Les chroniques éternelles : récits du temps des Elfes - Prologue
#4
4 - La vue

L'obscurité organique qui enveloppait l'elfe siphonnait ses sens chahutés par le chaos antérieur.

Engloutie dans les tréfonds poisseux et morbides de la créature, sa vie glissait le long d'un tube digestif moribond.
Les borborygmes atroces, l'odeur pestilentiel, le goût infâme et le toucher visqueux des entrailles du monstres se disputaient la palme de la pire sensation que pouvait ressentir un être vivant. Alors que sa vie le quittait, les secousses perpétuelles de l'organe avait su ranimer l'étincelle qui l'habitait toujours. A ce moment précis, il aurait souhaité être mort sur le coup, plutôt que de vivre les tourments inimaginable d'un délitement sans fin par les sucs digestifs d'un monstre millénaire.

Puis ce fut la panique qui prit le dessus, s'agitant en tous sens, cherchant sa respiration, vomissant, s'agrippant, glissant, se contorsionnant, il se débattait inutilement telle une proie saisie dans son sommeil par un reptile à l'étreinte mortelle. Après de longues minutes de lutte, ses forces l'abandonnaient, le désespoir avait pris l'ascendant, rien ne pourrait le délivrer du funeste destin qui l'attendait.

Pleurant, seul dans l'obscurité épaisse qui l'entourait, il se recroquevilla sur lui-même, tel un enfant à naitre dans la matrice maternelle. Les yeux ouverts, contemplant la mort qui l'attendait, inexorable ennemie qui l'aurait cueillit trop tôt, il s'absorba tout entier dans cette absence de lumière. Tantôt secoué, tantôt bloqué au sein de ce tube écœurant, son esprit s'exila là où son corps ne pouvait se rendre.

Il revit sa mère qu'il avait peu connu, il contempla les champs dont il s'était occupé, il se souvint de celle, qu'une fois, il avait embrassé. Était-ce donc tout ? La vie n'avait-elle que cela à lui offrir ? Des plaisirs fugaces au milieu d'un océan d'injustice, de misère, de désespoir ou de guerre, n'y avait-il que cela à espérer ? Son enfance lui avaient été volée, sa vie même. Il n'avait jamais été personne, pour quiconque, le peu qu'il avait jamais eu lui avait déjà été pris. Les chimères d'un avenir meilleur s'étaient envolées en même que son innocence. Torturé par ce vide qui le rongeait, il voulut crier, mais noyé par les glaires d'une déglutition de la bête haletante, ne lui échappa qu'un hoquet lamentable.

De l'expression de sa rage même il était privé. Se plongeant à nouveau dans les ténèbres visqueuses qui le portaient, il se résigna. Abandonnant toute haine, lâchant prise à sa pitoyable existence, ainsi qu'à sa fin encore plus insignifiante, il se focalisa sur l'instant. Le visage collé à la paroi répugnante, ses yeux désormais habitués à l'obscurité perçurent un léger vacillement dans ce noir opaque. Plaquant ses deux mains sur la face interne de cet œsophage, où désormais il stagnait, il perçu le battement régulier d'un rythme cardiaque.

Son coeur à lui suspendit un instant sa cadence. Un fol espoir naquit soudainement en lui, une idée que seul un homme au seuil de la mort pourrait concevoir. Cherchant à agripper la paroi qui lui faisait face, il agita les bras, sa main gauche rencontra la dureté d'une tige de bois. Il s'agissait à n'en pas douter d'une des flèches qu'il transportait lorsqu'il fut avalé par la bête, il s'en saisit et l'extrayant de la poche de mucus où elle s'était fichée se mit à frapper de toutes ses forces à l'endroit même où il avait perçu un changement de lueur.

Et s'il avait raison, et s'il existait un espoir ! Son esprit apathique reprit vie, et une fougue jamais ressentie le pénétra. Un seul mot résonnait désormais dans sa dernière part de conscience, alors que la paroi se déchirait sous ses assauts furieux : Vivre, Vivre, VIVRE, VIVRE !!!!
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