Un Elfe sous la terre

[Grunsvika]

Sombre, silencieux. Le calme s'il en est. C'est cela que Grunsvika aime dans la pierre : loin du tumulte de la surface, la mine est l'endroit idéal pour prendre un peu de repos tout en passant du bon temps. Ce n'est pas que Grunsvika n'apprécie pas la compagnie; on ne peut nier qu'il y ait de ça pour expliquer son comportement, mais elle a surtout horreur des paroles inutiles, de tous ces bruits du quotidien de la surface qui lui monopolisent les tympans dès lors qu'elle remonte. Les roches, elles, sont ses amies. Lorsqu'elle les frappe de sa hache, leur chant déjà la renseigne sur la pureté du minerai. Aucune information inutile, aucun bruit inattendu. Tout est sous son contrôle.

Hélas tout le monde n'a pas le même goût pour ces simples joies; et surtout, certains n'ont aucun remord à briser la douce quiétude dont jouit Grunsvika lors de ses activités minières. Elle s'en est rendue compte en sentant la douleur cuisante qui émanait d'une de ses omoplates; mais à peine a-t-elle eu le temps de se rendre compte qu'une flèche vient de lui entailler la chair, qu'une autre vient se ficher dans son mollet. Maîtrisant la douleur, elle se retourne pour découvrir Melmoth, cet elfe qui avait déjà tenté d'infiltrer Karad la Belle. Que s'imaginait-il, se promener seul dans
les mines, royaume des Nains!

Néanmoins Grunsvika n'est pas venue pour se battre, d'autant plus que son adversaire avait l'air bien plus expérimenté qu'elle. Se contentant de battre en retraite, elle entendit alors la voix de son agresseur :

Va en paix, je te laisse filer, je ne voulais que tester la précision de mes flèches dans l'ombre des tunnels.
Je crois que je t'ai fait perdre assez de sang et donné un but dans les prochains jours : survivre au poison.

Que les Ombres guident tes pas.

Les dernières phrases étaient tout de même comiques à l'esprit de Grunsvika : elle sentait que sa santé revenait plus vite qu'elle n'était altérée par le poison, qu'elle sentait à peine… Elle prit une galerie latérale sans même prendre la peine de répondre. Elle ne savait que penser: si l'Elfe avait paru clément, il n'aurait pu s'attaquer à la cible trop facile qu'elle paraissait offrir pour en tirer de la gloire. Elle décida donc que l'attitude de son agresseur ne méritait que le mépris, d'autant plus qu'elle ne se sentait pas de taille à l'affronter.

Grunsvika continua alors ses pérégrinations dans les tunnels. Ceux-ci avaient alors retrouvé leur silence et leur calme coutumiers entre deux rencontres avec d'autres nains, que Grunsvika ne faisait jamais durer bien longtemps. Cependant, alors qu'elle se penchait pour retrouver quelque minerai de fer dont elle avait besoin, elle entendit de nouveau la voix :

Je ne te ferai pas de mal.
Une parole est une parole.
Du moins chez les Elfes.
Du moins chez les Ombres.

Ce ne sera plus le cas lors d'une prochaine rencontre à l'extérieur des tunnels.

Que les Ombres guident tes pas.

Décidément, l'Elfe tenait à lui assurer ses bonnes intentions! Elle n'en attendait pas tant. Elle continua de l'ignorer tout en assurant une bonne distance de sécurité avec l'étrange adversaire, jusqu'à ce que celui-ci fut tout à fait hors de vue.

Après avoir longtemps pesté de l'absence de son minerai, la ranger se décida à remonter à la surface. Les cailloux sont ses amis, certes, et la plus douce musique à ses yeux sont leurs chants sous les coups experts de sa hache. Mais respirer trop longtemps l'air moîte des grottes a ses inconvénients, et un peu de fraîcheur n'aurait pas été pour lui déplaire. Empruntant alors une galerie d'évacuation, elle tomba sur un spectacle étrange : Melmoth courait à perdre haleine dans la galerie, poursuivi par un Nain, Grom. Celui-ci semblait furieux : apparemment Melmoth lui avait aussi tiré dessus, mais Grom n'avait pas dû goûter aussi bien la plaisanterie que Grunsvika. Il criait, dans l'écho du tunnel : «Melmoth, tu vas me le payer!». Et en effet Melmoth avait des raisons de courir vite puisqu'il apparaissait tout sanguinolant. Il dépassa Grunsvika sans demander son reste avant de s'évanouir dans un tunnel.
Celle-ci s'adressa à Grom :

Eh bien, tu sembles avoir bien agité ce diable d'Elfe ! Je peux te donner un coup de main si tu veux. Je sais par où il est parti, et il a bien mérité un peu d'attention de la part de ma hache.

Celui-ci s'empressa de répondre :

Ton aide est la bienvenue.

Grunsvika s'élança donc à la poursuite de l'elfe. Puisque, dans sa fuite, il était passé devant elle, elle était plus proche de lui que ne l'était Grom.

Lors de leurs multiples rencontres elle avait observé l'attirail de son ennemi, et elle savait que réussir à faire porter ses attaques ne serait pas chose aisée. L'Elfe semblait porté sur l'esquive des coups de ses adversaire et Grunsvika elle-même n'était pas une combatante spécialement habile. Néanmoins, elle décida de tenter le coup et d'asséner directement la meilleure de ses frappes à Melmoth. Enfin elle le rejoignit. Tout elfe qu'il était, il avait eu trop de distance supplémentaire à parcourir pour ne pas se faire rattraper, épuisé, par une naine prête à tout et encore fraîche.

Il n'eut que le temps de dégaîner son arme avant de voir s'abattre sur lui le terrible fer de hache. La surprise et la fatigue ne l'aidèrent pas à esquiver l'attaque, il vit avec effroi le fer froid s'enfoncer dans sa chaire à peine protégée. C'est alors que vint la deuxième attaque, dans le même mouvement et plus terrible encore. Cette fois-ci la hache, maniée par celle qu'il avait crue inoffensive, lui labourra les côtes avant de remonter vers l'épaule.

Melmoth était déjà mourrant, meurtri qu'il était par les terribles coups de hache, quand survint Grom, poussé par une Rune de Célérité lancée par Grabuge l'Ancien. Grom n'eut que le temps de voir le corps ensanglanté et démembré de l'Elfe avant de lui asséner le coup fatal.

Ainsi se termina l'expédition en territoire ennemi de Melmoth, Elfe, qui a croisé Grunsvika puis Grom.