Histoire de famille
#1
(HRP / Note : cette histoire à été rédigée en duo bien avant la sortie du BG Homme bête officiel, les maisons et autres édifices ne sont que de vulgaire casemate de bois et de chaume, quant au Manoir des Goupil, il s'agit plus d'une ruine aménagée, appelée Manoir pour la frime, qu'autre chose vu qu'elle est plus grande que les autres habitations classique homme bête.Les Goupil n'y habitent que depuis quelques générations.)

Le manoir de la famille Goupil est une propriété tape-à-l'œil, mais ravagée par le passage du temps et des intempéries. De nombreux bustes, tableaux et autres tapisseries ornent les différentes pièces, mais il est facile de remarquer que l'argent ne coule pas (ou plus) à flot.

Certaines fenêtres sont condamnées, quelques pans de murs externes sont recouverts d'une mousse brunâtre et la plupart des pelouses vallonnées qui entourent la propriété tiennent plus du marécage que du jardinet

Cependant, il règne toujours à l'intérieur du manoir une tiédeur agréable et des odeurs de cuisine
qui rendent la propriété relativement chaleureuse et confortable.

Le personnel y est présent en nombre réduit, des domestiques d'un âge avancé s'occupent principalement de tenir en ordres les lieux, d'assurer la propreté des différents trophées familiaux et de préparer des repas issus de la chasse (gibier dont la tête finira bien en évidence dans le grand salon).

Dans cette atmosphère douillette habitent les quartes membres de la famille Goupil. Sélène, la matriarche veuve, Emmett l'oncle banquier, Lisica la jeune fille à marier et Reinhard le cadet à la tête dans les nuages.

Souvent dans le bureau de son défunt mari, Séléna Goupil, grande rousse, sévère, élégante, rédige plusieurs dizaines de lettres chaque jour pour communiquer avec ses différents contacts au travers de la haute société.
On l'a dit sérieuse, ennuyeuse, langue de vipère et sans cœur, mais efficace et plutôt bien conservée pour sa quatrième décennie.

Son frère aîné, Emmett, le plus souvent en ville ou à la chasse, à la réputation d'un banquier juste et respectable. Un monocle constamment accroché à l'orbite, une carrure imposante et un blanc immaculé recouvrant ses cheveux et ses favoris. En vérité l'oncle est un rustre, un monstre en costume qui cumulent les meurtres sadiques, les viols et les avances peu discrètes envers sa nièce.

Sélèna étant la seule personne ayant de l'influence sur ce dernier, Emmett évite donc de s'en prendre de manière trop cruelle envers ses enfants. Ce qui ne l'empêche pas de leur imposer une présence et des événements ponctuels tintés d'une bestialité sanglante enrobée dans le papier glacé de bienséance et des traditions familiales.

Lisica, à peine adolescente se révèle être d'une adresse sans pareil à l'épée à deux mains, au grand dam de sa mère préférant voir en celle-ci un futur accord avec d'autres familles aux revenus plus respectables.

La jeune fille, garçon manqué et pas très bavarde préfère ignorer les membres de sa famille et planifie en secret la fugue qui la libérera de ses obligations et de son oncle.
Aussi grande que sa mère, elle porte toutefois la couleur de cheveux de son père, à savoir un châtain particulièrement brillant.
S'entraînant le plus souvent dans la cour du manoir, Lisica révèle ses dents lors de très rares sourires qui accompagnent généralement la démolition d'un mannequin d'entraînement (et provoque au passage un soupire exaspéré de sa mère). En revanche, elle est celle de la famille qui recourt le plus souvent à son totem dans ses activités journalières et prétend être bien plus à l'aise avec de la fourrure.

Enfin, Reinhard, âgé de 5 ans, passant la plupart du temps à roder à l'extérieur de la maison. Il préfère la tranquillité de la forêt dense entourant la propriété ou il grimpe dans les arbres les plus hauts pour y lancer des cailloux sur les bêtes ou les hommes qui auraient le malheur de passer en dessous.
Aussi roux que sa mère (mais ça ne se voit pas à cause de la saleté) un sourire malicieux souvent posé sur ses lèvres quant on ne le regarde pas.

Ignorant les ordonnances de sa mère, il est bien souvent couvert de terre et de feuillage. Ainsi méconnaissable il ère parfois en ville en se faisant passer pour un orphelin, dérobant les sucreries, les piécettes qu'il pourrait bénéficier chez lui.

Aussi, il est bien souvent raccompagné au manoir, pendu par l'oreille à la main de son oncle, criant au scandale devant sa mère.

Pas spécialement mauvais, Reinhard est espiègle et taquin avec ceux qui le côtoient. On le prend souvent à espionner aux portes, à grimacer devant les miroirs et à dessiner sur les murs de sa chambre (les domestiques y perdent un temps fou).

Se rajoute à cette patentée une nouvelle tête, Victor Hobbes un tuteur dont la famille aborde le totem du loup, ayant pour objectif de dresser et d'entraîner Reinhard aux armes qu'il choisira.
Ce personnage, de taille moyenne, noir de peau et relativement svelte est un maître d'armes à l'épée courte. Rapide, courtois, pausé et porté vers la spiritualité des totems, il médite en silence dans la chambre qui lui est accordée quand il ne cherche pas Reinhard.

Pour terminer cette énumération, ajoutons la présence du grand-père Grizly, uniquement connu sous le nom de son totem, ami de longue date du défunt père Goupil, ridé, fripé jusqu'à l'os et barbu jusqu'au pied. L'ancêtre est teigneux, geignard, mesquin, grippe-sou et franchement désagréable. Toujours affublé d'un lourd manteau de fourrure familial, quand il n'est pas prêt d'un feu à dormir il grogne sur ceux qui ont l'audace de croiser son chemin et de ne pas apporter de l'argent à la famille Goupil dont il partage les fonds financiers.
C'est dans ce cadre familial que démarre la journée d'anniversaire de Reinhard, le ton est sévère entre les habitants du manoir, car tous savent qu'ils devront se rassembler dans une même pièce et faire preuve d'un soupons de cohésion. Aujourd'hui les corbeaux vont venir offrir l'un de leurs enfants pour combler une dette aussi vieille que les deux familles. L'enfant corbeaux servira l'héritier renard jusqu'à sa mort.

L'oncle a sorti sa plus belle arbalète et la nettoie, adossé à un mur, d'un air confiant, lissant les rouages, tendant la corde, aiguisant ses carreaux.

Lisica trépigne et fulmine dans une robe qu'elle déchirera d'un seul geste à la fin de la journée. Elle songe avec un sentiment amer à son épée qui repose inutilement dans un coin de sa chambre et lorgne discrètement du coin de l'œil Victor. Le maître d'armes concentré, qui contemple à son tour, par la fenêtre, le sentier où sont supposés arriver les membres de la famille du corbeau.

Près du grand feu, Grand-père Grizzly réfléchis en silence en jugeant du regard Sélène Goupil qui, assise dans un grand fauteuil, semble lire paisiblement un ouvrage sur les traditions familiales.

Quant à Reinhard il est enfermé dans sa chambre, gravant sur un mur au couteau ce qui ressemble à un renard mangeant un poulet.

Dans le grand salon, une voix s'élève et tout le monde tourne les yeux vers le maître d'armes :

- Les voici
Répondre
#2
L'Oncle était mort. On le leur avait renvoyé enroulé dans un linge noir, à moitié pourri, porté par deux domestiques peu débrouillards. Arrivé chez les Corbic, le pauvre Orru était déjà purulent et le bide rempli de vers. Il avait fallu aussitôt ériger un bûcher et l'allumer pour qu'une épidémie ne démarre pas dans la forêt.

La petite famille Corbic s'était alors rapproché, curieuse de ce que cette fois-ci les Goupil oseraient leur demander en échange de leur tranquillité, puisqu'Orru était mort et que sa disparition allait demander réparation. Le Conseil des Corbics était nombreux. Les deux plus anciens Corbic étaient Munin et Hugin. Ils étaient les plus grands et les plus fiers, pourtant comme les autres ils avaient payé le prix des Goupil et leur avait offert leur frère aîné comme esclave d'une vie, Reafan, qui s'était très vite donné la mort.

Ils avaient alors donné le pauvre Orru, à peine âgé de six ans, pour satisfaire aux besoins de la maison – c'était le fils aîné de Munin – et toute sa vie durant, il s'était plié en quatre pour assouvir tous les penchants de la maison dans laquelle on l'avait envoyé. Maintenant qu'il était mort, c'était à la nouvelle génération de payer le prix. Mais qui allait-on envoyé puisqu'une seule petite chose était née et se trouvait encore toute fragile ?

« Nous n'allons quand même pas leurrr envoyer ça… »
« Ils le mangeront aussi sec et nous accuseront de leurrr avoir envoyé un mauvais lot. »


Les Corbics se regardaient en silence, perplexe. Fallait-il ou non ? Ils l'ignoraient. Les deux anciennes Corbic, Morrigan et Mellori, n'avaient que peu de sentiments. Elles avaient envoyé leur enfant, elles n'hésiteraient pas à envoyer leur petits-enfants dans les bras de ces chacals. Cependant, la mère de l'enfant, elle, ne semblait pas du même avis. Le père de l'enfant se donnait volontiers, mais les Anciens semblaient d'un autre avis.

« Les Goupils apprrendrrront son existence, et ils viendront cherrrcher l'enfant de force. »
« Qui plus est, ils ont un garrrçon, un hérritier, de cinq ans, alors… »
« C'est horrrs de question ! » persifla Lenore, la mère, la mine furieuse.
« Mais enfin, réfléchissez donc petite sotte : votre marrri, vous en avez un, mais votre enfant, vous en aurrrez d'autres ! »


Albus ne répondit pas. Il savait que les choses se passaient comme ça depuis le jour maudit où le premier des Corbic était tombé aux mains d'un Goupil et qu'il lui avait juré on-ne-sait-quoi sur on-ne-sait-quelle-raison, et voilà où ils en étaient aujourd'hui, à se comporter comme de véritables charognards.

« Donnez-leurrr Grrrip ! » hurla Lenore « c'est un garrçon qui plus est, il serrra forrt à la tâche ! »
« Mais il n'a que deux ans, que ferrrez un garrrçon de deux ans dans ce manoârr de malheurr ? »
rétorqua Haïda.

Les deux jeunes mères se fusillèrent du regard, aucune ne voulant laisser son bambin partir.
D'un côté, les quatre anciens – Hugin et Morrigan, Munin et Mellori – semblaient d'avis d'y envoyer le rejeton aîné. De l'autre côté, le fils cadet de Hugin semblait lui d'avis d'y aller à la place de son enfant ; sa femme d'y envoyer le rejeton de sa sœur mais également la cousine de son mari, et à l'inverse, la cousine d'y envoyer le rejeton de sa sœur et donc … c'était un beau gros bordel.

« Il va falloârr se décider. L'invitation est pourrr dans deux jourrrs. »

Il y eut un long silence. Tout le monde attendait que l'une des deux se décident, mais à la vérité, plus le temps passait, plus le pauvre petit cœur de Lenore battait vite et furieusement.

« Donnons-leurr Quoth. » prononça lentement le mari de Lenore, Rowley, unique héritier de Hugin puisqu'Orru était mort « donnons-leurr ma fille, notrre… notrre trribut. »

C'était une chose douloureuse. Lenore le fixa, et derrière les plumes noires qui parsemaient ses cheveux, ses grands yeux violets semblaient rugir mille insultes. Elle tourna les talons en hurlant et partit rejoindre sa fille pour la chérir. Rowley, lui, ne cilla pas. Il était grand, plus grand que les Corbics, et ses cheveux noirs lui donnaient l'air déjà mort. Une peau pâle, ses grands yeux rouges brillaient d'une sombre lueur.

« Tu fais le bon choix Rrrowley » félicita Munin, mais l'air réprobateur du père coupa aussitôt le vieux corbic dans son élan.
« C'est un trrès mauvais choix, mais c'est encorrre le moins pirre. »

Les yeux rouge sang de Rowley balayèrent la petite assemblée de Corbic et finalement tourna le dos. Il rejoignit lentement Lenore qui caressait les joues de la petite Quoth en pleurant des larmes lourdes et rondes, inconsolable. Quand elle remarqua son mari, elle se crispa et serra contre elle, aussitôt, l'enfante, pour qu'il ne la lui arrache pas. L'homme ne bougea pas davantage, regardant, le cœur brisé, la scène.

« Ne me l'enlève pas, pitié, Rrrowley… mon amourrr… »
« Tu sais trrès bien que l'on a pas le choix. »
« Nous avons toujourrrs le choix ! »


Elle le fixa, puis baissa les yeux. Jamais elle n'avait levé la voix sur lui, et pourtant elle perdait son sang-froid, et à juste titre. Quoth regardait sa mère, puis son père, encore endormie comme il était tard, et elle ne comprenait pas vraiment pourquoi tout s'agitait comme ça, au beau milieu de la nuit. Etait-il l'heure d'aller s'habiller ? Rowley approcha du lit de branchage, rudimentaire, qu'ils avaient installé en haut d'un arbre, très haut dans le ciel. Plus bas était un charnier – c'était la meilleure place qu'ils auraient pu avoir dans la forêt.

« Pourquoi ne pas envoyer Grrip… c'est… » Lenore reniflait « …c'est un garrçon… c'est un garrrçon… »
« Un enfant de deux ans, Lenorrre. »
Rowley se posa doucement au bord du lit et attira contre lui le petit oiseau dans une robe couleur nuit qui lui servait de fille, la sentant frissonner à cause du froid. « J'aime Quoth, je l'aime vraiment Lenorre, car il s'agit de ma fille, mais rregarrrdons les choses en face : nous n'avons pas le choix. Nous avons toujourrs marrrché ainsi, ce doit être l'aîné de la générration qui doit s'offrrir aux Goupils. C'est de la folie de vouloirr fairrre autrrement. »
« C'est de l'amourrr… »
« Non, de la folie. »


Rowley la fixa et ses yeux rouges étaient peinés qu'elle ne puisse comprendre qu'il avait beau aimé son enfant, il savait qu'elle en sauverait d'autres comme eux. Il serra contre elle la Corbic et embrassa son front.

« Quoth perrmettrra à Grrip et à d'autres enfants Corrrbic de vivre sereinement, dans la paix et l'ignorance. » Les yeux rouges du corbeau se fixèrent dans ceux violets de sa femme. « Ne crrôa-tu pas que ce soit pour le meilleurr que nous faisons cela ? »

Lenore se tu. Elle savait qu'il avait raison.

Deux jours plus tard, c'est Rowley seul qui apporte l'enfant. Bien sûr que partout ils se sont proposés, traditionnellement, pour apporter l'enfant, mais il ne supporte pas de voir leur sourire satisfait de voir Quoth dégager. Lui a la mort dans l'âme, alors c'est seul qu'il amène l'enfante au pilori.

« Je vais y rrester trrès longtemps alors ? »
« Trrès longtemps oui… »
« Il y a un petit garrrçon comme moi ? »
« Oui c'est ça Quoth. Un petit garrçon, un rrenard. »
« Moâ j'aime pas les rrrenards. »


Il a un petit rire quand il voit la moue qu'elle esquisse, mignonne et adorable comme une enfant de son âge. Quoth ne se rend sans doute pas compte qu'elle va y passer toute sa vie, mais il a confiance en elle, il sait qu'au plus profond de ses entrailles, elle a la force qu'il n'a jamais eu, le courage et la ténacité, qu'elle résistera.
Que Quoth est peut-être leur solution.

« C'est… quoââ ? »
« Un manoârr. »


La petite Corbic repousse d'une main rapide les plumes qui lui tombent devant les yeux pour scruter de ses deux billes rouges les pierres de la bâtisse. Elle n'a jamais rien vu de telle, car dans la forêt, on ne vit pas ainsi. Elle penche la tête, curieuse un instant, puis frissonne quand ils approchent doucement. Elle tire sur la manche de son père qui soupire mais se penche et vient attraper le petit oiseau maigrelet contre son torse, la portant.
L'atmosphère est malsaine, et il ne l'aime que trop peu pour comprendre ce que la petite doit ressentir.

L'air de Rowley est noble, droit, assuré. Il a le visage fermé, mais ses yeux rouge et ses mèches noires ne rendent que plus impressionnant son corps longiligne et haut. Habillé de cuir des chasses, son pantalon comme son haut est recouvert d'un plumage noir, inquiétant. La petite, elle, arbore une robe de lin à la fourrure de loup noir pour la protéger du froid. Les rares plumes qu'elle orne dans ses cheveux, et ses plumes à elle brillent de jolis coloris bleus et violets. Le nez caché dans le cou de son géniteur, elle ne bouge pas et ne veut pas voir. Elle a peur, elle tremblote comme une enfant qui sait que ça va se finir là.

Il approche, à peine. Le feu fait briller davantage ses yeux rouge et ses plumes de corbeau. Son ombre s'étend, et le grandit. Il tient l'enfante contre lui, mais finalement plis le genou et c'est ainsi qu'il fait la révérence, silencieux tout d'abord, avant que sa voix ne croasse dans l'antre du renard :

« Bonsoârr Madame… »

[Image: after_the_day_by_prema_ja-d64hbav.png]
Répondre
#3
La présence des corbeaux mettait toute la famille mal à l'aise, chacun à leur façon. Emmett ne pu s'empêcher de cracher par terre provoquant l'implacable regard de désapprobation de sa sœur ne faisant pas plus preuve de tolérance, mais souhaitant manifester son hostilité d'avantage avec l'art et la manière d'une bourgeoise.

Lisica, assise, dévisageait sans vergogne la petite Quoth, semblant soupeser du regard sa force et la place qu'elle prendrait dans la maison de ses ancêtres.

Le Grizzli, semblait quant à lui maugréer des paroles inaudibles faites de «pourriture » de « maigrichons » et autres insultes hautes en couleurs qui resterons sur ses lèvres gercées et lui donnant seulement l'air de gronder légèrement.

Quant à Hobbes, il observait les deux familles avec une curiosité scientifique, se contentant, une seule fois, de passer sa langue sur ses lèvres pour tout signe de nervosité.


- Bonsoir sir Rowley.

Déclara avec la voix la plus douce du monde, une Sélèna, après avoir terminé lentement la page de son livre, le fermant et en y déposant un petit signet.

- Il n'est nul besoin de vous fournir des explications, votre famille et vous connaissez parfaitement la tradition. J'ose cependant espérer que vos anciens ont procuré à la fille une éducation suffisante.

Elle désigna d'un geste très souple son frère et continua :

- A ce titre, comme vos ancêtres ont marqué l'histoire de notre famille par leur fragilité et la diligence à rendre l'âme, Emmett se chargera des éventuelles corrections à apporter.

Celui-ci, fit un léger signe de tête en direction de Rowley qu'on aurait plus prendre à la fois pour une menace ou pour un salut.

- Hobbes, vous vous chargerez d'endurcir l'enfant et d'en faire un garde du corps pour mon héritier. Soyez fidèle à votre réputation.

Le maître d'armes s'inclina légèrement et lui répondit d'un ton sobre :

- Bien madame.

Ensuite, se levant et s'approchant du grand-père, Sélène posa une main délicate sur l'épaule de l'ancêtre.

- Quant à l'histoire de la famille Goupil et les traditions des grandes familles de notre pays, c'est le grand père Grizzli qui se chargera d'inculquer celle-ci à la fille.

La regardant, choqué pendant un instant, il renifla bruyamment et grommela dans sa longue barbe, une suite de mot aussi incompréhensible que rocailleux .

- Vous pouvez disposer Sir Rowley, mes amitiés à dame Lenore.
Répondre
#4
Rowley ne cilla pas. Ses grands yeux rouges fixèrent tout le long la vieille Sélèna alors que Quoth tourna vers Emmett puis le Grizzli ses prunelles pourpres, les fixant, les yeux durs. Elle avait encore l'innocence et l'ignorance de son âge, aussi son père ne la reprit pas. Il savait qu'il lui faudrait du caractère ou une totale soumission pour vivre sous ce toit, et il fallait que la famille Goupil goûte pour une fois à un héritier Corbic fort dans l'âme – il connaissait ici mieux que personne ce que le cœur de sa fille renfermait au plus profond.
Le père, lui, se contentait d'échanger avec l'ancienne un regard entendu et empli de respect, restant à la place qu'on lui avait accordé. Il hocha la tête, comme il comprenait à chaque phrase, mais il se permit une objection.

« Ma fille a eu la même éducation que tous les Corrrbic avant moi, dame Sélèna, et j'ose croâre qu'une seule rrrare fois nous vous avons déçu à cause d'un hérritier trop fragile, rrrapidement remplacé par l'un des plus persistants. » Il marqua une pause, comme Quoth posait ses yeux un peu partout dans la pièce, curieuse de tout.« Ma fille, Quoth, n'a… n'aurrra je l'espèrre, nul besoin de corrections de la part de sir Emmett. »

Aucune confiance. Si Rowley ne le regardait pas, il avait eu assez de vents de son oncle Orru pour comprendre le personnage, et rien qu'à le savoir dans cette maison avec sa jeune fille, il ne pouvait que la serrer davantage contre son torse, protecteur jusque dans l'abandon.

Il se tut de nouveau, les yeux droits devant lui. Le Corbic était un homme droit, loyal et honnête, malgré qu'il aurait fait presque n'importe quoi pour soustraire sa fille à cette dure épreuve.

Quoth, elle, suivait du regard chacun des protagonistes de sa future vie. Elle enregistra ainsi leur nom et leur fonction. Elle comprit qu'elle rencontrerait bientôt l'héritier des Goupil et au fond d'elle espéra qu'il serait plus sympathique que le vieux père Grizzli qu'elle n'aimait déjà pas ; une petite grimace déforma sa bouche quand elle comprit qu'auprès de lui aussi elle suivrait des leçons. Qu'importe, elle ne les retiendrait jamais devant lui, mais si un jour on le lui demandait en public, alors sous l'œil courroucé du vieux, elle répondrait juste comme si elle avait toujours su, ce qui le mettrait en furie de le prendre pour un idiot. Déjà l'esprit enfantin se jouait des adultes et semblait vouloir s'amuser de cette nouvelle situation.

Mais vint le petit froncement de sourcil quand elle comprit que son père allait partit dès maintenant.

Le Corbic déposa sur le sol la petite danseuse au plumage noir bleuté. Il embrassa tendrement son front de petite fille et déposa près d'elle une valise avec de jolies robes que Lenore avait absolument voulu lui donner, pour maintenant ou plus tard, des robes de Corbic, dressées de plumes longues et propres, et de bijoux de famille – car elle était la seule fille de la nichée pour l'instant.

« Bien dame Séléna. »

Il détourna le regard de sur la renarde puis posa sa main sur la tête de l'enfante, le regard un peu dur, comme il retenait des larmes de colère sans que ses yeux ne soient humides.

« Sois obéissante et instrrruite, rrrend-nous fiers de toâ, Quoth. »

La petite fille eut un long regard pour son géniteur mais aucunes larmes ne glissèrent sur ses joues rebondies de petite fille. Elle resta bien droite, ses yeux suivant le Corbic s'effaçant dans l'obscurité, partant. La porte refermée, ses yeux se reposèrent sur la vieille dame aux cheveux roux. Elle la détailla quelques secondes avant d'inspirer profondément.

« Je ne faillirrrais pas. »

C'est ce qu'on lui avait dit de dire. Elle en pensait les mots, mais était-elle assez grande pour les comprendre ?
Rien n'était sûr.
Répondre
#5
Se nettoyant les dents à l'aide d'une petite brindille, Reinhard , 6 ans, prenait le soleil d'un été caniculaire dans les prairies entourant le domaine familial.

Couché dans l'herbe et armé d'une fronde et d'un petit tas de caillou tranchant, il lançait de temps à autre un projectile vers ce qui lui semblait approprié, oiseaux dans le ciel, rongeur détalant à grande vitesse, voisins désagréables ... etc.


Je ne sais pas, je m'ennuie.

Dit-il en s'adressant à Quoth, l'escortant.

Nous pourrions retourner au manoir ...

Dit-il. Un sourire sur ses lèvres.

Mais vu que CECI ...

Exulta l'enfant en brandissant un magnifique couteau serti de gemmes.

... à disparu des poches de mon oncle. Celui-ci risque de te prendre, à nouveau, pour la responsable.

Il soupira d'un air blasé.

Comme d'habitude ... ennuyeux, ennuyeux, ennuyeux, ennuyeuuuux.

Il te fit alors une roulade acrobatique et inutile pour arriver prêt de Quoth.

Une idée ? Une proposition ? Une suggestion ? Un tour en ville peut être ?
Répondre
#6
La Corbic, du haut de sa petite taille, scrutait de ses yeux rougeâtres les environs. Si on la prenait si loin du manoir, on la gronderait. Elle aurait beau dire que c'était ce petit voyou de Goupil qui l'avait traîné, elle, la bien docile, la bien dressée, on ne la croirait pas. Elle tiqua, remettant une plume dans ses cheveux, l'air indifférente à ce que le rouquin pouvait encore s'inventer. Elle n'en avait rien à faire qu'il puisse s'ennuyer – elle commençait sérieusement à croire qu'elle perdait son temps avec lui et qu'elle aurait plus de chance de rentrer et de tout cafter à Hobbes…

« Tu pourrrais aussi bien le rrendrrre à ton oncle une foââ qu'on serrra rrrentré…. »

Mais il ne l'écoutait déjà plus. Avec son cerveau gelé, elle ne s'étonnait pas qu'on ait du lui mettre une fillette pour garde du corps. Elle roula des yeux, pas franchement intéressée par l'énième discours du petit prince fauché. Elle poussa un long soupir, ennuyée par le Goupil.

« Fais-moââ le plaisirrr de rregrrretter ta naissance et d'en finirrr avec ta vie en t'empalant surr le currre-dent de ton oncle… ça serrrait bien la seule chose que j'aurrrais un plaisirr à endosserrr. »

Un petit sourire narquois se dessina sur le visage de la petite fille qui regarda un volatile passait.
Si elle n'aimait pas particulièrement le Goupil, ce n'était pas parce qu'il était roux et qu'il sentait le fauve une fois roulé dans le fumier du voisin, c'était uniquement car en plus de se rouler dans la crotte, il lui faisait toujours porter le chapeau de tous ses méfaits, et c'était elle qu'on punissait. Elle n'aimait pas être punie. L'injustice la débectait et avait forgé en un an seulement un cynisme tel qu'on se demandait bien si elle avait véritablement six ans – comme on se demandait si ce petit fourbe en avait bien six également.

« Nous pourrrions… » Elle sembla réfléchir avant d'avoir un sourire sarcastique.« …aller jusqu'au village pourrr vendrre le couteau de ton onc'. On en tirrerrrait un bon prrix. »

Quitte à se faire punir en rentrant comme tous les jours, il fallait au moins s'amuser et embêter un peu ce bon vieux Emmett, non ? Surtout Emmett.

« Ton onc' tirrrerrait une sale trrronche… enfin, plus que d'habitude… ça serrrait bien drrrôle… »

La Corbic regarda le petit chariot du père Goriot qui passait en contrebas de la colline, un chariot traînait par un bœuf, et son cochet, avec son totem d'âne apparent, tapant du fouet la bête grasse. Ça avait un quelque chose de comique.
Répondre
#7
Un caillou tout rond vola doucement vers la tête de Quoth.

Pour m'empaler sur quoi que ce soit, ma chère Corbic, il faudrait déjà être assez dégourdie pour mettre un pied devant l'autre sans, au choix

Commença-t-il, de bonne humeur, en énumérant sur ses doigts :

- se prendre les cheveux dans un buisson
- Se perdre dans un bosquet en tentant de fuguer
- Tomber dans une crevasse en se tordant ses petites chevilles
- Se noyer dans une flaque d'eau, car on ne sait pas mieux nager qu'un caillou
- Se faire chasser par un essaim de guêpe en montant dans un arbre
- Et découvrir les vertus urticantes des fougères des environs.

.. aaaah ... que de bons souvenirs.


Termina-t-il, un grand sourire en levant les yeux au ciel sachant bien qu'il jouait un peu avec la vérité. Il épousseta son sur vêtement couvert d'une couche mêlée de poussière et de terre et continua :

Mais soit, aller au village pour vendre le couteau est une bonne idée. Je n'aurai qu'à cacher une pierre précieuse dans la chambre de grand père Grizzli, ça changera un peu des coups de cannes et autres corrections fantaisistes de mon oncle !

Le petit Goupil lança alors une dernière pierre en direction d'un mouvement dans un fourré, puis fis demi-tour d'un geste très souple et se mit à marcher à travers les divers bois et autres végétations abondantes en direction de la ville.

Allez allezs presse le pas ! Totem d'escargot .
Répondre
#8
Un large sourire se dessina sur le visage de la petite. Elle haussa un sourcil, moqueur, méprisant même, encore qu'elle avait cette retenue enfantine, et finalement piailla d'un air supérieur :

« Il me semble, mon bon Goupil, que de nous deux, c'est moââ le garrrde du corrps, alorrrs ça veut bien dirrre que vous n'êtes pas foutu de vous garrrdez vous-même. Si je n'étais pas là, vous ne serrriez peut-être même plus de ce monde. Peut-êtrrre que la terrrre entièrre serrrait heurreuse et en paix sans votre frrrimousse de poulpe asphyxié. »

Ses grands yeux rouges le fixaient, hautaine et provocante. Elle n'avait jamais perçu Goupil comme son supérieur. Certes il était agaçant au possible, mais Reinhard n'avait jamais été qu'un petit garçon et elle une petite fille. Si on s'imaginait un seul moment qu'elle devait le traiter en respect plus que les autres, alors c'était qu'on ne la connaissait pas assez bien, elle qui parfois tenait tête à Emmett malgré les coups et les injures.

« Si je suis un totem d'escarrrgot, tu es un totem de linotte – aussi imbécile que bavarrrd. » persifla la Corbic.

Les pas graciles de la gamine rattrapèrent le retard qu'elle avait suite à une étourderie. Elle remit en place sa robe noire de dentelle, longue, arrivant sur ses genoux. Elle était faite à la main, inspirée des coutures hélionnes et lui allait à ravir selon Séléna, moins bien selon Lisica. Dans tous les cas, elle n'avait pas le choix que de s'habiller ainsi – et aucune plume n'était tolérée sur ses habits. Pas au manoir en tout cas.
Elle le devança, le regard guettant l'horizon.

« Nous devrrrions sauter dans le foin que trransporrte le Pèrre Gorriot… » murmura l'enfante « le village est loin et on ne serrra pas rrentrrré avant la nuit… »
Répondre
#9
Ouhhhh la nuit.

Murmura-t-il, ironique, en écarquillant les yeux d'un air faussement effrayé, théâtral.

La grande inconnue, la terrible et insondable grande dame qui vole le soleil chaque fois qu'elle en à envie.

Il s'arrête alors et porte un index doit vers sa lèvre inférieure pour rajouter :

A moins que cela ne soit le soleil qui se lasse des face-de-limace dans ton genre ?

Il reprit alors son chemin en haussant les épaules.

Il faut sûrement croire qu'on ne le saura jamais. De toute manière mère fera une scène pour mes habits ...

En effet le jeune Goupil portait de nouveaux vêtements saillants qu'il avait pris soin de dégrader avec plus grand plaisir au monde.

... alors nuit ou pas nuit autant en profiter.

Il se fit quelques pas de course, se cacha derrière un buisson, fit un signe de la main pour que Quoth le suive et sauta discrètement à l'arrière de la carriole.

Quand elle le rejoint, il rajouta tout bas :

Et je te ferais dire que je n'ai pas vraiment le choix ! Je me garderais bien moi même, pas besoin d'une cervelle de piaf comme toi pour me coller aux sandales !
Répondre
#10
Elle roula des yeux. Avec ses grands mots, il ne l'étonnait ni ne la fascinait. Elle était libre penseur, et c'est pourquoi, dans vingt pour cent des cas, elle finissait par ne suivre que son instinct et c'était ce qui l'avait gardé en vie et entière jusqu'à maintenant. Elle haussa un sourcil, marchant derrière lui, en silence, jusqu'au moment où sa langue se délia :

« Ma face-de-limace vaut mieux que ton airrr de carotte avarrriée. Espèce de... roux. Moââ, on me dit que je suis jolie, alors que toââ... »

Les yeux rouges de la Corbic ne le lâchèrent pas, puis se détournèrent. En effet, Séléna risquait de grandement les disputer – lui pour ses habits, et elle pour la forme. En soit elle était sage la jolie Quoth, silencieuse, mais atrocement libre, et c'était bien ça le problème. Elle ne l'était pas. Avide de liberté et de grand espace, elle se confrontait toujours à ce mur, et ce mur s'appelait Famille Goupil. C'était peut-être la seule chose qui la rapprochait du Goupil qu'elle suivait, par devoir, par habitude surtout.

Elle attendit, l'observant, et dès le signe le suivit, docilement. Elle fit quelques pas rapides et sauta. Ses petits doigts serrèrent le foin alors qu'elle se laissait glisser aux côtés de Reinhard.

« Si ta mèrrre pense que tu n'es pas capable de te débrrrouillerr tout seul, ce n'est pas mon prrroblème. »

Un petit sourire moqueur s'étira sur les lèvres de la Corbic.

« D'ailleurrrs, sans moââ, la derrrnièrre foâ, le boucherr t'aurrrait coupé en deux. Et sans moâ, on aurrrait jamais rréussi à dénicherr la clé du grrenier… »

Elle marquait un point, comme toujours, mais il ne l'écouterait sans doute pas, comme toujours aussi.

Elle faisait danser ses jambes au-dessus du vide, regardant le paysage défilait. La journée était ensoleillée, aussi elle esquissa un petit sourire. Sa peau restait atrocement pâle, presque maladive, malgré les journées passaient à arpenter les forêts et les champs du coin.

« Une foâ que l'on aurrra vendu le couteau, qu'achèterrrons-nous ? Elle doit valoirr bien chèrrre, et il faudrrrait que son prix soaâ à la hauteurr de notrrre punition. »

Elle sembla réfléchir, et reprit rapidement :

« Achètes un cadeau à ta mèrrre. Elle ne te dirrra rrien pour ce soaârr, et le rreste de sucrrrerries. Si l'on rramène quoi que ce soit au manoaârr, Emmett se douterrra de quelque chose. »

Maline la Corbic, avait déjà maudit plus d'une fois Hobbes.
Répondre
#11
Jolie ... pfrhffrr.

Pouffa doucement Reinhard sur la carriole en levant les yeux au ciel.

Ce qu'il faut pas entendre !

Il jeta un coup d'œil à l'avant de l'engin pour s'assurer que le vieux Gorriot ne les entendait pas. Puis il se coucha confortablement en adressant une petite paille au coin de sa bouche.

Je n'avais même pas pensé à acheter quelque chose.
Quelque chose à ma mère ? HA ! Je reconnais bien là toute la vilenie de l'ignoble et insupportable Quoth-crâne-de-piaf !!


Il retira la paille de sa bouche et comme le faisait son oncle avec un cigare et l'a tenu au bout de ses deux doigts.

D'une je ne pense pas que ma mère se laisse avoir par ces ruses de bébé.

Il ferma les yeux et continua d'un air confiant.

De deux si elle sent venir le coup fourré elle en parlera à son frère, du coup mon plan génial de le monter contre le grand père Grizzli échouerait lamentablement ...

Il réfléchit un instant comme s'il manquait quelque chose et rajouta :

... par ta faute !

Il fronça alors les sourcils en réfléchissant tout haut.

Du poil à gratter ... ça, c'est une idée ! Ou alors de quoi faire vomir Lisica ... mhh ... nan elle saurait que c'est moi. Elle te punirait aussi pour la forme, mais elle saurait que c'est moi.

Mhhh ...

Reinhard plissa les traits de son visage enfantin et réfléchi un peu, puis haussa les épaules.

Nous verrons bien devant les boutiques ...

Il entreprit alors de se recouvrir de paille pour échapper au regard des hommes d'armes sur la route qui finiraient par faire remarquer leur présence au vieil homme.

Jolie .... ha ! N'importe quoi hein ...
Répondre
#12
Elle fit la moue comme il assurait qu'elle n'était pas jolie. Elle, elle se trouvait pourtant parfaite. Le corps élancé, les cheveux soyeux et longs, brossés tous les matins et démêlés tous les soirs, diablement coiffés de plumes de corbeau. Elle y mettait du cœur et prenait du temps, se levant plus tôt que le Goupil et se couchant plus tard, pour qu'elle n'ait pas ces airs de sauvageonne que les taliens avaient tendance à leur donner sous prétexte de rumeur et d'on-dit. Elle détestait les rumeurs et les on-dit presqu'autant que le Goupil.

« Crrrâne-de-piaf, crrrââne-de-piaf… Fais gaffe à toââ, descente-de-lit… » Cingla la Corbic du bout des lèvres, visiblement touchée par les paroles du petit voyou. Elle n'était certainement pas un crâne-de-piaf. D'ailleurs, elle excellait là où il ratait des choses, comme quoi. « Ce n'est jamais ta faute… Rrreinharrd. »

C'était rare qu'elle prononçât son prénom. En général, c'était pour montrer un haut taux d'agacement, chose qui grimpait, lentement, lentement en elle. Plus le temps passait, plus elle regrettait d'être venue avec lui. Voilà une tâche qui s'avérait être un fardeau.

Un fardeau qui lui coûtait de multiples punitions pour peu de chose. Elle espérait au moins qu'à l'âge de raison il aurait plus d'attentions pour elle. Rien de romantique, rien de sentimental, juste un peu de... reconnaissance. Si tant était qu'il pouvait seulement se rappeler de la moitié des choses qu'elle avait sacrifié pour lui, à savoir sa famille, son honneur, et toute son enfance.

Elle observa le soleil sans plus l'écouter déblatérer, ses yeux caressant le rêve d'une liberté retrouvée, le jour béni où elle irait se nicher dans les bras de son père. Il ne lui avait rien juré comme dans les contes, il ne lui avait laissé aucun espoir.

Elle reposa son regard rouge, silencieuse.

Elle ne se cacha pas. Elle n'avait pas l'envie de se cacher, et même si elle se faisait prendre, le bon père Goriot lui taperait deux ou trois sur les fesses, et la laisserait filer sans plus de dispute. Elle somnola un moment, les joues brulantes de rancœur. Bien sûr qu'elle était jolie !

Elle balança ses jambes puis aperçut le premier commerçant. Le village était là, derrière eux, et la charrette ne tarderait pas à s'arrêter. Elle siffla :

« Allez poil-de-carrrotte, on descend… »

D'un petit bond agile, elle se retrouva sur ses deux pieds au milieu du chemin. Elle sentait d'ici les relents de la taverne ; au-dessus du toit en chaume, une fumée blanche et épaisse s'envolait en volutes rondes. Elle eut un sourire de fouine avant de reposer son regard pourpre sur le goupil.

« Que fais-t-on maintenant ? »

Au milieu des grands arbres qui abritaient les habitations des nombreux hommes-bêtes de Jada, la petite Corbic était presqu'invisible dans la pénombre du crépuscule.
Répondre
#13
La ville de Jada ne payait pas de mine. En s'épargnant la vue des bicoques construite de travers, avec un bois plus épais et noir qu'accueillant, il restait les habitants relativement intimidants en fonction de leurs totems et des affinités qu'ils avaient avec ceux-ci.

Reinhard se faufilait entre les ombres et les jambes des passants et de temps à autre montrait du doigt à Quoth l'un ou l'autre habitant de Jada qui en valait le coup d'oeil.

Certes, la plupart des citoyens se contentaient d'aborder discrètement un totem lié à agricultures à la chasse ou à la vie en société (les chèvres, les blaireaux et les chats) n'avait rien d'impressionnant. En revanche, voir un homme-bête transformé à moitié en bouc et soulevant une impressionnante massue à deux mains, c'était une autre histoire.

Mais ça ne paraissait pas plus étonnant que cela pour le commun des hommes bêtes, certes ces hommes-là étaient peut être plus proche de leur totem et étaient des guerriers, mais ça n'en faisait pas pour autant des monstres. Après tout qui ne s'est pas réveille en pleine nuit transformée à moitié en loutre ou en salamandre après un cauchemar ?

Le jeune renard se retourna vers Quoth pour lui souffler.

Pourquoi restent-ils transformé comme ça pour faire des emplettes ? Ça doit affreusement gratter cette toison en permanence ?

Il songea un instant en une légère grimace.

Non c'est vrai que vous autres les oiseaux vous ne pouvez ne pas comprendre avec vos ... machins tout pleins de plumes dégoûtantes.

Il n'attendit pas la réponse de Quoth et continua sa progression furtive dans la foule grouillante. Arrivé devant une échoppe un peu isolée, dans une ruelle plus sombre que les autres. Il dit :

Bien, ça fera l'affaire.

Il chercha du regard plusieurs éléments puis adressa la parole à la Corbic.

Perche-toi prêt de la fenêtre, je vais voir si je peux écouter quelque chose d'intéressant à la porte.

Il s'arrêta un instant, porta un index de doute vers sa bouche, plissa les yeux et rajouta :

S'il te plait ?
Répondre
#14
Plus les secondes passaient, plus elle se demandait pourquoi elle le suivait. Une certaine tendance à faire le mal sans doute ? Peut-être que les légendes étaient vraies et que les Corbic n'étaient bon qu'à médire et jeter des malédictions… Peut-être qu'elle-même était maudite ? Elle jeta un regard à la boule de poil rouquine. Oui, elle était maudite, et lui était son fardeau. Elle jeta un petit regard à l'homme-bouc que le renard désignait des yeux et eut un frisson d'horreur en imaginant quelle tête il avait bien pu éclater sous le poids de sa masse. Elle était immense ! Plus longue qu'elle n'était grande !

« Mes plumes ne sont paâs dégoutantes… » Elle gonfla les joues à la manière d'un crapaud, probablement vexée pour quelques petites secondes. Avec un certain instinct de survie, la jeune fille ne s'attarda pas et suivit jusqu'à la ruelle étroite et humide le garçonnet.

Elle fronça les sourcils en entendant quel plan encore il avait bien pu concocter pour elle-même. Elle regarda la fenêtre qui n'était pas vraiment haute mais elle semblait fine et peu épaisse. Elle était si sale que personne ne la verrait, mais assez sale pour qu'elle ne voie rien non plus.

« Je ne suis pas surr… »

Elle le fixa, mais comprit rapidement que si elle n'y montait pas, elle serait encore une fois la risée des deux, l'espèce de poule mouillée quand bien même c'était elle qui avait le plus de cicatrices. Elle esquissa une petite moue dépitée, soupira et finalement transforma partiellement son corps gracile en un corbeau effrayant au plumage noir de jais.
Un petit éclair noir qui se percha tout près de la fenêtre. Une fois sur le rebord, les plumes disparurent dans ses cheveux pour laisser place à la fillette qu'elle était tous les jours. Elle tenait fermement les boutons des fenêtres alors que ses genoux se râpaient sur la pierre humide et froide. Elle se pencha un peu en avant, plantant son petit nez fin contre la vitre sale. Ses yeux cherchèrent quelque chose à l'intérieur, mais elle ne trouva rien d'intéressant.

Elle se redressa un coup sec mais il y eut un crac venant de la fenêtre. La tête la première, emportée par l'élan, la Corbic passa par-dessus la fenêtre haute de la ruelle et on entendit, à l'intérieur, un bruit de gamelle qui tombe et qui se renverse, un bruit métallique et un grognement.

Allongée sur la table, la tête plantée dans le bois de cette dernière, la Corbic émergea doucement. Elle releva lentement le nez, et ses yeux croisèrent les deux grandes pupilles mordorées qui la fixaient en retour, surplombant un sourire tout plein de dents, carnassier. Elle se recroquevilla un peu, pas vraiment sûr.

« Reeeeegardez-moi ça ! » Le rire de la bête était grand, gras, tout plein de morceau entre les dents. La Corbic émit un petit couinement désapprobateur quand les doigts de la chose se refermèrent sur son col, la soulevant sans la moindre difficulté, elle qui avait un poids plume. « Une crotte de moineau dans mon assiette ! »

La petite chose fronça les sourcils, d'un air terrible, et jeta un sale regard à ce qui vraisemblablement était un Lion, et pas un petit, mais un grassouillet sur les bords, entouré de deux jolies félines, dont visiblement une chatte au totem à peine apparent – sous la forme de deux oreilles, un petit museau adorable et une queue fournie et ronde – et une guéparde.

« Je ne suis paâs un moââneau » pesta la gamine d'un air colérique « je suis une Corrrbic, châton ! »

Le Lion émit un mauvais ricanement.
Répondre
#15

Plutôt content de la réaction de sa comparse, Reinhard tira un sourire satisfait de sa « poche à regards malicieux » dans laquelle il rangeait toute sa panoplie d'expressions faciales exaspérantes.

Intérieurement, la vague idée que la gente féminine puisse répondre à ses attentes à l'aide de quelques paroles gratuites et d'un soupçon d'ingratitude charmante prenait de plus en plus forme. Un jour elle deviendrait consistante et difficilement ébranlable.

Il la regarda un instant se transformer en corbeau pour atteindre la fenêtre et se poser sur cette dernière. L'oiseau arrivé en hauteur et reprenant sa forme, il décocha un imperceptible mouvement de tête pour capter le dessous de la robe de la Corbic avant de se rappeler intérieurement à l'ordre.

Il produit alors une grimace de dégoût accompagnée du mime d'un vomissement, son index et son majeur pointés vers le fond de sa gorge. Après tout on lui avait appris, depuis tout petit, que les Corbic étaient sales, difformes et ignorait tout du traitement des maladies vénériennes. Même si l'enfant ignorait le sens du mot, c'était suffisamment compliqué pour en induire des choses terribles.

Reinhard s'approcha alors, en douceur, de la porte condamnée par de lourde planches, pour y coller son oreille. Sa langue pointant légèrement au coin de sa bouche (et ayant la ferme conviction que ça accentuait ses sens), le renardeau reteint sa respiration et se concentra sur les bruits provenant de l'intérieur.

Un grognement rauque suivit d'un léger rire et d'un soupire lui fit soulever un sourcil. Ce n'était pas le genre de bruit d'une échoppe ou l'on traînait des tonneaux, fermait des bocaux, comptait ses pièces d'or et époussetait ses trésors. (hrp : waouuhchlabada, trop fort)

Il décrocha son oreille pour se pencher vers l'enseigne, taillée dans une écorce verdâtre et couverte de saleté qu'abordait l'établissement «La Sail... ». Le reste était trop illisible.

« La quoi ? » Pensa-t'-il intérieurement. « La Saignante ? ». Une réflexion intense s'installa entre ses neurones qui entamèrent un pugilat interne pour se rappeler ou non la présence du « L » dans le précédent mot.

« Ça doit être une boucherie ? » Conclut'-il au même moment où le carreau de la vitre laissa passer la jeune fille dans un fracas.

Il grimpa alors en deux mouvements souples à la fenêtre pour observer ce qui était advenu. Il ne dit rien, il observa en silence en restant dans l'ombre avant de se laisser glisser contre le mur dans la rue.

Que faire ? Ou plutôt, fallait'-il faire quelque chose ? Ne valait'-il pas mieux laisser la Corbic à sa déconfiture ? Cela semblait une bonne idée. Il rentrerait en prétendant qu'elle était tombée dans une crevasse ou quelque chose comme ça. Elle finirait bien par retourner chez eux , couverte de bleue et d'écorchures, comme d'habitude.

Reinhard songea, et si elle ne rentrait pas ? Et si on lui imposait un autre Corbic ? Un de ces vieux croûtons dégoûtants qui servaient d'ancêtre à Quoth par exemple ? Non, il valait mieux éviter ça et puis Quoth et lui avait le même âge, c'était plus pratique pour jouer à chat.

Une lampe à huile accrochée à plusieurs mètres au-dessus de la ruelle (une importation du désert des Hélion, sans aucun doute) lui apportât une idée aussi lumineuse que si elle avait été suspendue directement au-dessus de sa tête.

Quelques secondes plus tard, grimpant plus vite aux arbres qu'un totem d'écureuil, il sectionnait certains des brins de la corde qui tenait suspendue fermement la lampe.
Dans quelques instants, cette dernière chuterait près de la porte ou il se tenait précédemment et enflammerait suffisamment les racines de la ruelle pour produire une diversion respectable.

Bien sûr, l'idée que les pyromanes devaient être plutôt mal vus et sévèrement punis
dans une société s'abritant dans des forêts d'immenses arbres traversa l'esprit du jeune garçon. Oui, bien sûr, il pouvait mettre le feu à toute la cité et ça risquait de causer du dégât, mais c'était excitant pas vrai ? Et puis, il serait déjà loin quand la lampe se briserait.

Et puis ... roh zut, pourquoi toujours réfléchir quand on peut courir en riant sous une cape que l'on n'a pas encore, mais qu'on imagine très bien !

Il arrêta sa course effrénée après avoir contourné le bâtiment, la boucherie soi-disant, et resta perplexe quant au nombre de représentants féminins en tenue légère qui semblaient fréquenter l'établissement funeste. Quelques faufilages plus tard (et quelques regards interloqués plus tard) il arriva dans un couloir aux teintes rougeâtres, couvert d'oreillers et de boisson alcoolisée éparpillées, renversées, brisées.

Il chercha la porte de la pièce ou Quoth devait être tombée, estima en calculant le nombre de fenêtre et ouvra la porte d'un grand geste pour tenter de laisser sortir sa complice.

Ce n'était, bien sûr, pas la bonne pièce.
Cependant, ce que Reinhard aperçu ce jour-là il ne l'oublia jamais et cela continuas à titiller sa curiosité pendant longtemps.
Répondre
#16
Le lion avait une gueule qui aurait facilement pu la manger en deux bouchées. Et si elle finissait manger ? Et s'il allait lui arracher toutes ses belles plumes et la faire farcir comme ces poules dont les ogres se goinfraient joyeusement ? Elle eut une petite frousse : elle ne voulait pas finir comme les poules ! Elle replia les jambes alors qu'une des deux félines, la guéparde, ricanait, dévoilant une rangée de dent incroyablement blanche et pointue. En voilà des dents qui faisaient peur. La Corbic se pinça les lèvres comme elle ne rêvait que de voler vers la fenêtre et de disparaître de cet étrange endroit.

« Elle a l'air tellement perdu, la pauvre petite… ! » ronronna la chatte qui avançait vers Quoth ses pattes de velours. Elle ne portait pas grand-chose sur elle qu'un voile sur les hanches, tout le reste de son corps était une fourrure soyeuse qu'ont celles qui se brossent souvent. « Laisse-là donc Mufasha ! Tu vois bien qu'elle n'est pas d'ici… »

La chatte récupéra la petite Corbic qui n'osait plus rien dire ni même bougeait, les yeux perdus, haletant. Elle jeta un œil en bas et releva aussitôt les yeux, les joues brûlantes.

« D'où viens-tu petite chose ? »

Quoth ravala difficilement sa salive, comme elle ne se sentait plus vraiment à l'aise au milieu de ces gens un peu étranges qui s'embrassaient. Pourquoi est-ce que Reinhard n'était pas là ? Pourquoi est-ce qu'il ne venait pas la chercher ? Est-ce qu'il la laisserait encore au fond du fossé ? Elle eut un petit couinement de colère, alors que la chatte la couvrait de petits baisers maternels sur le front.

« La Corbic, voilà un nom que l'on connaît… »

La guéparde souriait gentiment, alors qu'elle récupérait le garnement entre ses pattes pleines de griffe, mais le visage de Quoth venait de s'illuminer. Ses grands yeux rouges se plongèrent dans les yeux ambres de la féline.

« Tu ressembles à Rowley, petite… Que fais la petite Corbic loin de son charmant père ? »

La petite chose eut un petit froncement de sourcils. Son père venait dans ce genre de chose ? Elle jeta un regard circulaire. Cela ressemblait plus à un endroit de déperdition, comme disait le vieux Grizzly, qu'à un endroit où faire des rituels. Elle ravala difficilement sa salive.

« Tu as quelqu'un dans les parages pour venir te chercher ? » La brune baissa les yeux, les sourcils encore froncés. Quelqu'un ? Est-ce qu'elle avait… quelqu'un ? Elle serra les dents, muette.

« Allons, tout le monde a un papa et une maman… » S'inquiéta un peu la chatte. Les deux femelles zyeutaient la gamine qui semblait de plus en plus nerveuse, sa bouche définitivement soudée.

« Tu veux que j'appelle Rowley ? »

La jeune Corbic leva les yeux, rouges, mouillés, et hocha négativement la tête d'un air résolu et froid :

« Je n'ai perrrsonne. »




[Image: 0a9Yrae.png]



the end.
Répondre
#17
Reinhard ferma la porte d'un grand coup sec qui claqua dans tous le bordel. Ce qu'il avait vu se dispense d'explications ou de descriptions et préfère utiliser l'imagination du lecteur que l'on sait bien assez fertile et tout autant viciée.
Ses yeux restèrent figés dans un mélange de surprise, de panique, d'incompréhension, de curiosité et d'une certaine forme dégoût. Oui oui, tout ça peu tenir dans un seul regard, puisqu'on vous le dit.

Derrière la porte, des voix se manifestèrent, rompant le charme, le Renardeau reprit ses esprits. Où était donc cet oiseau de malheur ? Une autre pièce sans aucun doute, malgré le tumulte et le peu de temps, il avait pu examiner chaque minuscule parcelle de l'espace. Elle n'y était donc pas.

Une grimace de vexation s'empara de son visage et il reprit sa course dans les couloirs de l'établissement. Déjà, des exclamations annonçaient que l'incendie débutait un festin ardant du bois, composant le bâtiment. De la fumée avait commencé à frémir par-dessus les portes, une certaine chaleur ambiante se faisant de plus en plus présente.

Le petit Goupil se faufilait entre les jambes des clients, curieux et attirés par les acclamations. L'incendie devait servir de distraction pour laisser s'échapper le corbeau, pas être d'obstacle ! Mais où était-elle retenue !

Il tourna deux fois à droite, monta 6 petites marches et passa par une porte cachée derrière un rideau, enfin il retrouva son orientation qu'il avait égarée en pénétrant dans ce temple de la luxure.

Une fenêtre du couloir donnait exactement sur la ruelle ou Quoth et lui-même avaient débuté leurs petites entourloupes. La chaleur de l'incendie se rependant dans cette partie de la bicoque branlante et rougeaude. Il se précipita et donna un grand coup de pied dans la porte de la pièce ou se trouvaient les félins et la Corbic.

La porte gémit et s'ouvra avec fracas. Visiblement personne ici n'avait remarqué que le bordel prenait feu à son autre extrémité, sans doute les gens étaient trop habitués à entendre des cris.

Reinhard n'accorda aucun regard au couple.


On sort. Maintenant !

[Image: fox_by_youxiandaxia.jpg]
Répondre


Atteindre :