les derniers préparatifs ce soir.
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#2
C'était pour des moments comme ça que Viraj ne regrettait rien.
Bien sûr, il aurait pu en vouloir à son père de l'avoir mis dehors comme le dernier des malpropres, sous prétexte qu'il était un mauvais garçon, qu'il ne travaillait pas bien et qu'il était depuis toujours la risée de la gente féminine. Il aurait également pu s'en vouloir à lui-même d'être un bon à rien mis à la rue.

Au lieu de tout ça, au lieu de ressentir de la honte ou de la colère, Viraj, et c'était ce qui le caractérisait le mieux dans la vie de tous les jours, était un homme particulièrement optimiste.
Certes son père l'avait jeté à la rue sans le moindre sous, le forçant à errer et à se remettre en question, mais n'étais-ce pas là ce qui lui avait permis de trouver un travail, de s'exonérer de ses responsabilités d'héritier dans une maison trop étroite avec une mère aussi possessive que la vieille mais encore très belle Amina Sherr'kan ?
Si on le lui demandait à ce moment précis, où monsieur est assis sur une chaise, le regard sur les jardins de l'école d'Alchimie de Babylios, alors oui, il vous le dirait, avec ce sourire qui quoi que charmant dénote toujours une bonté d'âme infinie, une bonté un peu simplette, il vous dirait qu'il ne regrette rien.

Ni d'avoir été le plus piètre des guerriers de l'école.
Ni d'avoir été le plus bon à rien des fils de Fahd Sherr'kan.
Ni d'avoir été le plus perdu des hommes de Babylios au temps où il faisait faim.

Pourquoi ?

Parce que ce chemin, aussi sinueux et douloureux fut-il, aussi profonde fut l'abysse… ce chemin, c'est celui qui l'a forgé comme l'homme qu'il est aujourd'hui, et en toute modestie, avec l'humilité la plus profonde et la plus sincère, Viraj Sherr'kan sait qu'il est un homme bien.

Sans doute de trop, se dit-il en sortant de sa vaine contemplation, remarquant dès lors ce qui était passé inaperçu jusqu'à maintenant, à savoir une petite lueur à l'étage du dessus.
Il sait bien qui il y trouvera s'il se lève, et il sait qu'à la laisser ainsi, il se fait plus de mal à lui qu'à elle. La jeune élève ne risque rien dans sa salle de classe, ou tout au plus une explosion par inadvertance, mais lui risque beaucoup, car le fils du berger Fahd est aussi une sorte de berger : il est concierge à l'école d'Alchimie.

Un métier glorieux à ses yeux, car il guide et mène les jeunes apprentis, les futurs grands maîtres de Babylios, ceux et celles dont la cervelle fonctionne bien mieux que la sienne. Il les mène dans la quiétude et la sérénité des couloirs, leur permettant tantôt d'étudier, tantôt de dormir aux bonnes heures, et veille aux grains afin que tous trouvent son chemin.
Il est cet homme à tout faire du rez de chaussée, celui qui rit trop fort aux blagues des jeunes filles, qui dégaine son arme pour impressionner les jeunes garçons et se fait finalement tirer les oreilles par la grande direction parce que voyez-vous, même à Babylios, cela ne se fait pas d'être trop intime avec les élèves.
Sous couvert de bonnes mœurs et d'éthique, Viraj se bride, se frustre. Pourtant, c'est un enfant à sa façon, malgré sa barbe d'homme et son regard qui a vécu. Malgré ses trente ans, malgré ses mains qui ont travaillé, il n'est pas plus mature ni plus intelligent que ces enfants.
Et c'est lui qui devrait les garder ?

Il soupire finalement, car si son rôle est de veiller à l'ordre et au grain, il doit faire au moins l'effort de paraître transporter par sa mission. Chose difficile quand on a jamais vraiment été sage non plus.
Finalement il s'extirpe de sa torpeur, rengaine à sa ceinture le vieux cimeterre de son père, unique héritage, cadeau, de ce dernier. Fahd lui a dit, « un jour ce cimeterre, tu t'en serviras de la meilleure façon qui soit, pour protéger une femme, un enfant, un vieillard ou une veuve, et ce jour-là, tu te souviendras que tu es le fils de Fahd Sherr'kan, et qu'avant toi, ton père a fait de même. Tu devras en être fier alors, car il n'y a que de cette façon qu'un guerrier peut acquérir de l'honneur et du mérite, et que c'est là la mission que Solaris nous a tous donner : vivre dans l'honneur et dans le mérite ».

De grands mots pour finir concierge, n'est-ce pas ?
Son père avait été heureux d'apprendre qu'il avait un travail. Moins heureux en faisant une croix sur la carrière militaire tant espérée de son fils, presque fantasmée. C'était la seule chose qu'il manquait à la famille. La soeur de Fahd était mariée un sorcier et elle avait à présent trois chiards, qui auraient sans doute tous un avenir.
Lui n'avait pas de famille ; son père aurait tant aimé qu'il eut au moins un bon métier.

Les marches défilèrent sous Viraj qui n'y pensait plus du tout. Moins il y pensait, mieux il se portait.
Il avait rencontré son père deux jours plus tôt, pour lui annoncer qu'il allait bien, que les choses se passaient bien à l'Institut, ce genre de chose. Depuis qu'il ne vivait plus sur le toit, Amina se faisait un sang d'encre, mais Fahd lui avait interdit de verser le moindre centime à leur « bon à rien de fils », afin qu'il apprenne la vie.
Viraj ne demandait rien à son tour, parce que cela ne se faisait pas, et qu'il était de ces hommes qui souffrent en silence avec un sourire sur les lèvres.

C'est avec ce même sourire sur les lèvres, le même, qu'il se planta entre deux étagères, osant un regard sur l'élève. Il était dans son dos, si bien que Malak'a mit un temps prodigieusement long à se rendre compte de sa présence (comme il la connaissait, son esprit n'était plus vraiment des leurs mais partit bien loin).
Il eut un large sourire en croisant ses prunelles :

« Je ne te fais pas de dessin sur le pourquoi de ma présence ici, mh ? »

Le ton était égal, léger, pas une once de reproche.
Viraj n'avait jamais eu la moindre autorité sur quoi que ce soit…
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#3
Malak'a, tellement concentrée sur son expérience, eut un hoquet de surprise lorsqu'elle entendit la voix du concierge. Elle fut soulagée de constater que la source des paroles n'était autre que Viraj. Parmi tous les rôdeurs nocturnes de l'académie, c'était lui qu'elle préférait. A noter qu'entre les couples en mal de sensations fortes, les trafiquants de poudre chimique et les gardiens pervers, la comparaison n'était pas difficile. L'étudiante estimait le nombre de concierge insuffisant par rapport à la taille du bâtiment. Une nuit, elle avait même résolu l'équation pour avoir le nombre exact. La différence était énorme.

Oh, désolée, Monsieur Viraj, j'en ai pour une minute.

Une minute dans le référentiel Malak'ien équivaut à deux heures de temps réel. Elle s'était retournée vers lui, stoppant ses activités pour afficher un sourire angélique. Une telle expression sur un visage un peu sale avec des cheveux gras et des cernes comparables au désert de Salith n'avait aucun impact sur son interlocuteur hormis une sensation de moquerie. Pourtant, Viraj, bougonnant, la laissait souvent finir.

Ce rituel durait depuis des mois. Il enfreignait le règlement à chaque fois et la jeune femme lui était reconnaissante. D'ailleurs, c'était son seul contact social de la semaine en dehors de ses professeurs. Mais ce soir, c'était différent, Malak'a a un examen important et une potion à tester. Son sourire mua en espièglerie. Elle avait trouvé son cobaye pour sa concoction.

Dites-moi, Monsieur Viraj, vous voudriez pas boire le contenu de cette potion pour une expérience ? Je dois la tester pour mon examen de demain. S'il vous plaiiiiiiitttt.
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#4
Une minute, qui deviendra une autre minute, et une heure, et deux heures… maugréa le guerrier avec un visage perplexe.

Fallait dire qu'on ne la lui faisait pas à Viraj Sherr'kan, il avait eu une mère coquette et trois sœurs aussi féminines qu'adorables. Alors oui, il ne doutait pas simplement de la parole de la jeune fille : il ne la croyait pas du tout.
Pour autant, il ne pouvait pas vraiment le lui en vouloir. Malak'a était tout l'inverse de lui, quelqu'un de passionnée par son art, sans doute trop car il la croisait fatalement tous les soirs à la même place, se faisant presque un devoir de passer la voir parfois car il savait qu'il n'était pas seul au sein de l'école à être éveillé après minuit, et que les autres n'avaient pas toujours que de bonnes pensées.

Le concierge inspira profondément.
Pour se retenir de parler. Pour ne pas dire oui. Pas encore. Pas à des expériences dont il ne savait rien et qui, un jour très clairement, aurait sa peau. Il se força à ne pas répondre, mais finalement la curiosité prenant le pas sur la raison, il murmura du bout des lèvres, d'une voix perçant à peine l'étoffe de sa barbe :

C'est une potion de quoi… ?

Son regard était perplexe, mais pas franchement fermé à l'éventualité de boire une potion.
Au pire, il finirait clouer au lit. Au mieux, … au mieux, que pouvait-il espérer de cette petite chose appelée Malak'a ?
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#5
L'alchimiste inclina la tête du côté gauche, avec un sourire narquois. Dandinant d'un pied sur l'autre, les mains jointes dans son dos, elle répondit

Monsieur Viraj, c'est pour mon examen de demain... Si je le réussis, je deviens alchimiste ! Je ne vous embêterai plus après !

User de ses charmes à peine débarbouillé et les cheveux mal coiffés retenus par une paire de loupes revient à trouver une goutte d'eau dans le désert. La jeune femme pourrait être belle si elle le désirait mais elle préférait la potion dernier cri - et de loin - à la dernière tenue hélionne à la mode. En ajoutant son discours incompréhensible sur l'alchimie, sa seule passion, on ne peut pas dire que Malak'a excelle en matière de séduction. Renonçant à ces minauderies, elle ajouta timidement.

Je veux prouver à mon père qu'il a eu raison de me lancer dans l'alchimie.

Son père ne lui pardonnait pas le temps passé à l'académie. La maison familiale s'apparentait à une pension, et les échanges avec ses parents se limitaient à "je pars en cours", ou "je ne rentre pas tard ce soir" promesse qu'elle ne respectait jamais. Pourtant, malgré ces désaccords, elle voulait vraiment que son père soit fier d'elle, et révise son jugement.

Mais réalisant ce qu'elle demandait, elle agita une main comme pour chasser un insecte imaginaire, et soupira.
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#6
Elle était adorable.
Pas comme une femme, mais comme une petite sœur.

C'était davantage ca aux yeux de Viraj Sherr'kan. Une adorable petite sœur. Elle ne ressemblait à aucune de ses sœurs pour autant. Les siennes étaient de véritables sauvageonnes au grand caractère. Par certains côtés, elles lui rappelaient leur tante, Julanr.
Elles étaient alors toujours à brailler dans ses oreilles, à se pendre à ses fortes épaules, à l'embobiner pour qu'il aille secouer le copain d'une amie pour leur faire peur. Elles se servaient de lui. Comme toutes les femmes qui avaient rencontré Viraj.
Comme Malak'a à ce moment précis.

Il inspira profondément, de dépit car il se sentait déjà faiblard face à ses propres promesses. Pourquoi est-ce qu'il se sentait toujours obligé de dire « oui » ? Qu'est-ce que, concrètement, il y gagnait ? Rien. Jamais rien.
Il leva sa main, la passa sur la droite de son visage, empruntant une expression anxieuse. Il semblait déjà réfléchir aux possibles répercussions que cette potion aurait sur lui. Peut-être qu'il deviendrait impuissant ? Ou alors qu'il aurait une maladie ? Oh ! Une maladie qui le rendrait impuissant ?
Enfin bon, ce n'était pas vraiment comme si de ce côté-là, c'était entraîné et souvent utilisé…

Un nouveau soupire de dépit passa le seuil de ses lèvres alors qu'il tendait déjà la main vers Malak'a, détournant le regard, rougissant un peu. Il était bête de penser à ça maintenant. Il était bête de penser une seule seconde que cette potion affecterait son appareil reproductif.
Et dans le pire des cas, au moins cela donnerait une bonne raison à son père d'abandonner l'idée de le voir marier et fonder une famille ! (quand on vous dit que Viraj est un homme optimiste)

Allez, donne. Si je meurs, dis à ma mère que je l'aime…

Il ravala sa salive et maugréa tout bas :

…et qu'elle ne regarde pas mon appartement, ni sous mon lit d'ailleurs…

Bien sûr, Viraj était aussi effrayé que curieux. Peut-être que cette potion résoudrait tous ses problèmes de malchance, ou peut-être qu'il deviendrait enfin absolument beau aux yeux des femmes ?
Le guerrier ignorait qu'il était de belle stature et que son faciès n'était pas à vomir.
Ce n'était pas son physique qui était à vomir, c'était son côté boulet.
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#7
La jeune alchimiste tendit la potion et vit Viraj la vider d'un trait. Satisfaite, elle attrapa un parchemin à moitié vierge et une plume, prête à noter les différentes phases de la réaction.

Le corps du cobaye se modifia, bras et jambes devinrent plus petits, suivi du torse et enfin de la tête. Le temps de la réduction fut assez long à cause de la perte de matière, et le visage crispé par la douleur témoignait que le changement n'était pas très agréable. Le corps entier du concierge se réduisit jusqu'à la taille d'une souris. Malak'a consignant les moindres détails s'extasia devant la réussite complète de la transformation. Elle exulta sa joie dans un hurlement

J'ai réussi ! j'ai réduit à une taille jamais atteinte !

Elle s'accroupit près du mini-Viraj, au milieu de ses vêtements devenus trop grands, et oubliant sa tenue d'Adam. Une larme de joie coula sur sa joue, et un sourire de bonheur se dessina sur son visage.

L'effet est tempo...

Elle déglutit avec peine. Des effets imprévus vinrent perturber la réduction. Poils et cheveux se détachèrent de son corps, laissant la peau lisse, qui vira progressivement vers un bleu ciel. Le dernier changement fut l'agrandissement - dans le référentiel du petit homme - de ses pieds.

C'est... c'est ... sous contrôle !

La jeune femme n'était pas au bout de ses surprises. Un bonnet et un pantalon blancs apparurent en une fraction de seconde sur le petit corps, couvrant sa nudité. Elle blêmit un peu en réalisant le croquis final de son expérience.

Qu'est-ce que....

L'alchimiste leva la tête apercevant la source de l'intervention. Dans l'encadrement de la porte se tenait un autre concierge, pervers à ses heures, avec un regard paniqué. Avant qu'elle n'ait pu répondre, il se volatilisa. Aucune potion ne peut me sortir du bourbier dans lequel je suis empêtrée... pensa-t-elle.
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#8
Il se sentait devenir de plus en plus… étrange ?
Son cœur rata un battement de frayeur quand lentement mais sûrement, son corps prenait des tailles et des mesures défiant la réalité de ses organes. En temps normal, il n'avait rien contre une disproportion d'une partie de son corps, mais dans ce cas précis, il lui semblait tout de même que c'était plus que disproportionné.

Il était en train de… rétrécir.
De devenir un nain.

Et plus Malak'a grandissait, plus son teint devenait livide, puis bleu ! Mais un bleu livide, un peu sale, vitreux, malade. Clairement malade. Son père allait le voir revenir, bossu et laid sans doute (car oui, un nain ne peut être que bossu et laid), et il allait le chasser comme le dernier des animaux ! Voilà ce qui allait arriver ! Et il n'aurait plus que les yeux pour pleurer !

Sans trop comprendre jusqu'où son corps était rendu, Viraj resta silencieux de longues secondes qui parut une, ou deux minutes. Ses grands yeux noisette fixés sur Malak'a cherchaient en silence une réponse à son problème, comme il ne voyait pas encore l'ampleur des dégâts.
Ce qu'il voyait en revanche, c'était une jeune fille titanesque, vraiment titanesque. Elle était si grande qu'il aurait pu rentrer dans un trou de nez. Il en était sûr, mais il n'allait pas essayé.

Heklené… ? murmura l'hélion, prit entre la folie et la peur.

Il secoua brutalement la main. Il n'était pas l'heure de prendre l'élève Malak'a pour une déesse mère réincarnée en déesse de la beauté, même si pour la forme, Viraj imaginait bien cette terrible Déesse comme une femme aussi grande que pouvait l'être l'alchimiste.

En fin de compte, il fit un pas, baissa les yeux en semblant gêné. Lui qui avait une certaine démarche lourde se retrouver un peu déstabilisé. Quand ses yeux rencontrèrent sa peau nue et son… short blanc, aussi court que laid, c'était la goutte de trop.
Viraj leva les mains, et elles aussi étaient odieusement bleu ciel.
Par quelle punition devait il souffrir ses peines ?

[Image: Le-raleur.jpg]

Ses yeux noisettes se fixèrent de nouveau sur Malak'a, et il semblait que sur son visage, le bleu naturel était un peu délavé tant il était livide à l'intérieur.

Venant des tréfonds de son âme, il se mit à hurler, d'un cri bestial, d'un cri viril de désespoir… qui ressemblait en fin de compte au grincement d'une petite souris sans aucune intensité.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah


Par manque d'air pour alimenter le cerveau, air ayant servi à essouffler l'hélion vilement transformé, Viraj tourna de l'œil et tomba raide sur la table, les mains et les pieds en l'air, la langue pendante sur ce petit trou qui lui servait désormais de bouche…
Il fallut quelques longues secondes pour que Viraj ne revienne à lui, clignotant des yeux, regardant autour de lui. Douloureusement il se releva, et observant l'immense tête qui le fixait, ses yeux s'écarquillèrent car ce n'était pas un rêve, et le schéma se répéta à la note prêt.

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
AAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah


De nouveau sur le dos, il ne fallait plus espérer qu'il se lasse un jour de cette mauvaise habitude que d'hurler à s'évanouir.
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#9
La jeune alchimiste analysa la situation, le regard rivé sur Viraj : d'un côté, une petite créature effrayée et d'un autre côté, un concierge courrant prévenir son supérieur. Il fallait raisonner rapidement pour se sortir de ce guêpier, mais Malak'a n'avait pas l'habitude d'être oppressée de la sorte.

Si on considère que la vitesse de course du concierge est celle d'un hélion ordinaire, ne pratiquant pas de sport, excepté pour satisfaire sa perversité, que la probabilité d'obstacle ou de rencontre pouvant retarder sa course soit faible, que son discours à son chef soit suffisamment convaincant (la vitesse de la course entre en compte pour le débit), et que ce dernier veuille se déplacer jusqu'à la salle d'alchimie à vitesse moyenne, il nous reste....

Elle fronça les sourcils pour évaluer le temps restant. Après maintes calculs avec, en fond sonore, le léger bourdonnement provenant de la petite bête bleue allongée sur le sol, Malak'a annonça son résultat à voix haute.

Entre une demi-heure et une heure, aux erreurs d'arrondi près.

Il fallait donc fuir rapidement l'académie. La jeune femme attrapa sur une étagère un bocal contenant des champignons blancs à chapeau rouge, et y fourra Viraj sans état d'âme. Elle sourit car l'acoustique du bocal permettait de discerner plus précisément les sons émis par le concierge métamorphosé. Elle rangea précipitamment notes, manuscrits et ses maigres possessions pouvant trahir sa présence dans sa sacoche, puis elle se dirigea rapidement vers la porte, le bocal dans les mains.

Elle s'arrêta brusquement dans le couloir, envoyant valser les champignons dans le récipient. Quel chemin permettait de sortir rapidement, avec une faible probabilité de rencontre ? Les calculs d'optimisation du trajet risquaient d'être longs... mais intéressants. Elle devrait développer une théorie là-dessus. On pourrait réaliser des expériences en se basant sur l'écoulement des fluides. Ou même mieux, avec un mini Viraj tout bleu fuyant un horrible chat marron !

Elle secoua la tête pour chasser ces idées polluantes. Fuir restait la priorité, mais un dilemme se présentait devant elle. Droite ou gauche ?
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#10
Faible probabilité de rencontre... Commençons par semer ce concierge !

Le couloir de droite était bloqué par un homme négligé, comme en témoignait sa barbe mal taillée, et les taches de jus de viande sur sa chemise de lin. Son physique avait été entretenu dans sa jeunesse, mais les nombreuses années à l'académie avait surtout entretenu son embonpoint. Son poste lui avait procuré des privilèges : bien incapable de séduire, il déshabillait les jeunes étudiantes du regard avec un sourire pervers.
La surprise sur son visage laissait prévoir un temps de réaction assez long. La caractéristique principale des concierges n'était pas leurs capacités intellectuelles.

Sans un mot, Malak'a se rua dans le couloir opposé et se mit à courir, la prison de verre de Viraj entre ses mains. L'homme reprit ses esprits, et se lança à sa poursuite. Malgré sa musculature un peu rouillée, mettre la main sur la jeune femme n'était qu'une question de temps.

L'alchimiste dut user de subterfuge pour semer son poursuivant. Des mouvements erratiques couplés à des changements de directions aléatoires interloqueraient le gardien et tenter de trouver une explication ralentirait sa course. Les hommes sont bien incapables de faire simultanément deux tâches, surtout si l'une d'elle nécessite l'utilisation du cerveau.

Il faut tout de même imposer que la direction prise au hasard soit valide, pensa la jeune femme, car les fenêtres sont une échappatoire possible. Reste à calculer la vitesse, la trajectoire, et ainsi localiser l'impact, afin de minimiser les dégâts physiques. Une expérience envisageable à tester avec le petit homme bleu.

Le souci de cette expérience restait le nombre d'essais possibles. Sa stratégie eut l'effet escompté, seul l'écho des bruits de pas confirmait la présence de son poursuivant. Mais un autre problème - de taille plus imposante - surgit au détour d'un couloir.

En tunique bleu ciel et sandales parfaitement entretenues, son professeur occupait la seule issue qui se présentait devait elle. Les couches de graisse accumulées par les repas gargantuesques à l'académie (monsieur en est le chef) supposaient l'impossibilité de le déloger. Malak'a dut s'arrêter et le regard menaçant confirma son judicieux choix.

Mademoiselle, que faites vous ici à cette heure tardive ? L'académie n'est plus accessible aux étudiants !

Il aperçut le bocal à champignons, et continua son interrogatoire.

Vous subtilisez des composants pour votre examen de demain ? Cela ne joue pas en votre faveur !

Elle élabora en vitesse une théorie justifiant sa présence ici et enrobant légèrement la vérité.

Vous vous méprenez, votre examen est d'une importance capitale, et il fallait que...

Le bocal choisit cet instant pour se manifester. Vibrant dans un premier temps, il se brisa projetant éclats de verre et champignons aux alentours. Malak'a, les mains ensanglantées, envoya valser les restes du récipient. Le petit homme bleu, libéré de sa prison, plana quelques instants avant d'atterrir sur la jeune femme. Pendant son vol, le concierge reprit sa forme humaine mais garda son teint bleu ciel.

La scène avait un côté comique : une alchimiste, au milieu de morceaux de verre et de champignons écrasée par un homme bleu torse-poil. Dire que certains frottaient des lampes pour obtenir le même phénomène.

Le professeur surpris hurla à son étudiante.

Qu'est-ce ... qui s'est passé ?

Pour la première fois de sa vie, Malak'a ne put élaborer une théorie en guise de réponse. Le souffle coupé par la présence du gros poids sur son estomac, elle rétorqua la première idée qui lui vint à l'esprit :

Ai-je... le droit ... à un souhait ?
- Vous êtes siphonnée du bocal, Mademoiselle !


Un joli nom
, pensa l'alchimiste, la génie siphonné du bocal.
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