Halista Némaël
#1
Il était une fois... Mmmhh. Disons plutôt qu'il était pour la n-ième fois, un... une créature sans son corps ou plus simplement un esprit vagabond qui avait emprunté bien des enveloppes charnelles tant miniatures et sous-terraines que géantes et aériennes.
Ce pauvre esprit, donc, ne savait plus vraiment qui il était exactement, et voilà que les choses tournaient une nouvelle fois autour de lui a toute allure.
Les années s'étaient muées en mois, les mois étaient devenus des semaines, les semaines des jours, les jours de fugaces étincelles de soleil, trop courtes pour glaner une âme charitable point trop chamboulée par le charivari de ce flash stomboscopique d'alternances diurnes et nocturnes, trop longues pour espérer que cette succession hallucinogène d'images ne mène vers une nouvelle vie trépidante.

Finalement il trouva une grange a foin, certes un peu trop haut-perchée a son goût, vu qu'elle était au sommet d'un arbre (fait plutôt curieux pour un fenil) mais grange dont le foin de lin servait présentent de nid d'amour a un couple enlacé, ce qui faisait bien son affaire.
Au premier souffle du mâle, l'esprit s'engouffra dans la bouche ouverte qui cherchait à ne pas suffoquer, s'enfonçant sans heurt, chakra après chakra, passant si près de la petite bourse que la menue monnaie qui s'y trouvait devint toute frétillante.
Après s'être choisi un champion en lui offrant sa clé, l'esprit attendit patiemment, lové dans cette arche de Noé improvisée.
Attente, mais pas que. Il fallait aussi prendre la mesure pour la seconde phase. L'action.

Cri. Après le dernier souffle de la damoiselle, l'esprit se laissa emporter tout d'abord par le fleuve tumultueux, mais bien vite il décida de se saisir des rênes, et d'aider le rudimentaire véhicule a trouver son chemin parmi ses autres compagnons de galopée.

Droite ou gauche ? Il advient facilement que l'on se trompe sans un guide, mais à l'inverse c'est une question facile quand on peut se promener sans complexes ni contraintes et connaître la donne d'avance. Bref, pour un esprit la question ne se posait même pas. Il savait.
Il n'y avait guère de concurrence, aussi arriva-t-il parmi les premiers. Dernier réglage, aller
visiter l'oeuf et placer la serrure patiemment imprimée dans son Chi pendant que la flagelle de son fidèle destrier parcourait les derniers pouces tel un automate.

Quel tricheur, se dit-il, mais tous les autres esprits faisaient pareillement, il n'avait pas à s'empourprer. Ainsi va la vie de la conscience, confiance ultime entre deux êtres, beaucoup de mécanique et un petit coup de pouce pour la forme.

Et voila déjà que son champion entrait a son tour dans l'arène. Désossé, dépouillé, ne restait que le trésor, sac de noeuds enfermé cette fois dans un nouveau coffre, plus spacieux... et plus féminin.
Plus un souffle.


- Tu m'aimes ?
- Non, c'était juste pour t'essayer.
- Hu...rgle ! Espèce de... je vais te...
- J'décoooonne !! Arrête avec cet arc ! Hé ! Repose-le ! Alleeez ! c'était de l'humour de nain. Bien sûr que je t'aime. Et qu'on aura plein d'enfants. On a l'éternité devant nous pour en faire, on peut recommencer tout de suite si tu veux.
Il soupira et son sourire coquin disparut. Mais là il faut vraiment d'urgence que je retourne au camp, et c'est pas des nains qu'on va se taper, je ne vise personne, suis mon regard. Ce fut la dernière fois qu'elle entendit le son de sa voix. Il avait tourné ses yeux vers le désert du sud.

Ainsi naquît quelques mois plus tard et dans un foin d'un lin quasi identique, le sylvain Swann du Viel'Aulne Noueux, fils de la belle Betula la Pourpre et orphelin de père, trépassé lors d'une escarmouche avec les Hélions au lendemain de la conception.
Il devint d'ailleurs rapidement orphelin de ses deux parents, sa mère ayant eu l'idée de vouloir aller venger le père, en tournant le regard dans la même direction. La différence notable était peut-être que le premier s'était perdu avec une escouade au grand complet et que les morceaux de son corps tailladé par un sabre avaient été retrouvés, alors que la seconde avait simplement été « portée disparue par delà la Loreline», ce qui était une image pour signifier qu'elle n'avait peut-être pas eu la chance de mourir.

Et l'on comprend ainsi que durant ses années de jeunesse, Svann ait été profondément torturé par une seule question : sa mère était-elle décédée ou devenue esclave dans l'un des harems de Babylios, pourquoi son père était-il mort alors qu'il était immortel, pourquoi Halista avait-elle laissé un tel destin funeste faire son chemin dans sa famille, pourrait-il un jour oublier cette malédiction qui s'était abattue sur lui, devait-il se venger ou pardonner, d'eux ou d'elle, quelle était sa voie...

Il n'avait pas le sommeil facile.
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