Nevermore (Plus jamais)
#1
Citation :[HRP] Ce RP a été réalisé durant le tournoi entre Quoth et moi-même, tournoi durant lequel je jouais un Homme-Bête nommé Eäril.
Ce RP a été lancé suite aux interactions entre les deux personnages sur le plateau et s'est terminé avant la fin du tournoi, et nous avons décidé d'un commun accord de vous en faire part.
Une première partie du RP reprend ce qui s'est passé In Game, cependant, à partir d'un certain moment, nous avons décidé de nous détacher du plateau pour plus de libertés.

Merci de votre compréhension et sur ce, bonne lecture ! [/HRP]
Le groupe qui s'était peu à peu amassé aux portes de Jada partait à présent vers le Nord Est, composé uniquement de jeunes Hommes-Bêtes inexpérimentés en quête d'aventure et de combat… Rien de bien original par rapport à tous les débuts d'aventure que l'on peut lire et écouter être racontées au coin du foyer.

Néanmoins, on ne pouvait prétendre ici que la joyeuse compagnie avait tout du chevaleresque et de l'héroïque qu'on avait pour habitude de s'imaginer.
Non, dans ce cas précis, ne voyez qu'une bande de bêtes sauvages et féroces, qui n'étaient dirigés à cet instant que par la soif de combat et de sang.

Car en effet, ce n'était que pour, ni plus ni moins, trancher la chair et désosser leurs chers voisins centaures qui vivaient dans cette forêt que leurs alliés à longues oreilles ont nommé Pelethor, et qui avaient pour défauts d'être un peu fanatique sur les bords, et ne pas porter dans leur cœur qu'on ne pourrait dire s'il se rapproche plus de celui d'un humain que de celui d'un cheval, leurs bons amis du désert, les Hélions… Sans oublier non plus l'infeste odeur de crottin et de crin qu'ils portaient.

Mais, ceci étant pour la majorité des membres de la bande leur première bataille, le silence et le sérieux étaient maîtres durant tout le trajet : chacun affiché l'air grave et concentré d'avant les combats… Tout sauf un.

Eäril, lui, souriait, joyeux, quasi hilare.

Voir ainsi ceux de son peuple ainsi avait pour lui quelque chose de comique… En effet, ces hommes et ces femmes ne cessaient de se convaincre depuis le départ du bien fondé et de l'importance de leur mission, tentant de dissimuler à eux même leur propre instinct sanguinaire et bestial avec les chimères de la justice et de la légitimité… Pathétique.

Lui, ne se voilait pas ainsi la face.
Il voulait tuer. Voir le sang couler. Sentir son odeur si particulière. Le goûter. En peindre ses mains et son corps...
Il assumait totalement cette cruauté qui faisait partie de lui, contrairement à ces idiots qui préféraient se mentir à eux-mêmes.
Qu'ils fassent donc, du moment qu'ils ne constituaient pas une gêne lorsqu'il aura repéré sa proie…

Malheureusement, il s'en lassa bien vite, et se mit à s'agiter d'impatience, pestant sur la lenteur du groupe et la prudence inutile qu'il tentait de prendre.

Il perdait du temps, cependant il n'était pas idiot et orgueilleux au point de croire qu'il pourrait survivre seul.
Non, il avait besoin de larbins pour attirer l'attention de l'ennemi et pouvoir potentiellement servir de rempart.
A la limite, il les autorisait à affaiblir ses proies… Mais sa générosité s'arrêtait là.
Il se gardait la mise à mort. C'était le moment le plus jouissif.

Heureusement pour lui, une distraction se présenta sous la forme d'une femme, ou plutôt, d'un corbeau…
Non, une femme.
Hum… Un corbeau ?
Un peu des deux à vrai dire.

Cette dernière chantait, d'une façon peu discrète il faut l'avouer, s'attirant les foudres des autres… Mais pas le sien.
Non, la lui regarda, amusé.
Elle le vit et se mit à l'observer à son tour.
Alors il s'arrêta et se mit à la fixer en faisant de gros yeux.
Elle s'immobilisa, perplexe.
Puis il reprit sa marche, indifférent.
Elle se lança alors à ses talons et l'interpella.

En entendant sa voix, il ne put s'empêcher de sourire : il avait trouvé comment s'occuper jusqu'à ce qu'ils tombent sur les centaures. Il était l'heure de se divertir… Et l'objet de son divertissement semblait ni plus ni moins très intéressant.

La chance semblait de son côté aujourd'hui.
Cela ne pouvait que présager le meilleur !
… Mais comment aurait-il pu savoir à cet instant précis à quel point il se trompait ?


La jeune femme aux allures d'oiseau de charogne se prêta vite au jeu… Peut-être un peu trop même ?
Elle s'avéra également d'être de la même mentalité que lui, en lui avouant tout simplement et sans excuses futiles et inconstantes qu'elle était là, comme lui, pour le seul désir et plaisir de tuer… En lui ordonnant au passage de ne pas se mettre sur son chemin.

Il allait répliquer quand un druide centaure apparu dans leur champ de vision.
A force de parler, ils n'avaient pas remarqué que leur marche vive et soutenue les avaient fait prendre une avance considérable sur les autres.
Et à présent, la première victime s'était présentée.
Une proie… Mais deux chasseurs.

Ils s'affrontèrent du regard un moment, chacun réclamant la propriété du gibier.
Il eut alors la brillante idée de lancer le défi suivant : le premier qui tuait le centaure gagnait le droit de faire ce qu'il souhaitait du cadavre, mais ce n'était pas tout, car l'aspect intéressant du pari était le suivant : le vaincu devenait l'esclave soumis du vainqueur pendant une lune entière…

Pourquoi avait-il proposé pareil pari à cet instant précis ?
Etait-ce la conséquence d'une trop grande excitation et fébrilité liées à la chasse ?
A moins qu'il aurait dû déjà y voir un signe présageant la suite ?
Il ne le savait pas.

Toujours est-il que la chaman accepta, et par son consentement et inconsciemment, lia définitivement leurs deux âmes d'un pacte vicieux et pervers.
Mais chacun l'ignorait, et ensemble, ils s'élancèrent tels un seul et même individu vers leur proie, sachant pertinemment bien que seul un pouvait triompher.

Et le gagnant final ne fut pas celui auquel, de prime abord, on aurait pu s'attendre…
Répondre
#2
L'instinct du corbeau était nettement charognard.
La proie au loin était pourtant alléchante avec son cuissot jeune et ferme.
L'idée d'entreprendre de béqueter ses viscères ne la dérangeait pas – au contraire d'ailleurs, ça avait une certaine à rendre son regard plus profond, plus fou également.

Fallait-il en avoir peur ?
Sans aucun doute.

Ses doigts commencèrent à craquer, à bouger en silence alors que tout son corps était en arrêt devant le cerf que l'on devinait être un centaure druide pour les plus connaisseurs.

Elle, elle avait l'œil. Elle en avait vu plus d'un, des centaures druides.
Elle en avait tué plus d'un aussi.

Elle connaissait l'approche à adopter pour ne pas effrayer l'animal, mais celle qui ne met pas non plus en confiance. Enfin, il aurait fallu être fou ou aveugle pour avoir confiance en ce bout de femme aussi haut que maigre, à ce faciès aux yeux sans fonds, à ce sourire inquiétant ?

Elle repoussa derrière son oreille une mèche de cheveux noirs avant d'avancer. Ses yeux guettaient. Pourquoi est-ce qu'Eäril était là et qu'il n'attaquait pas ? Qu'attendait-il ?
Elle fronça les sourcils en n'imaginait que difficilement quel genre de stratagème le fourbe était en train de monter.

Elle, elle ne voyait finalement que la bête, ses viscères, et ses yeux, et la faim alors lui barrait le ventre, l'enrageait et c'était avec un certain plaisir malsain qu'elle se redressa au milieu des buissons.
Le bâton en main, elle étendit son bras infaillible ou presque.

Le premier coup partit, lent, mais brutal. Un petit cri aigu s'extirpa de la gorge du cerf.
Il était déjà affaibli par les coups de Vezin.
Il suffisait juste de le finir. Juste…

Un cri plus fort retentit, mais ce n'était pas fait de sa main. Elle se tourna et Eäril était là, en train de lui voler sa proie. Sa proie ! Comme le … le … le dernier des charognards !

Les yeux bleus du corbac s'ouvrirent en grand et son visage se tordit en une moue aussi colérique que plongée dans l'incompréhension. Est-ce qu'il était… en train… de la duper ?
Elle ? Le corbeau ?

Elle reposa ses yeux sur le cerf car il n'y avait plus dans le creux de la forêt un seul bruit effrayé. Juste une mare de sang et un cadavre allongé sur le sol.
Le bide rond. L'œil vitreux. Mort.

Mort.

Il venait de tuer le centaure, et maintenant… Elle reposa ses prunelles céruléennes sur l'autre homme-bête avant de comprendre l'horreur.
Encore une fois.

Elle gonfla légèrement les joues et prie cette moue terrible des enfants qui comprennent que leur plan ne s'est pas déroulé selon leurs attentes. Elle serra les dents, ravala sa fierté, mais sa salive avait déjà le goût de la rancœur.
Elle jeta un œil à la mine d'Eäril mais ne s'en rapprocha pas.

Au lieu de ça, se drapant dans son honneur, elle recula de quelques pas comme pour signifier que de toute façon, il avait gagné oui, et elle n'y toucherait pas à ce cadavre aussi frais avait-il l'air. Elle…
Elle attendrait. Et pendant ce temps, elle réfléchirait au moins à un moyen de se sortir de ce foutu engagement.

Elle était déjà l'esclave d'un type, ce n'était pas pour cumuler les fous autour d'elle.
Répondre
#3
Il retrouva l'étrange oiseau à Jada.

Après avoir remporté le défi qu'ils s'étaient d'un commun accord lancé, certes avec fourberie, Eäril n'eut pas l'occasion de rediscuter avec la Corbac: les combats s'étant engagés avec les centaures aussitôt après, s'enchaînèrent alors très vite les sorts, les coups d'épée et les tirs de flèches et de javelots, accompagnés de leurs lots de blessures, de cris, de souffrances...
Et de morts.

Plus d'une fois il failli retourner dans le sein d'Estalia, la Mère vie, mais il tenu bon, en partie et notamment grâce à cette étrange fille: il s'en aurait voulu pour l'éternité et bien plus encore s'il était parti s'en pouvoir profiter pleinement de sa récompense...

Et à présent sa proie était là, juste devant lui.

Cette fille avait quelque chose qui le captivait, comme les papillons nocturnes aimantés par la moindre source de lumière. Ce n'était pas vraiment de par son physique : les cheveux en bataille, certains impeccablement lisses, d'autres couverts de nœuds et négligés ; cette peau balafre et blême, presque cadavérique. Il était aisé de trouver mieux : la ville était remplie de femmes, le plus souvent félines, arborant une sensualité et des formes particulièrement troublantes. Rien à voir avec de morceau de chair livide, crasseuse et rachitique, couverte d'os et de plumes qui lui faisait face actuellement.
Et pourtant.
Une aura très particulière se dégageait d'elle, glauque et morbide, empreinte de mysticité et de malaise.
Et il aimait ça.

Se fichant si la Corbac l'avait déjà remarqué ou non, il se dirigea vers elle d'un pas souple et, arrivé à sa hauteur, mis un genou à terre, puis avec un grand sourire tout en sortant de sa besace une fleur de mana, prit l'air solennel du poète déclarant sa flamme à sa muse et lança à haute voix à la femme-corbeau:

Ah, Hallista soit louée, tes entrailles ne nourriront pas tes semblables ce soir !
Mon petit cœur étranglé par la cupidité eu bien failli éclater quand j'eu appris que ma compagnonne de jeu s'était faite plumée par ces brutes et sots de centaures, mais quelle joie de voir que tu possèdes encore une grande partie de ton pennage !

J'ai bien tenté de ramasser celles que tu avais perdues afin de te les rendre, mais je n'ai réussi qu'à trouver par terre et entre les sabots de ces barbares sans subtilité cette fleur rescapée de l'horreur, dont le bleu féerique se marie à ravir avec celui de tes yeux mystérieux.
Je suis un incapable et un idiot certes, mais permet moi au moins de te l'offrir en gage de dédommagement, ainsi aurais-je l'illusion de servir à quelque chose dans ce triste monde !

Après avoir offert la fleur à la Corbac, il se redressa et, s'approchant d'un pas supplémentaire vers elle, murmura, avec un sourire malsain:

En parlant de gage...
Tu n'as pas oublié notre "petit" accord, n'est-ce pas ?
Répondre
#4
La lame lui transperça la chair, la déchira, et elle sentit de nouveau le sang jaillir de ses plaies.
Plutôt que de chuter et d'agoniser, la Corbic releva le visage et ses yeux céruléens, d'un translucide frappant, se fixèrent sur la gueule du centaure qui venait de commettre l'affront.

Pour se rappeler de ses traits et surtout pour ne pas lui faire la joie et la faveur de la voir soumise et vaincue. Elle serra les doigts car la douleur était frappante, et si son genou voulait fléchir, son esprit, lui, restait intacte, debout, implacable comme une montagne.

Je n'ai pas peurr, persifla le vilain oiseau.
Elle en était convaincue et le centaure aurait pu apercevoir qu'elle ne tremblait pas ni ne cillait d'un cil. Elle poussa un premier gémissement de douleur quand le carreau d'une flèche se planta dans son dos, et une autre perça sa gorge blanche, la tâchant à son tour de filets épais et sanguinolents.

Elle jeta un regard sur la gauche, juste à temps pour apercevoir l'archer au loin qui jouant de ses flèches allait lui prendre son dernier souffle.
Elle releva une dernière fois le menton, grimaçant, mais ne regrettant pas. Si elle devait s'endormir à jamais maintenant, elle renaîtrait demain, et après-demain prendrait les armes pour venger son âme en quête de sang.

La flèche siffla et se planta. Ses yeux se fermèrent et le corps tomba.
Au loin, un cri. Plus loin encore, des bruits de pas, des mouvements. La nausée. L'obscurité… Plus rien.

La mort ?

Quoth…

Elle inspira profondément et ses poumons lui firent l'épreuve de la douleur. Elle serra les dents, fronça ses sourcils et retint le cri que jadis elle avait poussé une première fois tout juste sorti du ventre de sa mère. Elle ouvrit la bouche et prit sa première bouffée d'air pur. Renaissance.
Elle jeta un regard paniqué à côté d'elle mais ce n'était qu'un guérisseur.

Ce n'est rien. Vous êtes vivante. Le guérisseur eut un sourire goguenard. Ça aurait pu être pire.

Elle roula sur le flanc et son corps entier craqua, comme si son squelette avait été passé sous les sabots de cent centaures.
Fils d'Aletheria ! Elle les maudit en silence alors que ses bras commençaient à la pousser hors de la paille et du sol.

Non, non ! On reste ! On reste en place, vous êtes encore trop…
Frrrragile ? persifla l'oiseau de malheur. Le guérisseur fit la moue comme le ton n'indiquait pas qu'elle fut d'accord avec cette vision des choses. Sont-ils… morrts ?
Non. Ils sont rentrés. Pour la plus part.


Elle s'étira et ramena sur elle sa chemise de lin qu'elle enfila sans regarder et remit en place une jupe faites de plumes et de morceaux de cuir. Un étrange plumage pour un oiseau comme elle.
Elle se leva, sortit. Son sourire se fit doux à voir la forêt de Korri si sage, si paisible.
Elle s'appuya sur son bâton de buis pour rejoindre le premier professeur de magie. Les dix premiers pas furent les plus difficiles, puis finalement, d'un naturel robuste – ou presque – elle finit par se passer de son bâton, si bien que le guérisseur qui les avait accompagnés se mit à rire à la voir déjà debout.

Enfin, il aurait mieux fait de rire à voir la gueule qu'elle commença à tirer à voir l'étrange Eäril à genoux devant elle, à déclamer des sottises en tenant une fleur.
Elle arqua un sourcil, l'air perplexe. En temps normal elle aurait été diablement moqueuse, mais elle n'avait pas oublié le pari un peu bête qu'elle avait fait, et cette fois ou encore une fois un corbeau s'était fait dupé par plus… sournois que lui.

La Corbic ne pipa mot, attrapant du bout des doigts la fleur de mana bleu. Et en plus dans le discours, y avait du compliment ! Voilà qui ne s'accordait pas avec le sourire dégoulinant qu'il lui lançait en ce moment…

En parlant de gage... Tu n'as pas oublié notre "petit" accord, n'est-ce pas ?

Elle le fixa, quelques longues secondes, avant que son sourire ne revienne, celui de l'insolence. Le faciès de la Corbic, jusqu'alors pâle, reprit des couleurs. Elle glissa ses doigts sur le parchemin qu'elle tenait en ce moment même.

Tu t'inquiètes beaucoup pourrr les choses que tu considèrrres posséder ? Ça te perrrdrra…

Elle jeta un regard aux alentours, comme pour s'assurer que le vil Goupil n'était pas dans le coin, ou qui sait, autre chose :

Quant à notrrre gage, j'ai du mal à me souvenirr exactement de ce qui était… convenu. Nous avons décrrrété je crroâ que si tu gagnais, je serrrais une sorrte de domestique pendant dix lunes… Dix lunes plaines ? Dix lunes rrrouges ? Bleues ? Ou bien tout simplement dix nuits ? Et d'ailleurrs, plutôt que dix, n'étais-ce pas deux ? Trrois ? Et puis, à parrrtir de quand ? De la mort du centaurrre ? Carr si c'est à parrrtirr de sa morrrt, je crrrains hélas que je ne suis déjà plus ton esclave…

Un petit rire ponctua la bouche adorable du corbeau. Voilà qui était dit. Plutôt que de nier, valait-il mieux ficeler la chose pour s'en dérober.
Répondre
#5
Eäril observait amusé le défilé de ruses qu'employaient la Corbac pour tenter de l'entourlouper.

Une fois qu'elle eût finie, il répondit, avec sarcasme:

Je suis impressionné ! Je te pensais timide et réservée à première vue, mais finalement, tu es une grande bavarde !
Après tout c'est normal, la loquacité est propre aux corbeaux... D'ailleurs n'est-ce pas cela qu'il leur porte le plus souvent défaut ?

Une lueur étrange et fulgurante passa dans les yeux d'Eäril, qui ajouta:

Vu que tu sembles avoir les souvenirs flous et sombres après ta chute lors des combats, je vais te rafraîchir la mémoire: le gage du perdant, c'est-à-dire toi, commence au moment où il est donné par le gagnant, en l'occurrence moi, et prendra fin jusqu'à ce qu'il soit réussi et accompli... Ou que tu meurs.


Evidemment l'accord conclu n'était évidemment pas celui-ci, c'est pourquoi il compléta avec la phrase suivante:

Bien entendu, tu ne t'en souviens pas, donc tu ne peux donc pas en principe contester ceci, n'est-ce pas ?


A présent elle était entièrement à lui, piégée par son propre petit jeu.
C'est pourquoi profitant de son avantage et avant qu'elle tente de s'en libérer, il enchaîna directement:

Je vais donc à présent t'expliquer ton gage ! Ecoute donc bien cette fois, c'est très important.


Prenant une inspiration, il énonça la consigne avec sérieux:

Tu dois te débarrasser de ce que tu portes de plus lourd.

Le dernier mot prononcé, il resta quelques secondes figé, à observer attentivement la réaction de la Corbac... Et sans lui laisser le temps de répliquer, et contre toute attente, il tourna sur lui-même et, dos à elle, se mit à s'éloigner vers la périphérie de la clairière abritant la ville d'un pas tranquille, tout en lançant par-dessus son épaule à la corbeau sur un ton railleur:

Je pense que cela va te prendre quelques temps avant d'y parvenir, j'attendrais donc patiemment... A moins que tu meures entre temps, qui sait ?

Sur ce, j'espère que nos chemins se recroisent une nouvelle fois à l'avenir... Et que de ce croisement, coule une nouvelle fois le sang et les entrailles !
Répondre
#6
Son air jusqu'alors moqueur se transforma coup sur coup en air amusé, boudeur, vexé puis enfin dubitatif. Qu'est-ce qui clochait avec elle, bon sang, pour qu'elle se fasse toujours avoir comme ça ? Elle jeta un regard furieux au sol puis finalement releva ses prunelles claires sur l'autre homme-bête. Elle avait perdu une manche mais il ne serait pas aisé à l'un ou l'autre d'obtenir tout à fait ce qu'ils voulaient, car ils étaient tous les deux de francs opposés, à la fois contradictoires et complémentaires.

Elle persifla de nouveau :

Ne pas m'en souvenirrr est une chose, en abuser en est une autrrre…

Son air dépité indiquait clairement que le jeu de l'autre homme-bête marchait.
Elle lui jeta un petit regard, malgré tout curieuse de savoir ce que cette caboche pouvait bien préparer. Elle avait subi pendant plus de dix ans les jeux drôles et moins drôles de Goupil, et n'était plus à son petit ersatz de sadisme devant elle se targuant d'être son futur cauchemar.

On n'était pas le cauchemar de Quoth. Elle l'était le plus souvent.

Elle l'écouta attentivement et pencha la tête, ne comprenant pas là où il voulait en venir. Ce qu'elle avait de plus lourd ? Et que diable avait-elle de lourd ?
Qu'est-ce que ça signifiait d'ailleurs, lourd ? Son bâton de buis ? Ses livres ? Les fleurs ?
La gemme de vie qui reposait, enfouie dans sa besace ? Pourquoi est-ce que diable elle se posait toutes ses questions comme si elle allait sagement l'écouter d'ailleurs ?!

Elle pinça les lèvres d'un air circonspect.

Elle eut un mouvement de recul en le voyant partir. C'était peut-être son totem qui la dirigeait, qui menait ses pas, mais elle ne put s'empêcher de faire un pas vers lui, puis deux, puis trois, et finalement de le suivre, un peu à la traîne pour sûr mais elle suivait ses pas.

Je n'te comprrends pas… Je… Qu'est-ce qui est lourrrd ? Pourrquoi je devrrais me débarrrrasser de tout ce que j'ai de lourrrd surr moi ? Et puis pourrrquoi tu parrs ?

Elle affichait une mine déconfite. Celui-la allait être plus pervers que Goupil, moins sadique peut-être, mais en tout cas bien plus compliqué à suivre.

Tu me rrréduis en esclave, mais tu me laisses fairrre ce que je veux ? Sois plus clairr, sois plus clairrr parce que… Parce que je ne vooââ pas du tout comment te tenirrr tête quand tu donnes des orrrdres parrreils !

Elle s'était finalement plantée, et n'avançait plus. Plus du tout. Il n'avait qu'à être plus clair aussi. Et elle… Elle moins sotte. Elle se rendait compte sur le moment qu'il avait fini par la rendre curieuse et comme une véritable pie elle avait suivi. Elle secoua la tête, levant les bras au ciel.

Oh, et puis zut ! Je n'suis pas ton esclave et je n'te doââ rrien ! Mourrrir ? Moi ? Pas demain.
Jamais. Et même si je meurrrs, qu'est-ce que je peux bien en avoirr à fairrre !


Elle tournait le dos et repartait finalement, sans rien avoir lâché, complètement perdue entre l'imbécile qui, si sot fut-il était fascinant, et son envie de rester intègre et surtout, loin de lui.
Il était dangereux, elle pouvait très bien le sentir.
Répondre
#7
Après avoir marché plusieurs heures parmi les colosses verts composant la forêt de Korri, Eäril s'arrêta à proximité d'un lac.

De nombreux Hommes-Bêtes l'entouraient, avec probablement le même objectif que lui: découvrir l'étrange agitation qui règnait depuis quelques jours dans ces lieux.
Parmi eux, la jeune Quoth faisait, depuis leur départ de Jada, mine de le suivre.

Le jeune homme se fit un devoir de l'ignorer superbement, afin de la plonger plus encore dans la confusion, s'amusant, même si elle était derrière lui donc hors de son champ de vu, à s'imaginer son visage consterné et la bataille qui devait se mener en-dessous dans ce crâne d'oiseau, en dessous de ces cheveux noir de jais.

Cependant, un cri le tira de ses pensées, plusieurs pas en face de lui: un compagnon en train de se faire méchamment lacérer la chair par les racines noueuses et enchantées de tréants.

Eäril soupira: ces êtres végétaux ne lui fourniront aucune satisfaction à les tuer, aussi en était-il très déçu, lui s'attendant à devoir combattre d'immenses bêtes sauvages et assoiffée de sang... Tout comme lui.

Mais la journée n'était pas encore finie, un espoir subsistait donc encore.

S'étirant et laissant échapper un bâillement au milieu d'autres Hommes-Bêtes sans doute consternés de le voir agir ainsi avec autant de détachement alors qu'un membre de son propre peuple se faisait écharper quelques mètres plus loin, il cligna plusieurs fois des yeux, comme sortant d'une longue léthargie, et promena autour de lui un regard tranquille, profitant de l'instant présent avant de se plonger au cœur des combats.

Ses yeux se posèrent alors sur la Corbac, s'avançant presque gaiement, visiblement pas plus concerné et perturbé que lui par la situation actuelle, arborant dans sa chevelure noire la fleur de mana qu'il lui avait offerte quelques heures plus tôt à Jada, dans le but uniquement de la déboussoler afin de se délester de son désespoir et mieux la manipuler encore.

S'il avait été suffisamment humain pour exprimer des regrets pour tourmenter ainsi la jeune femme (ce qui n'était aucunement le cas), il n'aurait de toutes manières aucunement pu s'empêcher de se féliciter d'avoir accompli pareille offrande, tant le bleu profond de la fleur se mariait superbement à celui plus clair de la femme-corbeau.

Il l'observa ainsi quelques instants, sans sourires ni regard moqueurs, mais plutôt avec une certaine et surprenante tendresse et émotion, et lui dit soudain spontanément sur un ton chaleureux et sincère :

Cette fleur te va à ravir... Je suis heureux de l'honorer en ayant permis une si belle et harmonieuse association, plutôt que de l'utiliser dans la création d'un banal objet sans saveur ni poésie.
Merci.


Et sur ce dernier compliment inattendu, il se retourna vers les tréants et s'avança vers eux, prêt à en découdre.
Répondre
#8
Il l'ignorait sans véritable raison, et elle, elle ne disait rien. Tantôt son regard se perdait ailleurs, tantôt il se posait sur Kara qui gesticulait et riait à ses côtés comme une enfant l'aurait fait. Elle n'était pas de ce genre-là. Elle était silencieuse pour un corbeau, mais ça, ce n'était que depuis qu'elle avait cette fleur accrochée à ses cheveux. Si à la base bien sûr ce n'était que pour narguer Kara qui en cherchait une aussi belle, elle devait avouer qu'à force de marcher, elle commençait à se trouver elle-même étrange, de plus en plus perdue.

Pourquoi le suivre ? Pourquoi tenir cette fleur ?

Son regard, à un moment se remplit d'une petite terreur et son ventre se serra quand elle se rendit compte que Goupil n'était pas là et que pour la première fois, elle se retrouvait véritablement seule. La liberté avait un quelque chose d'effrayant, encore plus quand on avait pas appris à différencier les gentils des méchants.

Elle darda finalement un regard clair sur son dos, l'observa de loin. Elle voyait plus loin que lui, elle voyait mieux aussi. Par habitude, elle lisait presque les âmes - c'est une chose que les chamanes font dit-on. Mais son âme à lui restait floue, flottante. Inaccessible.

Il me l'a tendu, genoux à terre, sans rien demander en retour,
Elle est jolie, elle est bleue, elle me rappelle un peu tes yeux,
C'est une fleur de mana, cueillie juste pour toi, alors savoure,
Parce elle te siéra comme jamais, une fois dans tes cheveux.


Dans sa tête, tout sonnait si juste, et tout sonnait si faux l'instant d'après. Elle relèva les yeux sur le ciel, se perdit là. Tout ça n'avait pas de sens. Pour le premier des hommes-bêtes elle n'aurait pas bougé le petit doigt. Elle se serait affichée droite et intègre, sans un mot, et aurait regardé. Si on lui avait déclamé la veille qu'elle finirait par suivre un autre qu'elle, un autre que Goupil, elle aurait sans doute ri.
Et pourtant…

Pourquoi ? me soupire ma raison, pourquoi fait-il ça ?
Je dois avouer qu'à marcher derrière lui, je ne sais pas.
Peut-être est-il fou ? Peut-être oui, mais comme moi ?
Non, pas comme toi Quoth, me réponds alors la voix…


Pourtant il avait aussi cet air nonchalant à voir le pauvre homme-bête souffrir aux mains du tréant. Elle serra les poings jusqu'à en faire blanchir ses jointures. Elle arborait finalement son masque de colère quand elle se rendit compte qu'à chaque pas, elle était tombée de plus en plus, et qu'à force de s'enfoncer dans la duperie, elle y perdrait plus que des plumes.
Rien à voir avec la folie, rien à voir avec être son esclave. Il ne se jouait d'ailleurs même pas d'elle. Il se jouait de tout à vraie dire. Il était en dehors du monde, comme elle avait pu l'être parfois, et se moquer d'elle finalement, c'est comme se moquer du reste.

Elle serra les dents, se rendant compte la seconde suivante que finalement, Goupil avait au moins le mérite de se moquer d'elle comme il ne se moquait de personne d'autres. C'était presque tendre. Ce n'était pas comme lui.

Elle fit claquer sa langue sur son palais. Elle allait hurler, mais finalement le calme retomba sur ses épaules pour ne laisser d'elle qu'une image posée, vague et incertaine. Elle avança à sa hauteur, jetant un regard à ce visage qu'elle se devait de graver dans sa mémoire.
Par instinct, elle savait que ces être-là, ces âmes étranges, étaient fugaces et disparaissaient comme neige au soleil. Elle était la seule qui été resté de souvenir d'homme aussi longtemps en vie.

Elle eut un sourire, avant de déclamer finalement :

Tu n'as pas à me rrremerrcier... Pas dans ta position..
Et puis, tu me fais rrirrre… Que connais-tu de l'harrrmonie ? De la poésie ? De la beauté ?


Elle pencha la tête, avec ce sourire insolent.
Ça semblait pourtant être une vraie question.
Répondre
#9
Il s'apprêtait à réciter une incantation, quand soudain, la voix écorchée et rauque de la jeune femme s'éleva derrière lui.

Il resta un instant figé, coupé dans sa formule, fixant la Corbac, presque hébété.

Il n'avait pas vraiment prévu qu'elle lui réponde aussi tôt.

Pour dire vrai, il pensait même qu'elle ne lui répondrait jamais, et s'en était prématurément satisfait.

Et pourtant... C'était bien sa voix qu'il entendait, aussi rude que la pierre mise à vif par les vents et le froid mordeur, et ses lèvres qui se mouvaient, aussi pâles que le teint d'un cadavre.

Le temps d'un instant, il fut pris au dépourvu.

Puis il le vit.
Cette lueur dans son regard.
Ce sentiment.
Celui d'être détaché de tous, de se sentir oppressé par des règles morales stupides et étouffantes, et des modèles dénués de sens et de valeurs.
Cette douleur constante, aussi perpétuelle et présent que les battements d'un cœur, ces questionnements incessants, ces tourments inutiles, que l'on camoufle derrière un masque d'inexpression et d'immoralité.
Ces chaînes éthérées mais bien réelles, qui nous plaquent au sol, nous étranglent, nous oppriment, sans un instant de répit et de soulagement.
Elle le comprenait.
Elle était comme lui.

Durant un bref instant, l'espoir et la compassion se lut dans ses yeux... Avant de disparaître aussi soudainement qu'ils étaient apparût, laissant place à un terrible sentiment de déception, de fatalité...
Et de traîtrise.

Le regard de la Corbac avait changé, il n'était plus le même.
A présent elle le regardait avec mépris et dégoût. Comme tous les autres.

Non, elle n'était pas comme lui.
Il manquait quelque chose...
Est-ce une chose qu'elle avait en moins par rapport à lui ? A moins que c'était l'inverse ? Il l'ignorait... Mais ce détail, ainsi insignifiant pouvait-il être, suffisait à rendre béant le fossé qui les séparait.

Finalement, il perdait son temps avec elle.
Il n'avait rien à attendre ce corbeau misérable et piteux, hormis des plumes froissées et des sarcasmes vides.

Il n'avait même plus l'envie de jouer avec elle.
Elle le dégoûtait.
Le répugnait.
L'illusion qui l'avait jusque-là abusé se brisa, ses éclats s'envolant vers lui et s'enfonçant profondément dans son âme, qui déjà terriblement meurtrie suinta plus encore de son amour-propre.
Comme les autres, elle n'apportait que souffrance et désillusion.
Comme les autres, elle le rejetait.
Et comme pour les autres, il ne souhaitait plus qu'une chose : qu'elle disparaisse de ce monde.
Qu'elle s'étrangle avec ses plumes et s'empoisonne avec son venin.
Qu'elle se baigne dans son propre sang et qu'elle y sombre, pour l'éternité.

Aussi, et malgré après avoir concentré d'énormes efforts pour présenter plus un rictus qu'un sourire, il répondit, d'une voix sèche et froide comme les tombes:
Je n'y connais rien. Mais je connais si bien le chaos, la cacophonie et la laideur que je peux en entrapercevoir à travers eux les contours leur antonymie, condamné cependant à ne jamais les comprendre.

Puis il s'éloigna, d'un pas raide, laissant dans un sillage une froideur malsaine et pesante.
Répondre
#10
Il ne voulait plus jouer. Tout du moins, c'est ce qu'indiquaient ses yeux. Elle l'observa, quelques secondes, faire ses premiers pas hors de leur jeu, hors de leur monde. Ce monde qu'ils auraient pu créer… Elle eut un sourire, amusé. Non. Leurs deux chaos internes étaient trop distincts. Trop… lointains, pour se comprendre. Elle fit à nouveau un pas vers lui, non pas pour le suivre cette fois, mais pour le forcer à fuir comme il le faisait si bien à ce moment.

Tu as voulu êtrrre mon maîtrre… Mais tu ne connais rrrien de la soumission. De la torrrturre. De l'humiliation. Tu veux m'êtrrre supérrieurr, mais à la prremière escarrmouche, tu fuis. Tu n'es pas le chaos. Tu n'es pas la laideurr. Tu te masques. Tu te mens. Tu me mens.

C'était des reproches plus qu'autre chose. Tout le monde aurait aimé s'entendre dire cela. Personne ne voulait personne ressemblait au mal, encore moins à l'infini néant.
Mais elle, elle y ressemblait tellement. Comme un trou noir, où il n'y avait qu'une seule étoile, cette petite fleur, accrochée à son oreille, perçant au milieu de sa tignasse d'ébène.

J'ai t'ai vu, avec le centaurre. Tu sourriais… quand tu prrrenais sa vie.
Mais qu'en serrait-il si c'était la tienne ?


Elle avait souvent pensé à disparaître. La seule raison pour laquelle elle restait encore, c'était la douceur que lui offrait Estalia chaque jour. C'était aussi sa malédiction.

Elle avança de nouveau, de deux pas, sur la pointe des pieds, aussi légère et fragile qu'une plume.

Pourr êtrrre le maîtrre, il faut accepter l'autrrre comme son esclave. Tu ne m'acceptes pas.
Tu ne sais pas ce que c'est, qu'accepter les autrres…


Elle avait un sourire en prononçant ses mots, comme il lui semblait soudain si doux de les dire.
Répondre
#11
Elle l'agaçait, tel un charognard mordant à plusieurs reprises dans un cadavre pour en percer la peau.

Il prit néanmoins le temps de lui répondre:

Je n'ai pas de conseils à recevoir d'un misérable corbeau incapable qui préfère encore être l'esclave des autres pour ne pas risquer d'être livrée à elle-même.

Personnellement, je préfère encore être mon propre esclave que celui d'individus insignifiants et idiots, aussi douloureux que cela peut-il être, au moins puis-je ainsi conserver toute ma fierté et mon intégrité.

Tu n'es pas d'accord avec mes propos ? Alors retourne aux pieds de ton maître faire le gentil familier.

Maintenant hors de mon chemin, trainée.


Il prononça le dernier mot avec autant de rigidité et de brutalité qu'une lance transperçant un cœur à pleine volée.
Et sur cette dernière sentence prononcée avec haine, il s'éloigna pour de bon, déversant sa rage par le biais de sorts magiques d'une rare violence sur le tréant, devenu fruit de sa haine, à défaut de pouvoir prendre pour cible la Corbac...
Rien ne l'empêchait en soi… Mais il y avait trop de témoins potentiels aux alentours pour qu'il prenne des risques, d'autant plus pour une fille paumée et désœuvrée, sans intérêt.

Il s'approcha d'avantage des combats afin que leurs échos l'isole des autres et surtout, de la jeune femme.
Répondre
#12
Elle resta sans rien, sans un mot. Si tous les mots qu'il aurait pu lui dire ne l'avait pas atteinte, elle qui avait payé les erreurs des siens mais n'avait jamais voulu de sa condition, elle n'acceptait pas le dernier mot. C'était la dernière chose qui lui restait.
C'était - non - la seule chose qu'elle n'avait jamais eu. Sa pureté. Le diable de corbeau n'avait jamais dit oui aux avances, et elle avait été trop occupée à faire souffrir et à souffrir pour s'entacher d'un nouveau vice.
Elle serra les dents, le fixant alors qu'il jetait lui-même sa colère et sa haine sur le bois. Des éclats. Seulement des éclats qu'elle aurait aimés, tant aimé, lui enfoncer là, dans la gorge, pour que plus jamais il ne parle, pour que plus jamais elle ne l'entende.

Elle le détestait car encore une fois, il avait mentit. Il n'y connaissait rien. Il ne lisait pas les âmes comme elle avait appris à le faire, comme elle savait si bien faire.
Elle sera plus fort le poing et traversa finalement les quelques mètres qui les séparer, avec l'air d'une furie grecque tout droit sorti du Styx.

Je n'suis pas une trrraînée !

La baffe avait fini par griffer la peau du pauvre type qui n'avait pas eu le temps de voir venir le coup. Ou alors il l'avait vu, et n'avait pas bougé.
Dans tous les cas, elle recula aussitôt d'un pas, ramenant à elle sa main aux griffes rougies.
Aussi rougies que son visage tordu par la colère.

Tu mens ! Tu mens ! Elle parjurait presque, mais qu'y pouvait-elle ?
Tu es aussi idiot et insignifiant qu'eux ! Tu n'vaux rrrien ! Tu.. Tu…
Elle inspira profondément, comme elle aurait aimé le tuer mais qu'elle ne se sentait en même temps pas capable de le toucher sans qu'il ne la brûle : Je suis meilleurrre que toââ, je ne suis l'esclave que parce que je le veux, je…

Elle arracha de sa tignasse sombre la fleur, prête à la jeter mais finalement l'écrasa entre ses phalanges, destructrice. Mais était-ce contre la fleur, contre lui ou contre elle-même qu'elle était furieuse ? Sans doute que tout était lié, intimement lié.
Ses yeux se relevèrent, se fixant sur lui.

Mon âme est chaos, mon âme est silencieuse. La tienne est… tout l'inverrrse…

Ses mots se détachaient, petit à petit, comme elle cherchait une raison. Il n'y en avait peut-être pas. Peut-être qu'ils n'étaient, ni l'un, ni l'autre, ce qu'ils pensaient être.
Peut-être que tous les deux étaient des menteurs. Peut-être qu'ils étaient dans le même temps deux chaos : l'un bruyant, l'autre silencieux.
Sa main frappa de nouveau mais cette fois-ci du plat, comme pour faire plus de bruit.
Trop de silence la tuerait.
Elle en était malade.
Trop de silence, trop d'indifférence, pour une si petite chose apeurée à l'idée de rester seule avec elle-même. Avec cette chose qu'elle était, et qui lui faisait si peur.
Répondre
#13
Il entendit un cri derrière lui.

Un cri de protestation.

Un cri de rage.

Un cri si vrai qu'il en était terrifiant.


Mais cette fois, cela suffisait.

Il allait faire taire cette effrontée, cette petite sotte qui ne méritait même pas la vie qu'Estalia lui avait offerte.
Il allait mettre un terme à ça.

Déjà, il s'imaginait avec une satisfaction immense lui lacérer la chair, lui briser les os, lui défoncer les dents, lui arracher les yeux, la faire supplier inutilement car jamais il ne s'arrêterait, jamais !

Il allait lui montrer, à cette traîtresse.
C'était la dernière fois qu'on se moquait de lui.
Il se l'était juré.
Aujourd'hui, elle allait payer.
Pour ce qu'elle venait de lui faire.
Mais aussi pour la méchanceté des autres, pour leur refus, leur moqueries, leur mépris… Ainsi que pour sa propre vanité, et son propre orgueil.
Une part de lui savait qu'il était en tort, qu'il ne faisait que récolter les fruits de son orgueil et de ses mensonges… Les mensonges qu'il lui avait livré, et ceux dont il s'était bercé lui-même depuis longtemps... Trop longtemps.
Et cela exacerbait plus encore sa colère.

Oui, elle allait payer.
Pour le monde.
Pour lui.
Elle allait payer.

S'immobilisant dans sa marche, il se retourna subitement, les poings serrés, un rictus ignoble de rage et de pulsions meurtrières déformant son visage... Qui l'instant d'après, se trouva teinté du rouge merveille de son propre sang.

Il n'avait pas vu venir sa main.
Ou plutôt, il l'avait vu, mais il n'eut pas le temps de répliquer.
Ou encore, il avait vu, il avait le temps de réagir, mais n'avait pas voulu.

Pourquoi ? Pourquoi même dans cet instant, elles venaient le tourmenter ?
Ces ombres moqueuses de la défaite et de l'incompétence qui depuis son enfance, sans cesse le poursuivant, ricanant, le rabaissant sans cesse, mais qui étaient cependant, ses seules compagnes, tout ce qu'il avait.
Car il ne possédait rien d'autres… Rien d'autres que des questions et l'angoisse qui comblait l'absence de leur réponse.
Pourquoi il faisait ça ?
Pourquoi il avait fait ça ?
Il ne savait plus.
Il ne l'a jamais su.
Il n'a jamais su s'il l'avait déjà su ou non.
Il ne voulait pas savoir.

Tout ce qu'il voulait à présent, c'était lui arracher chacune des plumes recouvrant ce corps odieux, l'éventrer, et extirper une à une chacune de ses tripes.

Ignorant le sang qui coulait abondamment sur son visage et l'aveuglait, il arma son poing, avec la ferme attention de briser les os de sa cible, voire de lui traverser le corps du poing, pour mieux lui en arracher les entrailles.

Mais au moment où il s'apprêtait à lancer son bras, elle écrasa à cet instant entre ses doigts la fleur de mana.

Il s'arrêta net.

Elle en profita pour lui donner une claque, du plat de la main cette fois, mais tout aussi violente.

Le bruit et le choc se répercuta dans tout sa mâchoire, l'assourdissant, le déséquilibrant.

Sa vue se troubla quelques instants, et il se sentir tomber, tomber.

Sa chute dura une éternité.

Une éternité angoissante, durant laquelle il sentit néanmoins le liquide chaud et visqueux continuant la conquête de son visage.

Un étrange et assourdissant vrombissement lui lança l'oreille, se répercutant dans un écho horriblement douloureux dans tout son crâne.

Mais malgré la douleur, il s'en fichait.

Seul pour lui comptait l'image de la fleur de mana réduite en poussière entre ses doigts destructeurs.

Des doigts qu'il avait lui-même armés d'une colère hargneuse qui à présent s'était libéré de ses murs étroits et s'exprimait sans retenue.

Et il allait payer cher d'avoir libérer pareille puissance dévastatrice.

Sa propre colère n'était pas de taille, elle avait d'ailleurs déjà disparue, aussi promptement que la fleur de mana avait été écrasée, vaincue elle aussi par cette femme pourtant si frêle, si fragile…

Pourquoi lui avait-il offert cette fleur ?
Etait-ce un élément de son plan ?
Mais quel plan ?
Il n'avait jamais eu de plan.
Il n'avait fait que suivre de fausses idées, de fausses convictions, des pensées montées de toutes pièces par son esprit en substitution de celles qu'il tentait jusqu'alors de dissimuler, celles qu'il n'avait jamais assumé.

Il ignorait pourquoi il lui avait offert cette fleur.
Cela ne signifiait rien pour lui.
Alors pourquoi s'était-il senti heureux quand elle l'avait porté ? Etait-ce encore une fois un masque d'expression visant à se déguiser ?
Et pourquoi cela lui faisait-il si mal qu'elle l'eu écrasé ? Aussi mal que si elle avait tenu dans sa main à la place de la fleur son propre cœur ?
Avait-il un cœur au moins ?
Ou n'y avait-il que du vide… Comme le reste ?

Il ne se sentit pas atterrir sur le sol.
Il ne sentit même pas la douleur fulgurante parcourant son corps quand sa tête cogna contre une pierre.

Il ne voyait plus rien. Plus rien sauf les pétales froissées de la fleur qui tombaient. Tombaient.

Malgré les ténèbres qui broyaient peu à peu son regard, son esprit ayant sombré depuis bien longtemps déjà, il leva les yeux avec peine pour observer le regard de la jeune femme.
Déformée par la colère, elle ressemblait à un monstre… Et en même temps à une créature sublime et éclatante d'une aura indescriptible.

Elle allait le tuer.

Il en était certain.

Il le souhaitait même.

N'était-ce pas mieux ainsi ?

Lui laisser prendre entièrement le fardeau de sa mort, et peut-être se faire ronger par la culpabilité ?
C'était un choix égoïste… Comme il l'avait toujours été.
Un sale égoïste… Un monstre… Mais il avait dépassé depuis longtemps le stade des remords.

Et comme l'égoïste qu'il l'avait toujours été, il mobilisa ses dernières forces pour afficher, lentement, un sourire ensanglanté sinistre et moqueur, à l'adresse de la jeune femme, afin de terminer de l'irriter et la pousser à le tuer avec une ultime insolence, faite à elle, et par son biais, à la mort.

Que le monstre soit elle ou lui voir même les deux, cela n'avait plus aucune importance, car tout allait prendre fin, pour lui du moins.

Les questions.

Les tourments.

La souffrance.

Oui, tout cela sera bientôt terminé.

Il ne lui suffisait plus que d'attendre.

Attendre… Qu'elle le tue.

Pendant un instant, elle disparut de sa vision pour laisser place à un immense corbeau, tout de noir vêtu, le regard sévère et austère.

La mort incarnée.

Et au lieu de l'effrayer, cela le fit sourire de plus belle.

Mais cela n'avait plus d'importance
Répondre
#14
Elle le fixait. De haut. De haut c'était toujours mieux que d'en bas.
Elle le détailla, quelques longues secondes, sans un mot. Sa colère seule voulait parler, et elle… Devait-elle la laisser s'exprimer ? Elle pencha la tête, avec ce visage aussi froid que stoïque.
Elle était projetée face à la mort. Pour une rare fois pour autant, sa main rechignait à en suivre le mouvement naturel.

Le tuer ? Si facile. Si facile…
Le ramener à la vie ? Pourquoi faire, Quoth, tu n'es déjà pas vivante toi-même ! ricanaient ses démons intérieurs. Tu n'es pas vivante, et tu le ne seras jamais.

Mais lui… Est-ce qu'il pouvait être encore sauvé de tout ça ? De cette merde qui tâchait leurs bottes ? De ce sang qui tâchait leurs gueules, leurs mains, leurs poings ? Qui s'infiltrait dans les pores de leurs peaux ? Comme deux grands vampires sans nom… Comme deux grands démons.

Elle ravala difficilement sa salive, et finalement se laissa choir. Ses genoux cognèrent sur le sol. La chute était brutale. Douloureuse. Ses genoux rencontrèrent des roches et de l'herbe. Ils venaient sans doute de tuer quelques fourmis, mais c'était ça la vie.
Ecraser les choses invisibles, dans un sacrifice de souffrance…

Elle se pinça les lèvres et ses paupières se baissèrent, à moitié sur ses yeux céruléens.

Il souriait.

Il osait ?

Elle posa sa main sur son torse, serrant tout d'abord son poing avant de pencher la tête et de déplier de nouveau ses doigts sur sa peau chaude. Il vivait encore. Son cœur, en tout cas, le signifiait. Elle serra les dents, pencha la tête ce qui lui donnait l'air d'un corbeau trop curieux, venant de voir une chose brillait sur le sol… Un éclat.

Oui. Un éclat. Un pétale ? Elle ouvrit de nouveau le poing pour voir un pétale de fleur tombait sur le ventre de l'homme-bête. Tâchée de sang.

Sa main remonta lentement, comme une caresse, mais à vraie dire elle n'osait pas même le toucher, tout juste le frôler. Ses genoux se rapprochèrent, elle se pencha au-dessus de lui, lentement, en silence. Et finalement ses doigts s'enroulèrent lentement contre sa peau, dans une étreinte chaude.

Douce. Puis dure.

Autour de sa gorge.

Elle sera davantage les dents et se mit à serrer de toutes ses forces cette gorge blanche, abandonnée. Il voulait mourir ? Alors qu'il meurt ! Il ne méritait que ça ! Les faibles meurent, les forts vivent ! Elle sera plus fort, et les secondes passèrent, longues. Elle sentait son pouls diminuait au fur et à mesure.
Ce ne mit pas longtemps. Ses tempes battaient. Son cœur, aussi. Plus vite. Plus fort.

Dans son crâne, ça criait. Les faibles meurent comme des chiens, les forts vivent en... ch… Elle relâcha aussitôt la gorge et écarta ses mains de sur lui, comme brûlée de nouveau. Ses yeux céruléens le fixèrent. Puis elle éclata de rire, folle peut-être, désespérée sans doute. C'était un relent de tristesse. Elle rejeta la tête en arrière, tombant, assise sur le sol, à côté de ce pseudo-cadavre même pas foutu de mourir tout seul.

Elle passa ses doigts dans sa tignasse de jais, lasse, fatiguée.

T'es vraiment un maîtrrre… pitoyable… Pas foutu de mourrrirr tout seul… Pas foutu de se battre contrrre la morrrt… Tu te dis esclave, mais dans le fond, tu es librrre… Moâ, je n'y arrrrive pas. J'ai essayé. Plusieurrrs fois. D'embrrrasser la morrt. Mais elle me rrejette à chaque fois… Ne crroââ pas que je vais te fairrre ce cadeau. Souffrrre. Fais comme moâ. Souffrrre et supporrrte… Fais comme moâ…

Murmura t-elle finalement, les yeux tristes soudainement, lointains. Il pouvait bien la frapper ou la tuer, maintenant tout ça ne comptait plus. Elle venait de comprendre.

T'es contradictoire, et même en le regardant, tu veux l'affronter,
Il pourrait bien te tendre une main, vouloir t'aider, tu dirais non,
Car ça serait trop facile, pas vrai, toi pour naviguer,
Tu veux pas d'voile, pas d'soleil, y te faut juste un canon,

Car la vie est un véritable champ de bataille à tes yeux,
Et être faible c'est déjà perdre de trop comparé aux ivrognes,
Toi t'es forte, tu fléchis jamais, tu refuses le quotidien ennuyeux,
Par haine, par honte, sur le faible tu frappes sans vergogne,

Quoth, t'essaye juste d'échapper à toi même,
Mais ouvre les yeux, t'es seulement celle qu'il voit,
Et ça, ça changera pas, y a rien que t'aime,
Même pas toi.
Répondre
#15
Quand ses mains se renfermèrent sur sa gorge, que l'air se faisait de plus en plus rare dans ses poumons, et que son corps tout entier était en train de suffoquer, asphyxié, un étrange sentiment de paix et de quiétude envahi Eäril.
Il s'abandonna totalement à l'étreinte de la jeune femme.

Les ténèbres, enfin, le dévoraient peu à peu.

Il sombrait. Pour de bon.

Il ne voyait plus qu'une immense et interminable surface noire.

Puis plus rien.

Rien.

... Ou au contraire, il y a avait encore quelque chose.

La douleur.

Il sentait les doigts de la Corbac lâcher petit à petit sa gorge, et l'air se ré engouffrer avec violence et contre sa volonté dans ses poumons.

Non.

Non !

Elle ne pouvait pas s'arrêter là !

Pas maintenant !

Il voulut rattraper ses main, l'obliger à continuer à serrer, à terminer ce qu'elle avait commencé... Mais n'en avait plus la force, et n'aurait pas, même avec la plus puissante volonté du monde, réussi à bouger le moindre doigt.

Il entendit des brides de paroles qu'il saisit à peine, néanmoins il ressentit la profonde tristesse de la jeune femme, un grand désespoir... Le même que le sien.

Malgré la douleur atroce que cela lui causait, il fut secoué d'un rire nerveux, secouant son corps d'un spasme violent, accompagnée de terribles souffrances envahissant chaque partie de son corps, crachant du sang par cahot et manquant de s'étouffer avec.

Mais malgré la douleur, il continua, pendant plusieurs secondes, à rire, rire de son misérable sort, de leur sort à eux deux, du sort du monde.

Ils étaient pitoyables.

Surtout lui.

Puis il s'arrêta, pour éviter de mourir, étouffé par son propre sang.

Cette fois, son esprit sombrait pour de bon, mais pas dans la mort malheureusement, seulement dans un gouffre provisoire.

Il parvient néanmoins à articuler, avant que les chimères le laissent choir dans le gouffre de l'inconscience:

T... Tu... nous... a.. con... condamné...

Ses derniers mots moururent dans sa bouche même, mais hélas ce ne fut pas également son cas à lui, car il ne fit que sombrer dans l'inconscience, attrapé par ses cauchemars qui l'emmenaient à présent dans leur antre se repaître de ses plus grandes terreurs.
Répondre
#16
Condamner à quoi ? Elle ne connaissait même pas son prénom. Elle eut un petit rire, dingue, qui sonnait clair et frêle comparé au sien. Elle jeta un regard, puis leva les yeux au ciel avec un air à la fois amusé et moqueur. Sa main se passa sur son visage qu'elle sentait chaud.

Je n'ai condamné perrrsonne. Nous étions de parr notrrre naissance condamner…
Tu ne le savais juste pas…


Il ne l'entendait pas, mais elle n'avait pas besoin d'être écouté pour parler.
Elle avait pris l'habitude de parler au vide, car il avait été longtemps son seul compagnon.

Elle soupira, et finalement une idée perça ses tempes.

Mais… Non… Quoth… Tu n'y penserais quand même pas ! Folle !

Elle eut un petit sourire en coin, rêveur. Un moment. Avant de se redresser et de venir attraper le visage de l'homme-bête. Elle le poussa du bout du doigt sur la droite, et finalement vient mordre dans sa mâchoire, à l'exacte milieu de son arrête.
Ses crocs s'enfoncèrent sans difficulté dans la chaire, et plus encore. Elle sentit sa bouche se remplir du sang de l'homme-bête, mais il était tellement sombré qu'il n'eut pas même un recul, pas même un gémissement de douleur.

Quand elle se redressa, sa bouche était pourpre, et son visage à lui était marqué d'une morsure.
Ce n'était pas qu'une morsure; c'était une cicatrice.

Elle ne se refermerait pas. Jamais.
Elle eut un sourire malsain sur le visage, ce petit quelque chose de mauvais qui patine les gueules des diables.

Maintenant, il était à elle.

Il ne serait plus jamais l'esclave que de lui-même. Il ne serait plus jamais libre.

Elle eut un petit rire fou. Il comprendrait la douleur d'être l'esclave sans choisir, d'être l'attaché sans comprendre. Elle rattrapa sur le sol les quelques pétales qui subsistaient de la fleur de mana, et finalement s'allongea à une certaine distance de lui. Elle frissonna car il faisait froid, mais elle aurait préféré mourir de froid que de demander, que de le toucher.

Elle grimaça rien qu'à l'idée et se rappela qu'elle l'avait touché, avec ses lèvres.
Oui, mais ce n'était pas pareil. C'était pour son sang.

Condamner, oui... Mais pas toute seule...

Elle ferma les yeux, mais ne trouva pas le sommeil pendant de longues heures où son esprit, épuisé, s'épuisait encore plus à chasser Morphée du bout des doigts. L'intemporelle riait d'elle. Elle sombra, serrant contre son torse cette fleur qui était une promesse sans mots.

Ses lèvres étaient rouges et son teint pâle lui donnaient des airs de cadavre de jeune femme encore frais.
Pourtant, elle ne s'était jamais sentit aussi vivante que ce soir-là...
Répondre
#17
Il faisait sombre.

Très sombre.

Il était assis par terre.

Le sol était rigide et froid comme du marbre, et pas un seul souffle de vent ne venait caresser son visage.

Pas un bruit, pas un son.

Il était seul.... Pour le moment.

Peu à peu, se dévoila à sa vue des barreaux qui occupaient tout l'horizon et l'entourait. Des barreaux d'acier.

Et au loin, rien.

Il connaissait bien cet endroit.

Il le connaissait bien car il l'avait créé.

C'est ici qu'il se replie quand la réalité lui devient trop douloureuse et que la situation le permettait... Comme maintenant. Sauf que cette fois-ci, c'était contre sa volonté.

De plus, il y avait quelque chose de différent... Ces silhouettes qui se mouvaient derrière les barreaux, qui apparaissaient et disparaissaient. Elles n'étaient pas là habituellement.

Ignorant comment il était arrivé ici et pourquoi il s'y trouvait, oubliant que cet endroit n'était pas réel, il lança d'une voix forte aux ombres:

Qui est là ? Qui êtes-vous ?

Un murmure derrière-lui lui répondit.

Il se retourna vivement… Mais ne vit rien.

Cependant un courant d'air froid vint soudain mordre son visage.


Un sifflement retentit alors à sa droite.

Puis un autre à sa gauche.

Et encore un autre.

Et un autre.

Mais il avait beau scruter les ténèbres, il ne voyait rien.


Les sifflements se faisaient plus nombreux, plus puissants, lui lynchant les oreilles, le faisant grincer, provoquant des frissons dans tout son corps.

Il se recroquevilla sur lui-même, et voulu crier que l'on cesse ces bruits inhumains.

Mais aucun son ne sortit de sa bouche.


Alors il se replia d'avantage sur lui-même, dissimulant son visage derrière ses bras, tentant de se soustraire à ses bourreaux invisibles.

Les sifflements se faisaient de plus en plus grinçants, de plus en plus aigües, de plus en plus inhumain.

Et soudain... Plus rien.


Il ne bougea pas, dissimulant toujours ses yeux, et attendit, en se répétant inlassablement la même phrase :

« Gardien des secrets oubliés, à qui rien ne peut échapper et dont le regard transperce les plus sombres noirceurs et vainc les chimères, prête-moi tes yeux pour voir la vérité et me libérer des ombres.
Gardien des secrets oubliés… »



Puis, un son strident et métallique se fit entendre sur son côté droit, retentissant entre les différents barreaux en un écho infini.

Il leva légèrement la tête et lentement, très lentement, tourna son regard vers la source du bruit.

Un corbeau.

Posé au sol derrière les barreaux, l'oiseau le regarda de ses deux petits yeux noirs et moqueurs.

Puis de son bec, cogna contre le barreau situé devant lui une nouvelle, faisant retentir une fois encore cette mélodie discordante et désagréable.

Un bruit étouffé de plumes lui parvient de l'autre côté… Accompagné d'une nouvelle note stridente.

Puis un autre en face.

Et encore un autre derrière.

Et un autre.

Encore un autre.

Encore.

Encore.


La cage entièrement résonna bientôt à l'infinie de cette note cinglante et perçante, répétée une multitude de fois par les corbeaux qui toujours plus affluaient.

S'arrachant les cheveux, griffant son cuir chevelu à vif, il déploya sa gorge, bascula la tête en arrière et se mit à hurler… Mais seul un paquet de plumes froissées et abîmées en sortit.

Des plumes noires.

Noires comme celle des corbeaux.


Soudain, un bruit étrange, ressemblant au clapotis des vagues, se fit entendre en face de lui, accompagné d'une odeur immonde… Puis une flaque d'un liquide rouge pourpre et visqueux apparu peu à peu dans à l'horizon, s'étendant toujours plus et s'approchant à une vitesse fulgurante de la cage.

Et les corbeaux, toujours, jouaient leur incessante et infâme cacophonie.

Paniqué, il se redressa subitement et se retourna pour fuir… Et se retrouva face à face avec elle.

Elle.

La femme corbeau.


Il se figea, comme si son corps tout entier s'était transformé en pierre.

Elle le regarda fixement pendant des secondes qui lui parurent une éternité, puis soudain, saisissa sa gorge d'une main et l'étrangla, toujours de plus en plus fort.

Il entendit ses cervicales se briser, ses poumons s'enflammer, son cœur exploser... Mais toujours son regard fixait celui la jeune femme, son corps refusant toujours de bouger, de fuir, comme si elle le contrôlait par la seule force de sa pensée.

Elle serra, serra toujours plus.

Puis afficha un rictus monstrueux… Et le lança avec violence en arrière.


Au même instant, tous les barreaux se mirent à exploser, leurs éclats se mirent à cribler son corps, qui atterrit dans le liquide nauséabond, qui se mit alors à l'englober et à l'avaler, lentement mais sûrement.

Affichant toujours le même sourire démoniaque, la femme-corbeau l'observa quelques instants, jouissant du spectacle, puis s'éloigna après avoir claqué des doigts.


Soudain, les corbeaux, dont les barreaux ne les séparaient plus de lui, se ruèrent tels une seule et même entité sur lui, comme si le signal qu'ils attendaient tous avaient été donné.

Il voulut se débattre, mais ils lui arrachèrent sa chair, ses ligaments et ses muscles.

Il voulut crier, mais ils lui arrachèrent la langue.

Il voulut fermer les yeux pour ne pas voir ce spectacle affreux... Et, comme pou l'y aider, il les lui arrachèrent aussi.

Seuls lui restaient ses oreilles, pour écouter le chaos de plumes et de cris que produisait le festin de ses entrailles, et entendre au loin, la jeune femme qui chantait.... Chantait.

Et malgré le bruit, il en entendait distinctement les paroles.

R'garde moi ça, ça s'pavane,
Mais y savent pas qu'dans la savane,
J'suis pas l'roi, pas la reine,
Mais la semeuse de gangrène.

Approche mon tout doux,
Qu'à ton oreille je soupire,
J'jure, tu n'deviendras pas fou,
Mais tu n'pourras plus sourire.

Viens, je t'amène dans mon univers,
Là où l'sang nourrit les vers,
Viens, j'te montrerais le cimetière,
De toutes les âmes d'hier,

Celles qui ont perdu la vue, ou la vie,
De ces gens qui rôdent sans comprendre,
Qu'demain n'sera pas plus joli,
Qu'demain viendra sans les attendre.

Dans l'fond j'ai pas peur du noir,
J'vis dedans, s'mon désespoir,
Ça m'fait comme un manteau,
Et dieu qu'il est lourd l'salaud.

Alors j'me balade ainsi,
Traînant mon ignominie,
Je guette ta vie,
Et je la finis.





Un cri inhumain brisa soudain le silence nocturne qui s'était jusqu'alors imposé dans cette partie de la forêt depuis le coucher de l'astre rayonnant.

Au pied d'un arbre plusieurs fois centenaires, voir millénaires, Eäril se tenait adossé contre l'écorce du géant, haletant et couvert de sueur.

Du sang recouvrait ses vêtements, son visage le brûlait, sa mâchoire le lacérait, et son corps tout entier lui faisait souffrir le martyr.

Mais il était entier.

Il avait sa chair, ses membres, sa langue…

Un de ses yeux demeurait fermé, gêné par quelque chose, sans doute une tâche de sang ayant séché, mais ils étaient bien présents tous deux dans leur orbite.

Ce n'était qu'un cauchemar.

Un simple cauchemar.

Cependant, malgré le fait qu'il ne cessa de se ressasser cette phrase pour se rassurer et calmer, il jeta autour de lui de son œil valide un regard affolé.

Pas de corbeaux.

Malgré l'éclair fulgurant de douleur que celui lui causait, il laissa échapper un profond soupir, son corps tout entier se relâchant… Avant de bloquer sa respiration, et s'immobiliser tout entier.

Il n'y avait pas de corbeaux.

Mais Elle, était là.

Et elle le regardait.
Répondre
#18
Le silence la berçait doucement, et elle se laissait faire, étendue là, contre le sein nourricier d'une déesse sans visage, inébranlable et à la fois abandonnée.

Peut-être que rien ne vaut d'être vécu… pensait-elle, naïve.
Peut-être que tout ça, ce n'est qu'une mascarade. Un mensonge.

Est-ce que je me mens à moi-même ?

Dans son sommeil sans tâche, la petite Quoth remuait, prise d'un petit tressaillement. Ce n'était peut-être qu'un frisson, à cause du froid, ou alors était-ce la peur qui recommençait son vacarme à l'intérieur ? Elle serra les dents et poussa une plainte qui sonnait comme un gémissement. Son ventre se serra et elle se recroquevilla comme quand elle n'était qu'une enfant.

Elle renifla. Une fois. Puis deux.
Un petit sanglot pointa le bout de son nez sur le bout de ses cils, et comme elle fronçait les sourcils, cela ne lui donnait l'air que plus belle, touchante dans cette naïveté d'enfant à peine sortie de l'adolescence, encore si peu au courant du reste et du temps.

Tu es toute seule…

La voix était suave. Léchante. Pas toute seule, non. Elle avait Goupil.

Goupil ? Allons, Goupil n'est pas là…

Sa voix se serra et elle émit un petit bruit qui ressemblait à un glapissement de peur. Ses genoux se mirent à trembler comme ils le faisaient quand elle était gamine. Le grand corbeau redevenait enfant, et maintenant…

Maintenant ?

Cours !

La forêt commençait à lui griffer le visage. Chaque branche était une peine. Chaque ronce était une douleur.

Cours !

Son cœur battait si fort, et les rires derrière, ils étaient si nombreux, si forts. Si proches.

Cours !

Ne pas se faire attraper, ne pas se faire attraper. Courir, vite. Elle voyait leurs ombres sur le sol mais ne pouvait pas voir leur visage. Elle ne les avait jamais vu. Ils étaient comme elles – sans matière, sans essence. Juste des âmes. Mais ils lui en voulaient, à elle, à elle et à personne d'autres.

Cours ! Ne te retourne pas !

Elle hurla quand elle sentit sa chaire commençait à souffrir de la course, ses muscles se bandaient, son corps entier se contractait sous la peur. La barre dans son estomac lui compressa davantage les poumons et elle sentit que si ça continuait, elle allait tout simplement vomir et rendre son repas.

Ne faiblis pas ! Cours !

Ses genoux commencèrent à lâcher, ses muscles à faiblir, ses poumons à brûler, et finalement se fut tout son corps qui cessa de fonctionner. Elle tomba à genoux, son pieds pris dans une racine, mais elle ne prit pas la peine de protéger son visage qui frappa brutalement sur le sol.

Son sang glissa sur ses lèvres. Son nez brûla. De nouveau.

Tu es trop lente.
Tu es inutile.
Tu es nulle.


Silence.

Tu ne vaux rien.

Elle releva la tête mais quelque chose la réveilla avant même qu'elle ne voit le visage de celui qui parlait. Ce cri n'était pas le sien. Ce cri ne lui appartenait pas. Il ne venait pas de son rêve. De son cauchemar. Ce rêve, c'était celui de l'autre homme-bête.

Elle posa ses yeux sur lui, et ses yeux étaient remplis de larmes.
De peur. Des larmes d'enfants.

Elle le fixa de longues secondes, en silence, la bouche encore marquée de son sang. Sans comprendre. Elle avait froid. Ses doigts lui faisaient mal. Elle baissa les yeux et déplia ses phalanges qui grincèrent comme s'ils avaient gelé autour des restes de la fleur de mana.
C'était peut-être le cas. Ou était-ce une brûlure ? Elle l'ignorait.
Tout ça n'avait pas d'importance.

Elle se redressa, lentement. Ses os craquèrent comme si elle avait cent ans. Mille ans.
Peut-être était-elle aussi vieille que ça. Peut-être était-elle une âme comme on en fait plus, ayant voyagé dans les temps… Elle posa ses yeux sur sa besace, se pencha et en sortit une gourde encore pleine d'eau claire. Elle se rapprocha de l'homme-bête dans un silence rituel.

Ses yeux bleus ne le quittaient pas. Lui. Sa face déconfite. Sa peur.

Ses yeux se séchèrent à force de le regarder, et il ne restait plus que sur ses pommettes un peu de rouge, de pivoine et de rose pour rappeler qu'elle aussi avait rêvé, qu'elle aussi avait voyagé avec les autres esprits. En tant que chamane, tout aurait dû lui apparaître clair, mais elle était une très mauvaise chamane, et souvent les esprits riaient d'elle. Plus qu'elle ne l'avouerait à quiconque.

Elle se mit à genoux à ses côtés et dévissa la gourde d'eau, mouillant doucement ses doigts pour finalement lever la gourde au-dessus de la tête de l'homme-bête et de verser l'eau sur son visage.
Sa main, sans douceur, vint masser sa peau pour en enlever la fine pellicule – parfois plus épaisse – de sang qui restait malgré tout coller.
Sans douceur, car la douceur n'avait pas sa place. N'avait plus sa place.

Malgré tout, elle ne lui faisait pas confiance.

Je suis Quoth.

Elle retira sa main de sur son visage et la lava quelques secondes comme si le toucher lui l'avait tâchée elle. Elle était méticuleuse, et chaque parcelle de peau ne semblait pas laisser souiller.
Elle referma finalement la gourde, en silence, et se leva pour rejoindre son sac, sans un mot.

Elle avait besoin de réfléchir.
De comprendre.

Mais dans tous les deux cas, c'était difficile.
Répondre
#19
Elle s'avançait vers lui.

Son cauchemar se défila alors à nouveau devant ses yeux l'espace d'une fraction de seconde.

Les barreaux.
Les grincements.
Les corbeaux.
Le sang.
Et elle.

La peur lui déchirait les entrailles, et le tenait clouer sur place.

Il n'arrivait plus à respirer. Il suffoquait.

La panique commençait à l'envahir.

Il devait faire quelque chose. Vite.

Il ne voulait pas se faire dévorer par les corbeaux. Pas encore une fois.

Il devait fuir. Courir. Disparaître.

Il n'en eût pas le temps…


L'eau, même si elle n'était pas glacée, termina de le ramener à la réalité.

Ce fut un choc brutal.

Respirer à nouveau, sentir l'écorce rugueuse de l'arbre contre son dos et le contact de l'humus frais sous ses mains...

Un choc brutal mais nécessaire.

Reprenant peu à peu son souffle, il tenta de s'apaiser, aussi difficile que cela était.

Il devait réfléchir.

Se poser.

Ne pas se précipiter.

Malgré le stress et l'épuisement, il tenta d'adopter cette attitude neutre et détachée qu'il avait appris à façonner et à porter.

Il devait clarifier les choses.

Analyser la situation actuelle.



L'eau dégoulina sur son visage, lui rappelant que sa gorge était sèche. Terriblement sèche.

Il voulut récupérer quelques gouttes du précieux liquide avec sa langue, mais alors elle approcha sa main de son visage.

Même si le cauchemar était définitivement fini, le traumatisme qui en résultait durera encore de nombreuses heures, voire de nombreux jours.

Ainsi se voyait-il toujours arraché la langue par les corbeaux... mais il savait à présent que cela n'était pas réel.

Cependant, il préférait garder ses précautions et ne pas prendre de risque.

Malgré l'immense volonté qu'il mobilisa pour ne pas esquisser un geste lorsque qu'elle approcha sa main de son visage, il ne put s'empêcher de serrer violemment la mâchoire... Ce qui eut pour conséquence de lui provoquer une immense douleur.

Le lavage de la jeune corbeau n'arrangea rien, d'autant qu'elle n'y allait pas de main morte... Mais au moins avait-elle pour mérite d'enlever le sang qui avait coagulé sur son visage et qui le démangeait atrocement depuis son réveil, lui permettant enfin d'ouvrir son second œil.

Pourquoi elle faisait ça d'abord ?

Il se refusa d'y penser. Ce n'était pas la priorité, et il devait à tout prix lutter contre ces questions incessantes qui le torturaient.

Plus tard.
Mais pas maintenant.

Alors qu'elle passa sa main sur sa mâchoire, il ressentit une étrange sensation.

De plus, la vision de la bouche ensanglantée de la femme le troublait, non à cause de sa proximité avec sa propre bouche, mais plutôt car il n'avait dans sa mémoire avant qu'il ne sombre dans l'inconscience un quelconque souvenirs pouvant expliquer cette tâche de sang, contrastant d'ailleurs avec la pâleur de son visage.

Quand s'était-elle ainsi blessée ? Et comment ? Il ne discernait aucune blessure.
Avait-elle vomi son sang ?

Etait-ce au moins son propre sang ?

Une terrible intuition l'envahi, mais il se contrôla, restant stoïque… Ou du moins essaya-t-il.

Il ne devait rien laisser paraître.

Quand elle eut fini, elle le regarda.

Elle lui dit son nom.

Puis entreprit de laver ses propres mains, comme si son sang était un poison.

Il mit de côté ces derniers détails pour porter une main courbaturée sur sa mâchoire, et sentit plusieurs entailles profondes, comme... Des empreintes de dents.

Il porta de nouveau son regard sur ses lèvres teintées.

Il comprit.


Enfin, elle s'éloigna.

De nombreux sentiments se mélangeaient dans son esprit, ses pensées s'entremêlaient.

C'est pourquoi il se mit à les ignorer.

Son éternel sourire réapparut de nouveau sur ses lèvres.

Il ne contrôlait pas la situation. Il était le dominé.

Mais d'un certain côté, il s'en fichait.

Plus de questionnement, plus de doutes, plus de pensées parasites.

Il ré adopta cette attitude insolente, sa carapace qu'il n'aurait jamais dû quitter, sa protection contre lui-même et les autres.

Ainsi, malgré la souffrance, la honte, la colère, les nombreuses interrogations et surtout, la peur qui bataillaient au fond de lui, il dit, simplement:

Enchanté, je me nomme Eäril.

Puis, continuant de caresser la morsure qu'elle lui avait faite à sa mâchoire, ajouta, avec une grimace à peine simulée:

Dis, tu as de sacrés vices toi, hein ?
Répondre
#20
Elle essuya ses doigts dans le tissu de sa robe à plume pour finalement pousser un léger soupire. Son dos lui faisait encore mal, comme ses épaules et sa nuque d'ailleurs. Elle avait dormi loin de Goupil. Elle savait pourtant que les démons la chassaient toujours quand elle était trop loin.

Elle jeta un regard vers le cœur de la forêt. Il n'y avait plus personne autour d'eux. Il n'y avait même plus de tréant… Il n'y avait plus rien d'humains ou d'animaux. Il n'y avait plus rien du tout.

Ils étaient seuls.

Elle était peut-être la seule à l'avoir remarquer, ou alors le savait-il ? Peut-être qu'il en faisait partit, lui aussi ? Son ventre se serra et elle lui jeta un petit regard, sursautant alors qu'il parlait. Eäril. Eäril. Ce n'est pas le nom que l'on donne au diable…

Elle ravala sa salive, alors que ses yeux passaient sur son visage, s'accrochaient à cette morsure aussi infâme que sale. Elle eut un sourire, sans pouvoir s'en empêcher.

Des vices ? C'est comme ça que tu appelles ça ?

On ne lui avait pas vraiment appris la frontière entre le bien et le mal. Elle se souvenait vaguement d'avoir entendu Goupil en parlait, une fois. Puis la seconde d'après, elle avait suivi d'elle-même un esprit qui chantait. C'était lui qui lui avait montré la couleur du sang.

Nourris-moi…

Elle se racla la gorge, penchant la tête pour mieux voir l'étrange morsure qu'elle lui avait faite, avec un sourire amusé.

C'est une morrsurrre. C'est une cicatrrice.
C'est pourr montrrer aux autrres que tu es à moi.


Elle replongea son regard bleu dans sa besace alors qu'elle triait à vue d'œil le peu de chose qu'elle avait emmené. Quand elle disait les autres, elle imaginait surtout Goupil, mais à la vérité, ils étaient tous les deux véritablement seuls ici.

Est-ce qu'ils étaient seulement encore dans Korri ?

Elle reporta son regard céruléen sur l'étrange personne :

Eärrril…

Elle le fixait alors, et pendant une fraction de seconde, elle n'était plus ici, ni ailleurs. Elle était intemporelle. Mystique. Puis de nouveau. Elle cligna des yeux et son sourire s'agrandit, bêtement, alors qu'elle détournait le regard.

Tu n'as pas à avoirrr peurr… Je ne vais pas te manger.

Elle referma sa besace, sans rien avoir à trouver à grignoter.

Pas encorre…

Elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille.
Pourquoi est-ce qu'elle pensait à sa chair ? Elle serra les dents. Non…
Répondre
#21
Me manger ? Malheureusement pour toi, je pense être trop coriace pour être comestible.
Cependant... Cela ne semble pas t'empêcher de me trouver "à ton goût".


Il passa une nouvelle les doigts sur la morsure: ne pas voir l'état de cette dernière l'irritait et l'inquiétait, mais il n'en laissait rien paraître.

Il l'observa fouiller dans sa besace, puis la refermer sans rien en ressortir, visiblement déçue.

Ca dernière remarque lui indiqua, même si c'était par le biais d'un humour noir et glauque, qu'elle avait faim... Et à cette pensée, son ventre en profita pour le rappeler à l'ordre.

Lui aussi... Mais il n'était ni en état de chasser, ni en état de retourner à Jada.

Il devait auparavant récupérer, au moins suffisamment pour guérir ses blessures avant l'infection à l'aide de la magie de son peuple, et ce au moins jusqu'à rencontrer un guérisseur.

Attrapant sa gourde et la débouchant, il but pour étancher sa soif et calmer la brûlure de sa gorge, tout en lançant entre deux gorgées, d'un ton tranquille :

Alors comme ça, je suis ton esclave à présent ?
Répondre
#22
Elle l'écouta sans tourner la tête. Un petit « humph » amusé sortit de ses lèvres sans enthousiasme. A son goût. Qu'est-ce qui ne l'était pas ? Ou plutôt : qu'est-ce qui l'était ?
Elle lui jeta un regard et pour la première fois détailla véritablement l'individu.
Son esprit pour autant était mécanique, ne reprenait que les détails grossiers d'une anatomie qui, somme toute, l'était aussi. Un mâle. Cheveux noirs. Yeux… Yeux clairs, aussi. Mais sombres à l'intérieur. Un magicien. Un sorcier plus exactement… Peut-être un druide.

Elle détourna finalement le regard, avec un sourire amusé. Un druide. Alors ça ce n'était pas banal… Un druide et un chaman, poursuivis par des démons sans noms. Voilà qui était ironique. Korri se jouait d'eux. Korri était sans pitié avec les faibles. Pensait-elle qu'ils l'étaient ?

Elle reposa ses yeux bleus sur Eäril comme il trouvait encore le moyen de parler.

Tu n'es que ce que tu as envie d'êtrrre.

Son sourire se fendit, large, insolent au possible, avec cette petite pointe malsaine de l'orgueil.

Mais si tu poses la question, déjà, c'est que tu as accepté ta condition.
Alorrrs oui, tu es mon esclave, Eärrril.


Tu boââ mon eau, tu as ma morrrsure sur la gueule, tu me rrregarrrdes, tu m'as offerrrt une fleurr.

Elle s'arrêta une seconde de parler, puis eut un petit rire, un peu fou, sale.

Tu es clairrrement mon esclave.
Tu tues même les prrroies pourr moââ.


Elle attrapa les restes de la fleur de mana et l'accrocha de nouveau à ses cheveux.
Elle était toute chiffonnée, mais c'était le cas de leurs deux âmes.
Répondre
#23
Il se tut durant quelques instants, observant la jeune femme sans ciller.

Puis il se mit à éclater de rire.

Longtemps.
Très longtemps.

Etait-ce un rire sincère ? Un rire moqueur ? Ou un rire nerveux ?
Aucune idée.

Toujours est-il que la situation le faisait rire à lui en faire mal, rire à l'en faire pleurer.

Riait-il de Quoth ? Ou de lui-même ?

Non.
C'est d'eux deux dont il se moquait.

Ils étaient si pitoyables, si misérables...

Ce n'était pas si étonnant que la société les rejette. Quelle utilité avait-elle de pareils rebus ?
Aucune.
Même pas pour la servir, ou pour la distraire.

Ce n'était que des détritus. Oui, des déchets qui n'ont jamais eu d'utilité et qui n'en auront jamais.


Ils étaient si proches, et à la fois si distants.
Si semblables, et si différents.

Il voyait bien que tout ceci n'était que le début d'un jeu, un jeu mortel, dont tout était incertain.

Elle attendait qu'il rentre dans son jeu.

Il ne connaissait pas précisément ses raisons, mais les discernait vaguement.

Par contre il y avait une chose qui le dérangeait. Une seule.

L'impression que la corbeau n'avait aucune idée de ce que où tout cela allait les mener, ni même si elle faisait ça consciemment ou non.

Voyait-elle qu'en faisant de lui son esclave, elle se condamnait en retour et définitivement à être son esclave à lui ?

Se rendait compte des risques et de l'absurdité de la chose ? Etait-elle aveugle ? Stupide ?

Avait-elle une sorte de plan et le dissimulait en jouant aussi bien la comédie ?

Ou se risquait-elle vraiment à vouloir jouer à un jeu dont elle ne maîtrisait pas les règles ?


Elle était folle.

Presque aussi folle que lui.

Tout ceci n'allait rien apporter de bon.

Et pourtant et pour la première fois depuis longtemps, Eäril se sentait presque heureux.

Il allait rentrer dans le jeu de la Corbac, qu'importe les conséquences et l'issue.

Cela redonnait un sens à sa vie, du moins pour un temps.

Et surtout, il était intrigué, intrigué et fasciné par quelque chose chez Quoth qu'il ne comprenait pas, mais dont il avait néanmoins la certitude que s'il arrivait à en déjouer les fils retords du mystère et à en dévoiler la vérité, il découvrirait également une partie de la vérité sur lui-même.

Il accepta donc. Accepta de signer ce pacte vicieux et sans fin qui à présent les liait.

Pour le meilleur... Et surtout pour le pire.



Il ria encore pendant de longues minutes encore, puis dû s'arrêter, tant sa poitrine lui faisait mal.

Des larmes coulaient de ses yeux sous l'effort et la douleur.

Il se calma peu à peu, mais gardait un immense sourire, et une étrange lueur dans les yeux.

Une fois qu'il eut repris sa respiration, il dit avec raillerie:

Bien… je suis ton esclave !

Alors que faisons-nous à présent, maaaaaaaître ?
Répondre
#24
Il riait, mais son rire avait un relent de désespoir profond.
Elle le connaissait ce rire. A une époque, elle avait eu les mêmes.

Quoth, ta famille t'a donnée à nous.
Ta famille ne t'aime pas. Ta famille t'a abandonné.


Elle avait appris à en rire. Désespérée. Mais elle avait ri. A chaque fois.
Chaque coup de couteau était devenu un rire, et puis à force de la frapper, elle avait fini par ne plus rien sentir. Elle eut un sourire tendre sur le moment, mais caché, tournant le dos pour ne le garder que pour elle.

Il y avait quelque chose dans son sourire.
Pas de désespoir. Pas de peine.
Pas de pleurs.
Pas de souffrance.

Quoi alors, Quoth ? Quoi ?

Plus de peur, plus de haine, plus de colère.
Joie. C'était le mot ! Joie ! Elle releva les yeux, brillants, et regarda l'intérieur de la forêt qui semblait plus clair que quelques secondes avant. Pourquoi ? Elle l'ignorait. Mais elle commençait à se douter que ce qui les avait assemblé tous les deux voyait plus loin encore qu'elle.

Elle reposa ses yeux sur Eäril quand il commença à s'étouffer, l'observant d'un regard neutre de nouveau, presque dépité.
Pouvait-on être bête au point de rire à s'en étouffer ?

Il y avait quelqu'un qui avait dû mourir de rire, un jour.
Ça ne risquait pas d'être elle…

Elle le fixa, et eut un petit rire finalement, clair et bref, tout le contraire du sien.
Ça ressemblait même presque à un vrai rire !

Débarrrasse-toi de ce que tu porrtes de plus lourrd.

Elle le fixait, et ses yeux ronds formaient comme deux lunes bleues sans tâches.
Son sourire était goguenard. Rieur.

Moqueur.
Répondre
#25
Il prit la réplique avec un sourire carnassier.

Trop prévisible.

Et répondit sans délai:

Rien ne me ferait plus plaisir, mais tu m'en as empêché il y a quelques heures alors que je m'apprêtais à le faire.

Il va donc falloir que j'attende que tu ais le dos tourné pour pouvoir exécuter ton ordre.
Répondre
#26
Elle le fixa sans baisser les yeux une seule seconde, avec un sourire tendre et doux à la fois.
Ça ne lui ressemblait pas du tout, mais elle tenait bon.

Un masque contre un masque.
Il n'avait qu'à jouer découvert.

De ton âme ?
Tu aurrrais prrréférré mourrrir ?


Elle pouffa de rire, mais c'en était moqueur de nouveau.

Allons, allons.
Prromis, je prrendrrais grrrand soin de ton âme et de tout le rreste…


Après tout, s'il voulait jouer sur le vague, il n'avait qu'à bien se tenir.
Le sourire insolent de la gamine aurait tenu tête à un troll adulte sans le moindre mal.

Il avait après tout tenu contre un centaure.

Active-toââ. C'était un orrdrre...

Elle se moquait gentiment, le fixant de son regard d'azur.
Un sourcil relevait, d'un air de dire : allez.
Répondre
#27
Sa première ruse ne fonctionnait pas.

Bien.

Il n'avait qu'à passer à la seconde.

Si tu insistes, dit-il en soupirant.

S'appuyant sur sa ramure de cerf et l'arbre qui jusqu'alors l'avait retenu, il se redressa péniblement, pour finalement se mettre debout, face à la Corbac.

Puis soudain, sans crier garde et sans la moindre gêne, il commença à se déshabiller.
Répondre
#28
Elle le fixa, et eut un sourire en coin, fin, amusée, de plus en plus.
Puis finalement, sans crier gare, elle éclata de rire, un rire furieux.

Elle retomba sur les fesses et rit, rit comme ce n'était plus possible pour elle de rire depuis son enfance. Elle posa sa main sur ses yeux, et détourna le regard, tenant toujours sur ses yeux sa main.

J'ai vu, j'ai vu. Tu peux tout rrremettrrre…

Un petit rire ponctua finalement ses lèvres alors qu'elle écartait un doigt pour le remettre aussitôt, tournant le dos, l'air gamin. Elle n'avait pas eu la chance – la volonté ? – d'expérimenter ce genre de vice.
Etrangement, elle n'était pas déçue de son choix.

Tu es complètement fou…

Un petit rire, finalement, qui lui arrêta tout.
Elle s'arrêta et son visage retomba, stoïque, et elle soupira. Elle était fatiguée.
Elle avait peu ri, mais ça semblait être si défouloir que ça lui aspirait finalement toute son énergie.

J'espèrre que c'est à cause du frrroââ… sinon il va falloirrr aller voirrr un guérrrisseur…

Un nouveau rictus moqueur déforma son visage alors qu'elle ramenait à elle sa besace.
C'était gratuit. Complètement gratuit.
Répondre
#29
Le rire de la corbeau ne le perturba en rien.

Au contraire.

Une fois qu'il fut totalement dénudé et qu'il eut apprécié le souffle frais du vent soufflant sur sa peau nue, il s'avança vers Quoth d'un pas.

Puis d'un autre.
Et encore un autre.

Il accéléra sa marche vers la corbeau, pour se mettre finalement à courir vers elle.

Arrivé à seulement quelques pas de la jeune femme, il murmura quelques chose.

Soudain, son corps se recouvrit de poils, et il se mit à grandir, grandir !
En quelques battements de cils, il se transforma.

Mais la métamorphose ne l'arrêta pas dans sa course, et c'est à présent sous la forme d'un gigantesque ours au pelage brun foncé et à la musculature impressionnante qu'il parcouru en quelques foulées seulement la distance qui le séparait du corbeau... pour s'arrêter in extremis devant elle dans une projection de terre et de pierre.

Se dressant alors sur ses deux postérieurs, il se redressa, majestueux et terrifiant à la fois, et tendant sa gueule vers la Corbac, poussa un rugissement féroce et puissant qui résonna à des lieux à la ronde.
Répondre
#30
Il allait s'écraser contre elle.
Il allait s'écraser contre elle, et peut être qu'elle serait déchiquetée. Par ses crocs.

Peut-être qu'elle allait mourir. Ce soir ?
Un sourire ravi patina sa face.
Peut-être ce soir.

Elle l'observa, et l'ours immense allait bientôt cogner. L'impact était proche.
Séduite par l'idée, elle ferma les yeux et releva le menton comme prête à s'abandonner.

Il n'y a pas de maître sans esclave, pas d'esclave sans maître, mais plus précisément, il n'y a jamais de peur sans chose que l'on aime. Pouvait-elle avoir peur de mourir ? Non. Car elle n'avait rien.
Si elle tenait encore debout, c'était uniquement par choix.

Et ce n'était pas ce même choix que l'esclave allait rester esclave. Ce même choix qui allait les tuer tous les deux. Elle rouvrit les yeux sur le druide. Eäril avait doublé de taille, de toute part. Aussi grand que large. Aussi effrayant qu'imposant.
Pour autant, même le visage balayait par son haleine, elle ne cilla pas.

Il était druide, oui.
Mais elle était chamane.

Elle leva la main et la passa sur la truffe de l'animal.
Derrière ce corps frêle et sans aucune défense digne de son nom se cachait pourtant un quelque chose, un cœur fait de magie, un cœur qui n'attendait qu'à dévoiler sa véritable puissance.

Un grand crac se fit entendre mais il venait du sol.
La terre commença à se fissurer sous leurs pas, et enfin tout s'éclata comme des dizaines de cicatrices. La terre allait saigner comme Eäril avait saigné. Elle se mordit la lèvre inférieure dans une expression aussi sombre que malsaine.

Un deuxième grand crac plus fort eut bientôt finit de répandre l'onde de choc qu'elle venait d'incanter. L'ours se retrouvait plus bas dans la terre de vingt bons centimètres, la motte de terre ayant cédé. Un peu plus et ses pattes se prenaient dans les fissures du monde – comme son âme.

Les yeux de la chamane brillèrent de nouveau, et finalement tout autour d'eux, sans la moindre difficulté, il y eut le feu.
Un grand cercle de flamme, parfaitement circulaire, se mit à rougeoyer et les flammèches dévorantes grimpèrent le long des arbres pour dévorer d'un appétit avide les cimes les plus hautes.
Les langues serpentines s'approchèrent des deux individus mais un mur invisible semblait empêcher leurs avancées. Elles allaient dévorer la forêt entière.
Elles allaient détruire Korri, ou tout du moins une partie.

Et Quoth n'en avait rien à faire.

Elle fixa l'animale.

Ose encorrre une fois, et je t'arrrache chacune de tes dents à la main…

Son ton ne laissait pas place à l'ambiguïté.
C'était un ordre. Un vrai cette fois-ci.
Répondre


Atteindre :