Des soleils au pays d'hiver
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Des soleils au pays d'hiver


Introduction

Alors que les derniers rayons de soleil imbibaient Faro d'une clarté vespérale, plusieurs maisons revêtaient leurs habits dorés, se confondant ainsi au désert. L'orangé leur seyait à ravir et surtout, les dotait d'une lumière que l'on eut pu malaisément définir. De par leur modeste taille, ces habitations semblaient vouloir se terrer dans les dunes et ne plus affronter les brûlures diurnes imposées par la saison. Que l'on s'en détrompe ! Les hélions parmi les hommes vénèrent l'astre du jour et la période estivale demeure la plus favorable à la vie : aux festivités, à la procréation ainsi qu'aux dons des cieux. Ainsi, les bâtisses ne souffraient en rien ni la fièvre ni la chaleur mais célébraient au contraire les couleurs méridionales à la mode du désert. En leur sein, des femmes d'âge mûr priaient par ailleurs leurs divinités en témoignage d'une absolue soumission et dans l'espoir que se prolonge l'été. Il était de coutume, dans la région, que l'on honorât puis suppliât le grand dieu Solaris avec son arrière petit-fils Acris de retarder la venue de l'automne. C'était comme pour prolonger la vie et retarder la mort. Et, ils étaient bien fous, ceux et celles qui refusaient ou omettaient les offrandes. Une libation était semblable à une goutte d'immortalité et la foi, elle, constituait le plus merveilleux des élixirs.


Hors des murs, les enfants du village s'adonnaient à divers jeux dont le plus apprécié était la chasse aux filles. Connu de tous et particulièrement redouté par les fillettes, cet amusement consistait en le vol d'un certain nombre de baisers et impliquait souvent des poursuites effrénées à travers l'oasis et les dunes les plus proches. Les fils du Soleil couraient sans retenue tout avides de conquêtes et leurs proies, une fois capturées, se résignaient d'un air apeuré. Néanmoins, il était une jeune fille, la seule, qui n'avait jamais perdu bataille. Elle était de taille de moyenne et ne possédait guère d'autre signe distinctif que son intelligence aiguisée. Jouissant d'une haute considération sociale, elle avait toujours su jouer de sa naissance pour s'épargner tous genres d'activités contraignantes et dans ce cas précis éviter les fantaisies masculines. Parfois, Antarasia, car c'est ainsi qu'elle se nommait, bénéficiait d'une bonne fortune qui amenait les injonctions des parents jusque dans les planques les plus improbables de Faro et de ses alentours. Rappelés à l'ordre, les garçons s'enfuyaient alors, avant de ne perpétuer ailleurs leurs tourments.



Il ne restait que moi et l'ambre du paysage. J'aime parler à la troisième personne du singulier, pensai-je.

Quel doux souvenir que celui de ma victoire. Il n'est de naïveté et d'abandon que chez les faibles, ceux-là même qui entachent le courage réputé des hommes. Face aux armées de Babylios, les habitants de Faro ne sont que des couards ; de petits éleveurs et agriculteurs dont les seules médailles sont la viande, le lait et les récoltes. Quand les premiers affrontent les hordes de créatures barbares, les seconds craignent les affres du temps. Mais.. je les aime mes lâches. Dans ce désert, ils rendent tout plus beau, avec les légendes qu'ils m'apprennent. Ainsi, les fils de Solaris, la Main Noire, ne sont-ils qu'une partie de nos joyaux. Et moi, dans tout cela... un Cheikh' à ma façon, plus redoutable encore que le vrai, cet homme que le luxe étouffe, que le manque d'ambition vieillit.

« Qu'en dis-tu mon cher ?, demandai-je à haute voix.
- Ssss. Je ne puis te contredire Ewilan...Vous autres Hélions êtes parmi les plus dignes êtres que je connaisse. Néanmoins, je me dois Ssss de corriger en quelques occasions Sss ton ego. »

Dans un petit rire, je caressai la peau émeraude et luisante du serpent. En réponse à ce rare élan de tendresse, l'animal glissa vers moi, faisant danser son corps longiligne de gauche à droite. Il enlaça mon bras à demi plongé dans le sable puis abandonna quelques écailles parfaitement ciselées sur ma peau laiteuse.
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