Les destins empoisonnés
#10
Pendant ce temps-là, Lanaë, dans une tenue convenable pour le souper, interrogeait sa mère et Acle sur l'absence de son père. Aucune des deux ne semblait détenir la réponse.
Pourtant, la jeune femme ne se décourageait pas et émettait mille hypothèses.


« Peut-être que père a été retenu par l'Administration du royaume. Ce ne serait pas étonnant... avec toutes ces affaires, en ce moment. »


La mère acquieça, sans un mot. Son visage ne laissait passer aucune émotion. Souriante et exempt d'agitation, elle ne prenait jamais réellement part aux conversations. Contrairement à sa fille d'une gaieté aimable, elle affichait rarement sa joie. Tandis qu'elle s'effaçait en société, Lanaë allait au devant des autres pour les intéresser. Néanmoins, celle-ci conservait les grands yeux turquoise de sa mère, pareils aux gisements de pierres précieuses, avec leur gangue vert-de-gris. Elle avait par ailleurs hérité de sa bouche longue et charnue.


« Ou peut-être s'est-il passé quelque chose de grave en ville qui a requis sa présence. »

De nouveau, la mère de Lanaë acquiesça.

« Peut-être aussi que ... »

Un claquement de porte se fit entendre, interrompant toute spéculation. Un homme dynamique, grand et robuste, entra dans la pièce. Danthanel apparut radieux, comme si de rien n'était, dans des vêtements tâchés de sang. Sa femme, prise d'incompréhension, ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais la referma aussitôt.


« Père qu'est-il arrivé ? », se risqua Lanaë, bien que son père détestât qu'elle prît la parole sans la lui avoir demandée.

Celui-là ne prêta pas attention au questionnement de sa fille, et appela des servantes.


« Je m'en vais me baigner dans ma salle d'eau. Mes habits seront dans le panier en bois, sur le seuil de la porte », renseigna-t-il.

Les servantes opinèrent et partirent en direction de la blanchisserie du Palais.


Dès lors, tout le monde quitta la pièce. la jeune prêtresse reçut l'ordre de gagner sa chambre, et de se coucher. L'elfe était fatiguée ; ses leçons de harpe de la journée l'avait mentalement épuisée. De fait, l'exercice de la musique demandait de la rigueur. Pourtant, elle ne parvint pas à s'endormir. D'obscures pensées tourbillonnaient dans sa tête laissant l'anxiété s'emparer d'elle. Ses yeux finirent par se plisser sous la pesanteur des paupières.


Le lendemain matin, après une nuit sans rêves, Lanaë se réveilla pleine d'incertitudes. Montant dans le ciel, le soleil transperçait la fenêtre en vitrail de sa chambre et déposait de minuscules motifs colorés sur le sol tapissé. Des rayons de lumière tièdes s'arrêtaient près de sa table de chevet et plongeaient sous son lit à baldaquin. L'elfe cligna des yeux en voulant observer l'astre du jour à travers la baie en verre. Son coeur se serra. Cette ambiance réconfortante ne suffisait à apaiser ses craintes. Aussi implora-t-elle sa mère de pouvoir rester au lit.
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