Les pierres de pouvoir
#78
Le champs de bataille avait changé.

Kash'a, Princesse de Gakarash avait finalement succombé sous les flèches de Ptinain. Après avoir affronté durant un long moment Ewarën Othar, le nain et ses compagnons lui avaient donné le coup de grâce. Elle disparu alors dans un hurlement monstrueux qui vrilla les oreilles de tous les combattants. La horde de démons furieux sembla déstabilisée quelques secondes avant que Vabaresh, Seigneur de Far'gash, ne fasse rugir sa voix de stentor pour les rappeler à l'ordre.

Les assauts enflammés redoublèrent alors de violence, comme si ces êtres démoniaques étaient animé par l'esprit de vengeance.

Toujours plus nombreux, les envahisseurs commençaient à submerger elfes et nains. Les gouvernements des deux factions avaient promis d'envoyer des renforts mais ceux-ci tardaient. Et ce retard allait être fatal à toute vie en Ecridel s'il continuait de s'allonger.

Les guerriers, les archers et les mages, elfes et nains, luttaient dans une rage démente. Plus aucun n'avait peur de mourir. Tous étaient déterminés à périr si cela était nécessaire à sauver les leurs. Mais cette détermination, si impressionnante soit-elle, ne suffisait malheureusement pas. Almis tentait de soigner tous ceux qu'elle voyait mais les corps continuaient à s'entasser, de plus en plus nombreux, à ses pieds. Et dans le regard vide de ces cadavres se reflétait son échec personnel. Celui de n'avoir su les sauver.

Et tout en se déplaçant, de blessé en blessé, elle se figea soudainement, horrifiée. Parmi les corps inertes, elle reconnu le long manteau et le capuchon gris. Elle ne voulait pas y croire. Arrivée près de lui, elle s'agenouilla et aussi délicatement qu'elle le pu. La prêtresse déplaça le tissus qui couvrait le visage de la victime, persuadée qu'elle se trompait. Elle DEVAIT se tromper, c'était impossible autrement. Mais sous le capuchon, c'était évidemment lui...

Lyanor, l'homme qu'elle avait appris à aimer, gisait mort, dans ses bras. Son esprit s'embrouilla d'images du passé. Ses yeux, de larmes. Elle qui maîtrisait si bien "le flot de la vie" n'était plus rien d'autre qu'une femme dévastée. Autour d'elle, le champ de bataille avait disparu. Tout était blanc et seul elle et l'élémentaliste subsistaient. Son cœur lui fit l'impression d'exploser. La seconde d'après, elle avait simplement l'impression qu'il n'y avait plus dans sa poitrine qu'un trou béant, tentant d'aspirer tout son être.

Lui qui représentait tant pour elle, était parti rejoindre Fyelund. De sa faute. C'était elle qui l'avait affaibli pour satisfaire ses idéaux, pour qu'il puisse soigner les autres, lui qui aspirait à devenir arpenteur et non guérisseur.

Elle serra le corps sans vie contre elle. Sa robe si précieuse, d'or et d'argent, s'imbiba aussitôt du sang de celui qu'elle aimait. Elle hurla dans le vide. Aussi fort qu'elle pu, comme si cela pouvait atténuer sa perte.

Si on lui demandait, pour elle, cet instant s'éternisa des millénaires. Puis la vie repris son cours. Et elle rattrapa le retard qu'elle venait de prendre. Tout alla vite. Très vite. Almis était revenue sur le front. Autour d'elle, elfes et nains continuaient de se battre avec l'énergie du désespoir contre les créatures enflammées. Ses yeux étaient encore embués de larmes. Elle les essuya du revers de sa manche ensanglantée et se redressa.

A quelques mètres d'elle; Vabaresh, Seigneur de Far'gash. Des années plus tard, elfes et nains s'interrogeraient encore sur ce qu'ils crurent voir à cet instant tellement la scène leur sembla irréaliste. La puissante dévote de Fryelund avait le visage tordu de fureur lorsqu'elle leva son appui du mage vers le ciel. La pierre magique s'y trouvant brilla d'une lueur intense qui éblouit les plus proches. Puis, toute l'eau contenue dans l'air sembla se condenser autour du général démoniaque. Celui-ci, ne comprenant pas ce qui lui arrivait, regarda d'un air stupide, qui se serait même voulu comique en d'autres circonstances, tout cet air devenant si dense qu'il en était liquide.

Almis émit un son. Une parole? Personne ne sut le dire. Mais quoiqu'il en soit, dans la fraction de seconde suivante, toute cette eau infiltra le corps de Vabaresh. Ce dernier voulu hurler mais ce qui devait lui servir de gorge était noyé. Son immensité faite de flammes vacilla. Le feu perdit en intensité et le démon tomba à genoux, lâchant ses armes pour mieux se tenir le cou. Mais il était déjà trop tard pour lui. Il n'échapperait pas à la fureur d'Almis. Il étouffait.

Elfes et nains se trouvant à coté n'en attendirent pas plus et se ruèrent sur lui. Il fut transpercé de dizaines de coups d'épées et finalement, tout comme son homologue quelque peu avant, succomba sous une pluie de flèches. Agonisant, il resta quelques secondes sur le sol et fixa Almis dans les yeux, un sourire narquois sur le visage, avant de finalement s'éteindre et retomber en un amas de matières carbonisées.

Elfes et nains hurlèrent de joie à l'unisson face à cette victoire inespérée. Non loin, les armées des deux races étaient enfin arrivées et repoussaient le reste de la horde d'envahisseurs. L'issue du combat avait changé. Les ennemis d'Ecridel étaient maintenant en déroute, apeurés.

Mais alors que tous pensaient qu'enfin leur courage et le sacrifice de tant de leurs compagnons, la perte de tant d'êtres aimés, de frères et de soeurs, de fils et de père, avait réussi à les mener vers la victoire et serait récompensé, le portail planaire, plus loin dans les forêts dévastées, rougit et rugit, comme un immense animal dangereux.

Tous le sentirent lorsqu'une énorme vague d'air brûlant les submergea : quelque chose arrivait. Quelque chose de bien pire que cette armée de flammes. Quelque chose qui feraient se sentir ridicules Kash'a et Varabesh à coté de lui…
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