Carnet de route d'une Arcantiste
#6
[Ce texte fut retrouvé griffonné sur le rabat d'un carnet. L'écriture rageuse et l'état de l'encart révèlent assez l'état de forte anxiété de l'écrivain]


III VOLUME



Le premier homme.

Ainsi je commence par la fin. Non pas une fin, LA fin.
Ils ne vécurent pas heureux pour des siècles.

Nous le savions, nous étions prêts à ces sacrifices. Tous nous avons pris conscience que notre aventure nous mènerait à croiser la mort. Nous savions.

Je croyais savoir. Tu es mort.

Mort, voilà, M-O-R-T. Quatre lettres aussi brèves que les instants que nous avons partagés. Quatre symboles aussi obscurs que ta disparition. Quatre sons tranchant dans ma douleur.

Mort. Loin, est-ce que quelque chose aurait pu changer si nous étions restés ensemble. Peut-être, je vais continuer à y croire. Me sentir coupable, cela m'évite de me sentir impuissante. Seul. On dit toujours qu'on meurt seul. Est-ce différent de mourir aux côtés de ses amis. Je l'ignore. J'aimerai arrêter d'y penser, mais je n'y arrive pas.

As-tu souffert ? A quoi as-tu pensé ? Est-ce que ça change quelque chose de le savoir. Je ne sais rien de ta mort. Je ne sais rien de toi, en fait.

Même ton nom, Isilgath. Était-ce bien toi ? D'où venais-tu, que voulais-tu ? Je n'ai jamais pris la peine de te demander ce que tu rêvais. Tout me paraissait alors évident. Nous étions les Arcantistes, c'était facile. Tu blaguais, je riais, je me fâchais, tu riais.

Je me suis toujours inquiété pour vous. Les Arcantistes sont des têtes brulées. Toujours vous reveniez avec des blessures improbables. J'étais folle d'inquiétude, pourtant jamais je n'ai cru qu'un de nous puisse mourir.

Une gamine, comme tu disais si bien. Qui n'a pas su faire attention. Même à ses amis.

Mais étions-nous amis seulement. Je l'ignore. Je ne me suis jamais demandé ce que tu étais pour moi. Est-ce que je t'aimais, comme mon frère, comme mon père, comme un amant, même à présent je l'ignore.

Le temps doit effacer les peines. Il n'en est rien. Le temps, maintenant, c'est des questions. Toutes ces interrogations que je n'ai jamais posées. Je n'aurai plus de réponse. Avec le temps, je n'ai que des questions. Chaque jour, plus de doutes, plus de regrets.

Tu es mort et je n'ai plus que ça, des interrogations. Le jour suivant est pire encore.

Tu es mort, je t'aime et je te hais.
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