A la poursuite de Callisto.
#1

(thème proposé.)


Respire la terre…
Respire l'écorce du petit bois et la mousse qui couvre les troncs épais de la forêt.

Tu sens cette énergie ? Cette énergie est ta mère.
On l'appelle Nature, et elle coule en chacun de nous.

Ferme les yeux, tu dois sentir ton cœur qui va au même rythme que la sève qui s'écoule.
Si tu n'entends rien, c'est parce que tes pensées parlent trop fort en toi.

Tu dois apprendre à faire taire ton humanité, tu entends ?
Tu dois apprendre à faire taire en toi l'homme, pour en faire ressortir la bête.

Quand tu arriveras à entendre la chute de la rosée sur les feuilles au petit matin, tu auras atteint le niveau.
Tu seras un cerf dans la forêt.

Il suffit de marcher sur la terre pour la comprendre.
C'était ce que pensaient les anciens.





C'est sur cette terre que Yava ouvre les yeux, son sourire s'étend comme la clarté recouvre l'horizon. Le soleil se lève, et la canopée du bois vrombit sous le vent qui se lève. Elle étend devant ses bras, les écarte, en fait craquer la moelle et les os, chaque pore respire la rosée qui s'est posée sur son corps de nymphe. Elle se redresse, comme un roseau, agile et flexible, ses longues mèches tombent en cascade dans le creux de ses reins. Elle ferme les yeux, quelques secondes, et respire l'odeur de l'herbe qui a connu la fraîcheur de la nuit. Elle a un sourire satisfait alors qu'elle finit de quitter le sol. Son regard d'émeraude se fixe sur le soleil qui dévoile ses premiers rayons, et bientôt le bois s'éclaircit lui aussi, et le vent souffle plus fort, faisant s'envoler les dernières feuilles oubliées par les blaireaux préparant leur terrier. L'elfe sourit. Elle se penche, attrape son épée et la fixe à sa ceinture. Un simple nerf de chevreuil et ses cheveux sont accrochés en un chignon négligé qui finira tôt ou tard par lâcher, mais ce n'est pas son problème. Comme Artémis au réveil, elle ferme les yeux et ses longues oreilles écoutent les bruits de l'eau qui court le sol et s'infiltre dans les profondeurs de la terre, pour s'imprégner de sa douceur comme de sa fureur. L'eau qui court ne s'arrête jamais.

« La nuit a été longue… » Les yeux émeraude de l'elfe parcourent le petit bois qui d'endroit en endroit s'éclaircit. « …mais jamais brouillard n'a vaincu l'aurore. »

Elle jette un œil derrière son épaule. Si la nuit a été longue pour elle, elle ne l'a pas été pour l'ours qu'elle poursuit depuis des nuits. C'est en parcourant au trot les longs mètres qui la séparent de la rivière, au regard des pas lourds qui ont tracé dans le sol une piste claire, qu'elle comprend qu'elle a été dupe en pensant que l'animal ne l'avait pas remarqué. Elle peste, la farouche, et relève les yeux sur le soleil qui n'a toujours pas effacé la lune à l'exacte opposé dans le ciel. Elle a faim, mais la faim est l'essence même de la bête qui sommeille en elle. Parce que c'est sa faim qui doit pousser ses pieds à aller plus vite que ceux de la biche coursée par les loups. Elle attendra donc la fin de sa chasse pour manger.

Elle attrape son arc et s'élance dans la rivière, tombe au plus profond du petit torrent et en ressort, ses longs cheveux collant à ses flancs. Elle agrippe une racine apparente et se tire à la force des bras sur la berge, le regard vif. Elle renifle l'air, mais l'animal n'est toujours pas là. L'ours… l'ours fuit, et elle perd du temps. Si elle ne l'attrape pas, elle ne deviendra jamais comme son père. Elle ne sera jamais digne. Elle se redresse sur ses pieds, se secoue et s'élance vers la forêt. Ses yeux cherchent dans l'horizon le mouvement, l'odeur, mais rien ne trahit la présence du prédateur dans les fourrées. Ses pas sont plus lourds avec l'eau qui a mouillé ses habits, et sa cape la ralentit de plus en plus. Elle s'essouffle sur la fin de la matinée, ralentit jusqu'à s'arrêter.

Le chasseur rencontre le gibier là où ils n'ont pas pris rendez-vous, Yava…
Attends toujours à ce que la bête surgisse quand tu ne penseras pas à elle.


Elle grimace, soupire, et finalement se détends doucement. Si son père a passé toute son existence à écouter l'écorce des arbres et a fini par devenir un archidruide respecté, c'est sans doute qu'il doit avoir raison. Enfin… pour ce qu'elle en sait, elle. Elle fait la moue quand elle voit passer sur le sol un mulot. Il attrape une graine tombée de son sac, jette un œil curieux à l'étrange chose rousse qui attends, et repart dans un buisson dans un petit « couiiiic » affolé. Elle hausse un sourcil, puis détourne le regard. Il semblerait donc qu'elle est perdu la trace de l'ours. Ça, c'est pas de chance. Pour sûr que ses frères sont déjà rentrés à la maison avec leur peau d'ours… Elle soupire, s'étire.
C'est encore une journée qui ne sera pas béni par les étoiles…

Le chasseur solitaire est le seul à connaître le prix que lui a coûté son gibier.
Cours Yava, cours parce que ce n'est qu'en imitant le cerf qui bondit entre les fourrées que tu peux comprendre où va le roi de la forêt entre les arbres…


Elle n'allait tout de même pas se rouler sur le sol pour savoir où était partit son ours, tout de même. Manger des baies, soit. Surtout que son estomac criait famine. Mais quand même… courir comme un ours, c'était encore une chose difficilement acceptable pour elle. Ça aurait été comme chasser le lapin en imitant la carotte. Ridicule. Une carotte...

Elle soupire.

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