L'heure est venue. Les Ombres sont sur vous.
#1
La mission

Hanish était seul.
Depuis longtemps déjà il vivait caché, fuyant la lumière pourtant fondatrice de son peuple.

Il n'avait pas de parents.
La Main l'avait nourri, vu grandir, formé...
Puis logiquement vint la mission, alors qu'il était encore jeune.

Elle était sans âge, n'avait aucune autre force que la parole.
Mais elle parlait de paix avec les ennemis jurés cachés dans la grande cité de Naël'Kaldora.
Elle ne devait pas vivre pour semer la discorde.
Déjà ses voisins se regroupaient pour l'écouter mêler le soleil et la Lune ... hérésie !
Son nom était inscrit sur le parchemin que lui avait remis le garde avec la dague.

Sans s'en rendre compte, Hanish se fondait dans la nuit, parcourant un grand nombre de ruelles en courant comme le vent, parcourant bien plus de pas que nécessaires pour sa mission.

Rien ni personne ne le menaçait, et pourtant il avait peur.
Peur de ne pas réussir aussi bien que l'attendaient ses Maîtres.
Peur de se faire surprendre, ou pire, attrapper ... vivant !
Peur de décevoir le guide suprême.
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#2
Le repaire oublié

Alors qu'il s'enfonçait dans une ruelle recouverte de sable, aux murs à demi-écroulés, il n'était plus qu'à quelques pas de sa cible.
Son succès s'approchait rapidement.

Et soudain, obnubilé par son objectif, il ne vît pas le trou dans le sol.
Le sable se déroba sous ses pieds nus.
S'engouffrant soudain dans un nuage de poussière, il chuta rapidement et durement dans la pénombre la plus totale.
Il tapa durement et perdit connaissance.

Le sol était dur sous sa tête quand il se réveilla.
Il n'avait pas du passer long temps, car les lumières de la ville lui parvenaient par le trou au-dessus de lui.
Autour de lui, du sable et des gravats, mais plus de dague !

Se relevant, fourbu mais sans blessure, il pouvait sentir sous ses doigts des murs de moellons à chacune de ses mains : il était dans un couloir, probablement une cave mal entretenue.
Tâtonnant au mieux, il se guida dans l'obscurité, cherchant son chemin sans se rendre compte qu'il s'éloignait de son objectif pour se rapprocher de son avenir.
Un grand fracas dans son dos régla le problème du retour : le passage était totalement effondré.
Alors l'obscurité se fit plus profonde, mais il n'avait pas le choix... il marcha de longues heures à un rythme lent, s'arrêtant souvent pour tendre l'oreille.
Il ne prît pas de suite la mesure de son échec, mais il ne ressentait pas de peur.

Curieusement, il n'avait pas froid dans ce tunnel, propre et sec, totalement désert.
Il tomba, par hasard (?), sur une torche posée à même le sol avec de l'amadou et du silex.
A la lumière blessante de la torche après plusieurs heures déjà passées dans la nuit la plus totale, il pût constater ce que le toucher lui avait permis de deviner : il était dans un long couloir maçonné et voûté, à peine plus large que deux hommes de front.
Le sol était propre, sans aucune trace de poussière.
Et le passage paraissait n'avoir ni début, ni fin.

Economisant sa torche, il marcha doucement, la rallumant à chaque période qu'il pensait être une heure, plus pour se rassurer que pour s'orienter réellement.
Il marcha ainsi de longues heures, le jour devait être levé au-dessus de sa tête.

Et puis soudain il sentit le vide autour de lui.
Rallumant sa torche, il put voir qu'il était dans une très grande salle souterraine pleine d'étagères couvertes de livres !
Approchant sa torche, il pouvait à peine lire le texte à demi effacé sur de nombreux volumes.
Progressant entre les étagères innombrables, il lui semblait pouvoir repérer un motif régulier qui se répétait sur la tranche des ouvrages : une dague noire de la pointe de laquelle perlait une goutte rouge.
La curiosité endormait sa méfiance au fur et à mesure de sa progression.
Il croisa plusieurs allées transversales et de petites alcôves avec des chaises hautes et des tabourets de lecture.

Puis il se figea soudain, la sueur perlant dans son dos, glacée : une forme couverte d'une capuche sombre lui tournait le dos, assise sur une chaise haute, immobile.
Une plume dans sa main semblait attendre un mouvement du jeune assassin pour reprendre son écriture.

Mais rien ne bougea.
Doucement, Hanish contourna le scribe.
Aucun trait n'était visible de face, et seules tombaient sur la table deux longues tresses grises nouées d'un ruban sombre.
Un grand registre à la couverture noire était ouvert sur la table.
Portant doucement sa main vers la forme, la torche s'éteignit soudain, provoquant un réflexe incontrôlable du jeune Hélion, qui bouscula la forme.
Elle s'écroula au sol dans un nuage de poussière.
Tétanisé, Hanish attendit que l'ambiance s'apaise.
Une douce lueur semblant venir de nulle part lui permettait de voir suffisamment de détail sans pour autant être lumineux comme une flamme.
Il verrait cela plus tard.
A ses pied était sur un petit tas de cendre une cape élimée et des chaussures en cuir souple.
Et une dague à la lame sombre au fil très fin, gravée dans son manche ivoire d'une goutte rouge sombre.

Une curiosité semblant venir du plus profond de lui même l'envahit soudain, toute peur envolée.
Il se saisit des items.
Il s'assit à la table en entama une longue lecture dans la pénombre...

Plusieurs jours semblèrent avoir passé avant que la soif ne se rappelle à lui.
Il se sentait empli d'un nouveau savoir, comme seul dépositaire d'une histoire probablement oubliée de tous.
Le livre racontait l'histoire d'un rôdeur esseulé qui avait passé un pacte avec les Dieux avant de s'isoler pour mourir.
cela devait se situer il y avait de nombreuses années, en témoignait l'état du scribe qu'il soupçonnait être le rôdeur de l'histoire.

Le livre renvoyait à des annales d'une guilde aujourd'hui disparue, qui parlait d'ombres et d'assassins.
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#3
Une rencontre inattendue

Laissant le livre, il parcourut la pièce plus avant pour découvrir une grande porte de bois sombre, entre-ouverte sur un nouveau couloir aux parois couvertes de boiseries.
Un nouvelle porte s'ouvrait sans bruit sur un grand hall dans lequel une grande table était entourée de chaises à haut dossier.
De nombreuses autres portes, certaines ouvertes, d'autres fermées aboutissaient dans cette pièce de tous côté.
Une seule porte plus grande était disposée de l'autre côté de la table.
Prudent, Hanish approcha son oreille de la porte : aucun son ne lui parvenait de l'autre côté.
Poussant doucement sur la lourde porte, elle s'ouvrit sans bruit sur la nuit tombante à l'extérieur.
La porte donnait sur une galerie de colonnes de pierre à demi effondrée, qui entourait une grande cour pavée avec une fontaine sans eau très abîmée en son centre.

En alerte malgré l'évident abandon des lieux, Hanish fureta parmi les décombres pour découvrir un passage dans un mur à demi effondré qui baignait dans un cloaque pâteux.
De l'autre côté, une ruelle de sable tassé : il était de retour dans les rues de Babylos !
Rapidement, il parcourut plusieurs rues et finit par se repérer.
En moins d'une heure, il était attablé dans une taverne à siroter une eau citronnée en avalant du pain dur mais qui paraissait des plus délicieux après son jeun involontaire.

Un homme dans un coin attira son attention, observant Hanish sans détour sous sa capuche rabattue, tirant nonchalamment sur sa pipe à eau.
Il lui parut posséder une aura telle qu'il n'en avait jamais rencontrée auparavant.
Ses vêtements de bonne facture semblaient dissimuler des artéfacts et des armes de qualité supérieure.
Le calme et l'assurance de l'homme achevaient l'impression de puissance que dégageait l'individu.

Cela faisait longtemps que Hanish n'avait pas conversé avec quelqu'un et il s'approcha.
L'homme ne refusa pas sa présence et ne repoussa pas le jeune homme mais restait silencieux.
Il semblait à Hanish que l'homme l'attendait.
Cela ne se pouvait pas !?

Il le questionna : "Qui est-tu étranger ?
Car tu es un étranger, n'est-ce pas ?
Tu as les manières d'un Hélion, mais tes traits ne nous sont pas familiers et ton nom ne nous est pas connu...
Et puis tu exhale une puissance depuis longtemps oubliée parmi les nôtres, une expérience perdue dans nos combats avec les maudits Centaures, sauf dans les livres !
Es-tu un survivant du passé ?
As-tu vécu caché depuis un long temps ?"

Un frisson parcourut le jeune Hélion. "Es-tu la Main Noire ?"

L'étranger lève un sourcil, scrutant l'individu qui a le courage de l'approcher, une chose rare ces temps-ci.

"Si tu désires être celui que tu sembles vouloir être, tu devrais apprendre à poser moins de questions et à mieux les choisir.
Tu es jeune et inexpérimenté. Aussi je laisserai cette histoire sans suite.
Fais tes preuves et sert ton pays.
Le nom sous lequel tu le feras importe peu."

L'homme se lève et quitte la salle.

Abasourdi, Hanish repense les paroles de l'homme.
Et puis il prît conscience des regards tournés vers lui.
Il vît une ombre sortir rapidement par une porte dérobée.
Sans réfléchir, il sortit à la suite pour voir la forme discuter avec deux gardes dans la lumière dansante des lampes.

Il s'enfuit.
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#4
Révélation

Les rues et les ruelles défilaient autour de lui.
Il n'avait pas les idées très claires après ces évènements riches en rebondissements.
Progressivement, il ralentit sa course à l'approche des remparts.
Bizarrement, c'est au pied de la grande muraille de pierres qu'il serait le plus tranquille, personne ne cherchant plus querelle aux serviteurs du soleil dans leur cité du désert depuis de longues années, il n'y a pas de ronde ...

Adossé au mur blanc, accroupi dans la nuit, silencieux, invisible, il fait le point.

Il avait échoué dans sa mission.
Il n'avait pas d'excuse, même si la vieille dame était morte, il n'en doutait pas.
Pour cela, il ne pourrait plus se présenter à ses Maîtres, qui l'exécuteraient sur le champ... sauf à revenir avec une tête de Centaure comme trophée...
De plus il serait recherché, par la Main mais aussi par la garde.
Il devait changer son apparence : il enfila les vieilles chaussures souples et se couvrit de la cape élimée.
Il passa aussi la dague à sa ceinture.

Il se remémora ensuite ses lectures dans la bibliothèque sous la terre.
On y parlait d'Ombres et d'assassins, mais cela ne ressemblait pas à la Main Noire.
Il y était bien fait mention d'une voix, mais elle n'était pas celle du Cheik.
Il avait cru comprendre la doctrine principale de cette organisation secrète qui semblait oubliée de tous : la Liberté.
La liberté de faire ses choix, de ne pas plier le genou car d'autres n'avaient pas la même vision des choses.
Libre de ne pas abaisser son front au sol pour vénérer un Dieu, quel qu'il soit et même si tous méritaient le respect.
Libre de s'allier à d'autres races, à l'exception des vils Centaures si fiers et hautains.
Et libre de rejoindre le repaire dès que le besoin s'en fait sentir, pour se reposer, se soigner... ou pour étudier ou débattre.
Et aussi pour apprendre les techniques de l'assassinat.
Il état aussi fait mention de contrats...

Enfin il repensa à sa rencontre avec ce qui semblait être un maître assassin comme Ecridel n'en avait probablement pas vu depuis de nombreuses années.
L'homme avait résumé en quelques mots toute son expérience et donné de précieux conseils, Hanish ne le comprit qu'en se remémorant ses paroles : "tu devrais apprendre à poser moins de questions et à mieux les choisir"
Tout l'art de l'assassin acompli dans une seule phrase : patience et stratégie.
Il avait aussi dit "Si tu désires être celui que tu sembles vouloir être".
Ces paroles le laissaient perplexe. Que voulait-il être exactement ? Quel était son destin ?
L'homme avait fait allusion à son devoir...

Hanish se sentit soudain renforcé dans ses convictions naissantes.
L'esprit de la guilde qu'il avait découverte sous terre l'attirait sans détour.
Il devait retrouver la bibliothèque pour en apprendre plus.

La nuit étendait encore son emprise sur la ville quand il se mit en marche.
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#5
Les Ombres sont sur vous

Après avoir fait quelques provisions aux frais de citoyens inconnus, contre leur volonté, Hanish n'eut pas de mal à retrouver la venelle abandonnée.

Il se faufila sous le mur écroulé, franchit les arcades et s'arrêta à la porte.
Une gravure attira son attention, qu'il n'avait pas vu la première fois : une dague noire au manche ivoire laisser perler à sa pointe une goutte rouge.
La dague qui ne le quittait plus désormais en avait l'empreinte parfaite quand il la superposa dessus.
La porte s'ouvrit en silence...

S'enfonçant dans la faible lumière ambiante qui l'avait déjà surpris, il retrouva sans peine la salle de lecture.
Il se sentait à l'aise dans ces murs, même si une longue investigation l'attendait pour s'orienter dans les cryptes et les passages qu'il devinait aisément.

Il passa de nombreux jours à la lecture des ouvrages retrouvés, du moins ceux que le temps avait épargnés et ceux dont il reconnaissait l'écriture, somme toute un nombre très restreint sur tout ce qu'il avait à portée.
Il apprît toutefois assez pour aiguiser son envie et le conforter dans son choix.


La guilde oubliée portait le nom du Conclave des Ombres.

A ce qu'il comprit, c'était une compagnie de parias rejetés par la société, officiellement ou officieusement.
Elle n'avait pas d'âge connu.
Elle n'avait pas de lien avec le Cheik, elle n'avait pas de lien avec la Main ... en fait, elle n'avait pas de lien.
Elle n'avait pas de règles strictes non plus.

Pour assurer sa subsistance, on lui confiait des contrats : meurtre, contrebande, surveillance, renseignement...

Elle avait acquis une grande expérience et une grande réputation, aujourd'hui oubliée.

Elle avait sombré progressivement dans l'oubli, ses membres étant un a un éliminés par la vie, la Main et les guerres avec le Monde.

Elle avait un messager, nommé Melmoth, qui changeait de visage d'âge en âge, toujours rebelle, toujours la voix officielle de la guilde.
Ce dernier était resté seul de longues années avant sa mort.
C'est lui qui reposait maintenant au sol en poussière sous les pieds d'Hanish.
Il avait emporté la guilde avec lui... ou presque.

Il avait passé un pacte avec les Dieux, pour que la guilde puisse toujours être un refuge aux âmes rejetées de tous.


Hanish comprit tout cela de ses lectures et de ses pérégrinations dans le repaire, qu'il s'appropriait progressivement.
Il se sentait à l'aise dans ces murs.
Il s'était aménagé une alcôve avec ses maigres biens et les équipements trouvés ici, quoique vieux et usés, armes, armures, artéfacts... ne permettant aux mieux qu'un entrainement au regard de leur état.
Il ne sortait plus que pour s'approvisionner, volant de droite et de gauche, sur les marchés, dans les cours des nobles, dans les remises des négociants.
Il se mit à s'entrainer avec les livres des Ombres.
Il apprît beaucoup, mais se forgea surtout une volonté sans faille.

Curieusement, il ne fit le rapprochement de ses aventures avec le pacte de Melmoth qu'après une épuisante course d'endurance dans les couloirs de la guilde (un véritable dédale, très utile pour se déplacer à l'abri du regard dans le sol de la ville) qui l'avait laissé pantelant : son devoir était de reformer la guilde ! C'était le pacte passé par le Gardien ! Il était la nouvelle voix des Ombres !

Il prit conscience de sa mission nouvelle, pour laquelle l'échec n'était pas permis.

Il continua plusieurs semaines durant à organiser le repaire, tâche rendue facile par la propreté des lieux.
Il avait fini par comprendre que l'absence de poussière signifiait absence de traces, vital pour la guilde...

Après un entraînement acharné, il se mit en tête de recruter enfin.
Il devait se fondre dans la masse pour recruter sans attirer l'attention.
Il devait aussi accumuler de l'expérience.

Il décida de n'être qu'un aventurier parmi d'autres.

Il se présenta aux portes du temple, méconnaissable avec sa cape élimée et ses chaussures de cuir souple.
Seules ses tresses blanches serrées de rubans noirs faisaient plisser les yeux aux gardes des portes.

Mais cela ne dura que quelques fractions de secondes : son premier objectif était atteint, on ne l'avait pas reconnu.

Il reçut sa mission d'un des gardes : on signalait d'étranges activités au nord du fleuve

Il accepta le mot et partit vers les portes de la ville, comme les nombreux aventuriers qui l'épaulaient de toutes parts.


L'heure était venue.
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