Moralité en solde
#7

La journée avait été chaude pour un printemps et Selinde semblait plus que satisfaite d'avoir atteint Nyméria avant le coucher du soleil. Abandonner les nuits à la belle étoile pour une chambre d'auberge douillette n'était pas pour lui déplaire. Mais avant de se glisser dans un sommeil réparateur, elle devait débuter son enquête préliminaire, les informations à sa disposition restaient trop vagues pour qu'elle en tire la moindre conclusion utile.

Elle avait choisi de voyager en solitaire jusqu'à l'avant-poste. Loin d'être pesant, le silence dans lequel elle s'était murée, lui avait offert la sérénité nécessaire à son deuil. Celui de l'enfant qu'elle avait porté durant quelques mois. De cette petite vie au creux de son ventre qu'elle avait volontairement éteinte prématurément. Elle aurait pu être mère, mais avait préféré l'infanticide. Les événements dans l'Ingemann ne lui en avaient pas laissé le choix, n'est-ce pas ? Du moins, elle s'en était persuadée pour atténuer sa peine et sa culpabilité. Sans l'interruption du rituel... Sans la fracture dans la réalité... Sans ce lien psychologique avec le skalde... L'aurait-elle vraiment gardé ?

Mais à l'instant, son esprit était entièrement mobilisé pour cette nouvelle mission. La talienne retrouverait Yan et Lynn à l'intérieur de l'enceinte tandis que Dione et Chord les rejoindraient dans quelques jours. Elle arpenta les rues en quête de la caserne et surtout, de son officier supérieur. Quelques miliciens lui indiquèrent prestement qu'il, comme à son habitude, s'entrainait à manier la hache sur quelques bûches innocentes dans la cour arrière. Elle se posta devant lui, l'observant un temps fendre le bois avec des coups secs et puissants. Alors qu'il reprenait son souffle, levant des yeux inquisiteurs vers la spectatrice, celle-ci le salua, poing fermé sur le cœur à la manière des militaires.

"Mes respects, Commandant.
Je suis Selinde Belroza, commandante de la Salamandre. Mes hommes et moi-même sommes venus prêter mains fortes à la milice de Nyméria afin de mettre un terme aux exactions de ces criminels notoires. Le seigneur Di Scudira, que vous avez certainement rencontré il y a quelques semaines, nous a vaguement, expliqué la situation."


Elle ne précisa pas que Victor avait demandé leur assistance pour éradiquer le banditisme de la région. La sorcière n'était pas particulièrement dupe quant aux intentions inavouées du jeune noble. Autant que la force de frappe de ses hommes, c'était un prétexte à la voir qu'il souhaitait.

"Même si notre effectif ne sera pas au complet, nous devrions pouvoir vous apporter un soutien non-négligeable."

Le sauvetage de la charmante, disait-on, fille du Caldras de Port-Noir avait remporté l'adhésion de certains. Selinde ne pouvait leur donner tort. La tâche était de loin moins salissante que l'extermination d'un réseau de malfaiteurs. Après tout, mieux valait préserver la vie d'une personne pouvant vous octroyer une influence politique notable, ou même une Nurmethie si les circonstances si prêtent, que la population déshéritées d'une province, n'est-ce pas ?
Un sourire aimable aux lèvres, la pyromancienne continua.

"De ce que j'ai cru comprendre, ces perturbateurs bénéficient d'un soutien financier assez impressionnant et n'hésitent pas à le faire savoir. Soudoyer un juge n'est pas à la portée de toutes les bourses. Avez-vous la moindre idée d'où pourrait venir cette manne pécuniaire ?"

Il paraissait évident que ce n'était pas en s'appropriant les rares deniers des paysans des environs que ce réseau avait pu déployer de telles ressources. Sans avoir poussé la réflexion, deux grands axes de piste lui venaient en tête. L'un faisait état d'un filon des plus rentables, encore à déterminer, qui avait fait leur fortune sur le marché noir et dans les milieux de la contrebande. L'autre théorisait d'une corruption à un niveau social beaucoup plus élevé, mais sous-entendait qu'un riche et influent individu, probablement noble, avait eu intérêt à acquérir une telle main d'œuvre.

Pour l'heure, il ne s'agissait que de réflexions sans grand intérêt, faute d'informations tangibles. La fresque retraçant la vérité derrière cette affaire s'animerait en temps voulu. Peut-être auraient-ils à infiltrer ce milieu pour le démanteler de l'intérieur ? L'idée ne lui plaisait pas particulièrement, mais il lui fallait admettre qu'une telle supercherie était dans ses cordes. A la vérité, elle était disposée à user de bien des moyens pour délier leurs langues.

"Par hasard, vous ne sauriez pas où ils ont pour habitude de se réunir pour abuser d'alcool et de femmes ?"

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