Milles étoiles sans Dame Lune.
#3
Les bruits de pas dans la rue n'éveillèrent pas la prudence naturelle de Cendre. Elle resta stoïque, les yeux perdus dans les étoiles. Elle savait qui c'était, et c'était pour ça qu'elle n'avait rien à craindre. Victor ne lui ferait jamais de mal, du moins, pas sciemment. C'était ce qu'elle croyait, même si par habitude, elle tendait à toujours se méfier de tout. Sa mère avant elle ne s'était pas assez méfiée, et depuis, elle avait cette fâcheuse tendance à tenir tout le monde loin d'elle.
Sauf Victor.
Victor, pourtant, avait une place très particulière dans cette famille un peu étrange. Il était à la fois l'enfant de l'adultère, mais également l'enfant de l'amour – et son unique frère. Elle ne se sentait pas proche d'Hemina – à vraie dire, elle la haïssait tout autant que Lazzare – mais Victor n'avait rien demandé et avait été le jeton du destin.
C'était ce que lui avait longuement expliqué Lìrulìn. Comment en vouloir à un être imprudent qui n'a rien mérité, rien demandé, qui vit simplement par le fait du sort ? Lìrulìn aimait bien Victor, pour les quelques fois où il leur avait rendu visite. Elle avait le coeur bon et maternel. Cendre, parfois, avait été jalouse.
Mais ça ne se passait jamais ainsi quand elle rendait visite à Lazzare. Avec le temps, elle avait même exigé de ne plus voir Hemina. Lazzare lui avait répondu qu'il n'avait pas à cacher sa femme de la vue de sa fille. Cendre avait renoncé à voir son père dans sa maison à Malefosse.

Elle inspira profondément et soupira bruyamment, sa tête dodelinant doucement au grès de la brise.

« C'est moi la grande sœur, tu n'as pas à t'inquiéter pour moi. »

Il était vrai que même si Cendre était de quelques années plus âgées, son visage poupon ne révélait que difficilement son véritable âge. Là encore, son corps n'avait su quoi faire entre grandir comme un homme ou vieillir comme un elfe. Elle était un peu des deux. Un mélange incongru et malade.

Un petit silence s'installa, durant lequel les yeux de Cendre étaient fixés sur ses mains qui luisaient doucement, de petites flammèches s'enroulant autour de ces doigts, joueuses et carnassières. Elle semblait triste, triste comme les pierres.
Ça lui arrivait parfois, quand la cervelle s'égarait à réfléchir.

« Je me demandais juste… tu sais... » Elle serra les poings, étouffant la flammèche encore vivace. « … si elle est encore vivante. Si je vais au nord, c'est pour la retrouver, et en même temps, j'ai un peu peur je crois. Si elle a choisi une autre vie ? Sans moi ? Si… si elle est morte ? De la façon la plus horrible qui soit ? Seule ? Dans la neige ? »

Sa gorge se serra, imaginant les scénarios les plus terrifiants. Elle imaginait le visage pâle de sa mère, immaculée, dans la neige, le corps paralysé. Un peu plus loin, le chariot du convoi éclatait.
Par qui ? Par quoi ?
Des flammes bleutées s'échappèrent de ses poings, brûlant avec violence.
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