[Scénario final] Pryd, ami ou ennemi ?
#83
Les combats faisaient rage. Selinde ne pouvait détacher ses yeux de sa main, incapable d'en faire cesser les tremblements. Elle la contemplait dans toute l'horreur de son impuissance : jamais les flux arcaniques qui en jaillissaient sous forme de flammes dévastatrices ne lui avaient paru aussi insignifiants. Aussi inutiles. Elle avait eu beau déployer toute sa magie, nul sortilège n'avait su ébrécher efficacement les armures rutilantes de la noblesse holdar. Elle n'était pas de taille à affronter ce métal qui absorbait la magie, dans lequel étaient forgées leurs cuirasses.

Cette main, tremblante sous ses yeux impuissants, témoignait de cet effort totalement vain. Elle témoignait de cette obsession désespérée de vaincre ces grands êtres bleus et la folie de cette tentative. Certes, la Caldras n'avait pas menti sur sa volonté de protéger ses vassaux au péril de sa propre vie, comme tel devrait être le devoir de tout seigneur talien. Mais n'y avait-il pas autre motivation qui avait insidieusement guidé son choix, presque à son insu ? Se dégageant de l'emprise sinistre de sa propre paume, elle s'attarda sur le Renégat.

Peut-être mieux que quiconque sur ce champ de bataille, elle comprenait le sens profond de ses desseins. Elle savait l'injustice d'un peuple sous le dictat d'une élite dorée. Elle ne connaissait que trop bien les humiliations et offenses infligées par cette poignée de privilégiés à la plèbe. Son corps en porterait indéfiniment l'infâme souillure. Son coeur porterait ces stigmates jusqu'au paiement de son dû, lorsque ce chien se noiera dans son propre sang. Pryd souffrait de séquelles identiques et menait une croisade similaire, meurtris par les excès de quelques nantis et portés par un rejet viscéral de cette aristocratie décadente. Seule la méthode différait fondamentalement : tandis qu'il avait pris d'assaut Isaroth, elle avait assiégé le cœur d'Elene de Volaran.

Celui de la pyromancienne se contracta violemment : la princesse lui pardonnerait-elle sa décision de prêter main forte à celui qui avait fait empoisonner son père ? Certainement pas si elle revenait avec une défaite aussi tonitruante. Elle n'avait désormais plus d'autre choix que de vaincre pour garder l'affection de sa belle. Alors qu'elle pressait déjà ses talons contre le ventre de sa licorne pour l'envoyer près du front et épuiser ses dernières forces dans la bataille, elle lui fit faire volte-face soudainement. Elle venait de réaliser que ses doigts jouaient intuitivement avec une petite chaine pendue à sa ceinture. Elle l'avait oubliée dans la force de l'habitude et de ses travers gestuels, et pourtant, cette chaine, dotée de glyphes holdars et capables d'absorber toute forme de magie, venait de lui inspirer un ultime atout.

"Vous me paraissez bien en peine de maintenir la cohésion de vos troupes. Même votre ombre se trouve en difficulté face à quelques récalcitrants... Ma magie s'avère inefficace face à vos pairs alors que la vôtre pourrait nous être salvatrice. Laissez-moi vous soutenir de mes réserves de mana pendant que vous soutiendrez mes compagnons et les nordiques de vos illusions", proposa-t-elle à Pryd en lui tendant une main amicale. "N'est-ce pas une façon de temporiser les assauts ennemis pendant que votre fille et votre seconde ombre s'acquittent de leur discrète mission ?"

Si elle ignorait tout des intentions du holdar, l'absence de Lhuste et le discret départ de sa seconde ombre vers Isaroth ne lui avaient pas échappé. Elle ne croyait pas aux coïncidences, ni aux révolutions menées seuls contre tous. Sans l'appui d'une faction holdar à l'intérieur même d'Isaroth, l'entreprise de Pryd était vouée à l'échec. On dit qu'il n'est pas de forteresse plus solide que l'affection d'un peuple. Qui de Pryd ou du Haut-Prêtre Erhan en disposait ?
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