Elräh
#1
1er Chapitre : La naissance d'une ambition

Tsum...

Tsum…

Tsssssssssssummmmmm….

La troisième flèche traversa la cuisine, siffla à l'oreille de la vieille elfe et vint se planter en plein dans un bocal de graine, brisant le verre et déversant son contenu sur le sol boisé de la cuisine.

Tic tic tic tic tic tic…

Des dizaines et des dizaines de graines rebondissaient en se propageant sur toute la longueur de la pièce.

« Ah non ! Pas encore ! Ce maudit nabot d'Elfe va entendre parler de moi, par la tresse de Faranaël ! »

Tout en maugréant, bougonnant et claironnant des injures elfiques que nous n'oserons retranscrire ici, Elrindaël descendait les escaliers, aussi vite que son âge lui permettait. Non pas qu'elle ne pouvait plus se mouvoir à son aise, Elrindaël restait une elfe ! Chacun de ses gestes traduisaient plus de souplesse qu'aucune autre race de ce monde ne pourrait jamais se targuer de posséder. Mais son âge trahissait pourtant un corps usé par le temps.

« Même pas connu une Ere et fait déjà plus de grabuge que n'en a jamais connu cette cité elfique, même en temps de guerre ! »

Cette affirmation était légèrement exagérée, et Elrindaël le savait bien, elle qui avait connu les rivalités éternelles entre les peuple d'Ecridel, le conflit entre les elfes et les nains de l'ère antique, les Skilithes de l'ère du déclin… Elle était d'ailleurs l'une des plus vieille elfe de Mitriath, représentante d'un monde révolu, parfois oublié. Bien que cela valait la peine d'être su, peu d'elfes connaissaient son âge véritable, peut-être ne le savait-elle plus elle-même, après tant d'évènements… C'est avec une prestance insoupçonnée qu'elle continuait à dévaler les marches.

« A pas connue les fessées aux orties celui-là, de mon temps, c'était comme ça qu'on dressait les elfes turbulents… »


La colère d'Elrindaël était compréhensible, il était rarissime de voir sa journée troublée par un quelconque évènement incongrue. Le peuple elfique était l'incarnation même du calme, de la quiétude, du repos et de la méditation. Peut-être l'immortalité apaisait-elle les esprits et tarissait les excès de colère. Quoi qu'il en soit, il suffisait de se promener dans Mitriath pour en avoir un aperçu. Cette vaste cité elfique, lovait en plein milieu de l'épaisse forêt de Pelethor, avait, de part sa situation géographique, tout pour se protéger des heurts et des rencontre malencontreuses avec d'autres races. Outre la difficulté de déplacer des troupes dans la forêt profonde, il fallait en plus cohabiter avec toute une série de créature, licornes, fées et ents n'appréciant que peu d'être dérangé dans leurs activités quotidiennes. Tout cela sans mentionner le fait que trouver son chemin jusqu'au centre de la forêt n'était pas chosé aisé, la flore locale semblant tout faire pour faire perdre l'étranger malvenu en ces terres.

Les elfes sylvains vivaient donc dans un relatif isolement. Cette communauté elfique n'accueillait que très occasionnellement des ambassadeurs d'autres races de ce monde, exception faite des centaures, avec lesquels ils nouaient des liens privilégiés. Mitriath vivait donc à son propre rythme, celui des chants elfique, de la pratique de la lyre, des découvertes botaniques, de la traduction de textes anciens ou encore de l'art de la guerre. Si la cité était globalement moins boisée que la forêt l'environnant, les arbres y avait tout de même une place prépondérante. La plupart d'entre eux y abritaient des citadins, mais aussi des centres d'entrainement, des auberges et diverses échoppes allant du simple poissonnier en passant par des ateliers de luthier pour finir par une herboristerie. Le tout donnait une étrange impression aux non initiés à l'architecture sylvaine. La cité ne ressemblait en rien aux villes bondées, malodorantes, quadrillés de ruelles à géométrie parfaite qu'on pouvait trouver en d'autres endroits d'Ecridel. Ici cette cité n'était autre qu'un prolongement naturelle de la forêt en en épousant ses formes. Cet ensemble harmonieux était traversé par une longue rivière, reflétant les scintillements du soleil, qu'un pont de bois magnifiquement sculpté permettait d'enjamber.

Dans un arbre non loin du Palais Royal, Elrindaël était enfin descendu jusqu'au tronc et tout en ouvrant la porte, se précipita au dehors en lançant un regard circulaire. Le spectacle environnant n'avait rien d'inhabituel. Les elfes vaquaient à leurs occupations en discutant du concerto de la vieille ou des nouvelles royales, mais pas de trace du nabot.

Elrindaël amorça quelque pas. Sa longue tresse de cheveux blancs soigneusement lissée et encerclée ondulait au vent. Chose rare pour une elfe, des rides apparaissaient sur son visage et ses traits autrefois si gracieux et sa peau si lisse entamaient leur chute. Elle était vêtue d'une longue toge verdâtre et son cou était coiffé d'un magnifique collier d'argent auquel pendait une magnifique représentation de feuille, sculptée dans un minerai verdoyant éclatant. Ce genre de collier n'était porté que par les plus vieux elfes du royaume. Si de surprise vous croisez Elrindaël, n'utilisez jamais de mot faisant référence à la vieillesse, elle préférerait le qualification d' « ancien ».

C'est alors qu'elle remarqua quelque chose d'étrange : la pointe d'un arc dépassait d'un bosquet. Complètement immobile et retenant sa respiration, un petit elfe en avait fait sa cachette. L'elfe du s'y extraire littéralement levé par son oreille droite, qu'Elrindaël tenait fermement. Son regard suffit à lui faire comprendre qu'il avait fait une grosse bêtise et qu'il allait devoir en payer les conséquences.

S'en suivit plusieurs minutes de remontrances. Inutile ici de faire la liste des supplices que notre jeune elfe devrait subir s'il s'avisait de recommencer. Sachez juste qu'il était question de laisser les loups de la forêt faire leur propre jugement de son sort. Le petit elfe ne scilla pas et continuait de regarder Elrindaël fixement, impassible.

« Mamie, nous devons arrêter de nous terrer comme des lapins dans la forêt. J'ai… j'ai étudié l'histoire tu sais, et… et les elfes étaient le plus grand peuple d'Ecridel jadis. Nous étions respecté, et nous étions puissant. Et moi je m'entraine à l'arc pour devenir le meilleur archer du royaume, et je commanderai une armée. Une armée pour retrouver notre rayonnement d'antant. »

Il avait dit cela d'une manière totalement spontanée et déterminé. Le discours de cet enfant, si sur de lui, était en décalage total avec son âge. Elrindaël en fut tellement estomaqué qu'elle se retourna et lentement, sans même daigner répondre, se redirigea vers la forêt. Elle avait besoin d'espace, d'espace pour réfléchir, d'un espace pour se souvenir. Ce que notre jeune elfe avait oublié, c'est qu'Elrindaël avait connu cette époque, et mieux que quiconque puisqu'elle fut l'épouse de Andil Kerithä, le grand général de l'ère antique, qui avait mené les armées elfiques contre les nains, dans l'ambition de faire rayonner son peuple. Ce fait là, elle le taisait, tant ce sujet était source de conflit. Arrivée en lisière de forêt, elle fit quelque pas de plus et trouva un rocher sur lequel se poser.

« Elrah, tu es bien son descendant, j'ai bien senti que tu avais son caractère, son ambition. J'ai cru plusieurs fois le déceler, sans jamais me l'avouer. Je n'ai plus de doutes, tu suivras son chemin… »

Son regard se posa, éteins, sur la rivière. La mélancolie s'empara du cœur d'Elrindaël et dans les flots se dessina un visage, celui d'Andil Kerithä.

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