[RP] Bienvenue sur les Quais du Basalte
#1
Citation :[HRP] Petit RP en réaction à l'une des rumeurs du topic dédié. smile

« A partir de maintenant, tu me laisses faire. Evite d'attirer les regards et contente-toi de me suivre en silence. Et surtout, tu n'interviens pas ! »

Je déposai un léger baiser sur ses lèvres pour couper court à toutes les protestations que Victor n'aurait pas manqué si l'occasion lui avait été laissée.

Je fis alors un pas en arrière afin de jauger une dernière fois mon œuvre. Ses atours bordés d'écarlate avaient laissé place à de vieilles guenilles grossièrement rapiécées d'un blanc qui ne l'était plus tout à fait. Ses braies, d'un brun délavé et faites d'un tissu rude au toucher, rappelaient ceux que portaient les paysans taliens pour leurs travaux des champs. Des travaux que tous supposeront suffisamment rudes pour avoir forgé une carrure digne de celle d'un guerrier. Malgré les traces de poussières dont j'avais maculé son visage, ses yeux de ce bleu qui me fascinait tant, ressortaient toujours intensément.

A la vérité, il m'était impossible de travestir ce port altier qui caractérisait le jeune homme et ceux de sa caste dominante. Ses manières le trahiraient sans l'ombre d'un doute. Sa seule façon d'être romprait l'illusion de ses frusques pouilleuses pour des yeux scrutateurs et perspicaces. Mais après tout, la nuit au Basalte, on ne disait pas que tous les chats étaient gris, mais bien que tous les marins étaient grisés.

Je poussai un petit soupir me demandant une fois de plus comment il était parvenu à me convaincre de cette ridicule mascarade. Ses sourires, ses murmures et ses baisers… Telles étaient les armes dont il usait et abusait pour m'amener là où il le désirait, à son entière merci. Ma sottise m'avait grandement exaspérée lors de cet instant où je lui promettais, dans un souffle sensuel, de lui faire découvrir mon univers de misère.

Nous nous tenions devant l'une de ces nombreuses tavernes miteuses qu'abritaient les Quais de Basalte. Les Tétons de Nogon. Ce n'était ni la plus agréable, ni pour autant la plus vulgaire. Mais son réel avantage était que le tenancier ne se risquerait pas à me jeter dehors à la simple vue de la blancheur de ma chevelure. Pas de suite, du moins. J'eus un petit ricanement à cette idée.

Les odeurs d'alcool et de sueur me frappèrent les narines dés que je franchis la porte, suivie de Victor. Un rapide regard sur la salle… Bondée, comme chaque soir. J'aperçus deux places assises au comptoir. Parfait, je n'en attendais pas tant. Je pris mon amant par la main pour le guider entre les tables de bois où l'on riait, trinquait, discutait et jouait bruyamment, bousculant sans ménagement les manants qui juraient de mes manières, avant de chuchoter à leurs voisins à ma vue.

« La blafarde est d'retour au bercail.
- La garce, je l'croyais à nourrir la poiscaille.
- Tu parles. Ca crève pas c'genre de raclure.
- Pire qu'sa mère, moi je te l'dis.
- Je me l'ferai bien, mais tu sais ce qu'on dit…»

Après les avoir menacés d'un regard incendiaire, je pressai le pas dans l'espoir que ces bruits à mon sujet n'écorcheraient pas les oreilles de mon noble invité. Je lui fis signe de s'installer sur l'un des deux derniers hauts tabourets en face du comptoir et pris place sur le second, à sa droite. Reprenant cet accent populaire dont j'avais tant peiné à me débarrasser, je pris commande avec un grand sourire ironique au patron qui me dévisageait mal à l'aise.

« Edwin, tu m'sors ta bibine l'plus forte pour m'compagnon et moi. Double dose. Comme d'habitude.

- La maison fait plus crédit à t'maudite famille. J'veux plus vous voir trainer dans l'coin et prendre l'place de bons clients. Des clients qui payent, tu vois.
- Fort dommage. Je v'nais régler les dettes de Dione. »

Le tavernier parut incrédule jusqu'au moment où je sortis une petite bourse contenant une partie de ma solde de mercenaire. Il émit un sifflement satisfait et s'en empara avidement avant de revenir avec deux verres et une bouteille.

-« M'demoiselle est servie. Et lui ?
- Un client à déniaiser. Pour une première, j'fais dans l'préliminaire.
- J'te laisse à ta prestation alors. »

Il s'éloigna dans un ricanement graveleux pour s'occuper d'un matelot déjà fort aviné. Bien. La populace était toujours aussi aisée à duper, surtout lorsque l'on agitait sous leur nez le leurre de leur croyance profonde. Que pouvait donc faire de sa vie la fille d'une prostituée si ce n'est reprendre l'entreprise maternelle ? « Enfin », devaient se dire les badauds qui avaient suivi d'une oreille la conversation. Les idiots. Un rictus malsain passa brièvement sur mes lèvres à la pensée de leur accablante médiocrité. Au moins, nul ne poserait d'avantage de questions.

Je me rendis soudainement compte que j'avais glissé ma main sur celle de Victor, posée négligemment sur le comptoir que les restes de boissons mal-nettoyés avaient rendu poisseux. Je l'avais fait dans un réflexe, comme le besoin aussi vital et banal de respirer. En quelques jours passés avec lui, sa présence près de moi était devenue une évidence, au même titre que celles de Dione et Yan. Etais-je en train de perdre totalement pied face à ce nobliau ? Il était temps de me ressaisir drastiquement et de m'éloigner de son influence. Mais en avais-je seulement envie ?

J'approchai mon visage du sien pour entamer une discussion discrète, audible pour lui seul, avec un léger sourire sarcastique. Mes lèvres effleuraient presque les siennes.

« Messire est-il satisfait de son début de soirée au milieu de la plèbe grouillante et insignifiante du Basalte ? De quoi rafraichir son gosier asséché peut-être ?»


Après avoir rempli un verre à chacun, je regardai le liquide ambré, songeuse, au travers du mien dont l'opacité douteuse laissait deviner une salubrité loin d'être irréprochable.

« Enfin, s'il ne finit pas brûlé par la même occasion que ton foie. »

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