Le jour le plus froid
#2

Je suis né pendant le jour où la nuit est la plus longue de l'année, glacé et pauvre de vitalité.

Le blizzard soufflait fort, mais les cris de panique de mes parents réussirent à attirer Sylleüs. La flamme de ma vie vacillait, et chaque vie d'enfant elfe était un trésor rare dispensé par Fryelund.
Je reçu nombres de prières, de sorts, de bénédictions, de potions, jusqu'à que je m'accroche péniblement à la vie peu avant minuit. Le prêtre me confia enfin à mes parents avec un sourire.

Mon père, Eden Ezellohar, servait les esprits sous la tutelle de Sylleüs. C'était un père attentionné, qui sacrifia une grande partie du temps qu'il passait jadis au temple, auprès de moi.
Il avait de longs cheveux blonds dorés, exceptionnels pour un elfe des neiges, que j'aurai tant aimé avoir, et des yeux céruléens qui brillaient dans la pénombre d'un éclat mystique.
Auprès de lui, j'ai appris, l'histoire, les sciences, la religion, les chants, la musique de notre peuple, tout ce qui pouvait faire de moi un fier elfe du nord.

Ma mère, Linea Ezellohar préférait s'en tenir aux armes et servir directement notre reine.
Prête à tout donner pour son peuple et sa famille, faisant toujours preuve d'une grande abnégation et d'un grand courage, sa force de caractère m'a toujours marqué, et j'espérai avoir le centième de sa droiture.
J'ai hérité des beaux traits de son visage et de ses yeux gris comme l'acier.

Tous deux faisaient preuve de zèle envers leur tâche, bien que j'accaparai une bonne partie de leur temps.

Ils me nommèrent Lenwë, car j'étais ce qu'ils avaient de plus précieux.
Un enfant chétif qui ne tarda pas à rester cloîtré chez lui. Je tombais souvent malade, cela durait des jours, parfois des semaines, pendant lesquels mes parents affolés tentaient de combler mes maux et mes caprices.

Comme tout enfant malade, je m'intéressa à la littérature. Les romans comblèrent mes attentes pour des années, à défaut de jouer dans la neige avec les autres enfants, qui avaient de toutes manières vingt à trente ans de plus que moi.

Cela ne m'empêcha pas de sortir à un moment, faire le tour de la ville, de ses magnifiques bois glacés. Je me liai d'amitié avec Ahliara, la fille de nos voisins qui avait 18 ans de plus que moi, et avec Faldor, le petit-fils du vieux forgeron.
Faldor était toujours gentil, et était un peu comme un grand-frère pour moi, avec ses cheveux bruns et sa forte carrure, il tranchait avec la plupart des autres elfes, il avait cette droiture et cette force des chevaliers de légende, et il pensait sérieusement à de demander à Lösse Anardil de le prendre comme apprenti, une fois adulte.

Ahliara se tournait plutôt vers la voie des éléments, elle s'idéalisait comme mystique et prêtresse de Fryelund.
Elle était mignonne et intelligente, j'ai eut le béguin pour au moins 10 ans mais elle préféra que nous restions amis. Cela me déchira le cœur pendant un moment, puis finalement comme toute blessure, cela vint à guérir.
Je suis resté ami avec elle et finalement, je ne le regrettais pas.

J'ai vécu ainsi pendant presque un demi-siècle, dans la maison construite par mes parents, avec l'aide de mes grands-parents, presque 300 ans plus tôt, avant de s'unir devant Fryelund.

L'édifice était en majorité constitué de bois, mais s'enorgueillissait des exigences et des prétentions de toute maison elfique : suffisamment grande pour accueillir un hall d'entrée, un salon, une bibliothèque, une salle de bain, une cuisine, et trois chambres. Chaque pierre était finement ciselé, chaque plaque était parfaitement découpée, chaque poutre était soigneusement sculptée.

Naturellement, avec le temps, ma famille porta des espérances sur des talents magiques. J'étais plutôt fragile et intellectuel, des traits partagé par une grande partie des plus brillants mages qui vivaient à Asteras.

Cela s'avéra désastreux, je n'avais que peu d'affinité avec la magie élémentaire.
L'eau et l'air se trouvaient à des lieux de mes capacités. Je désespérai d'être utile, d'avoir ma place au village. Je ne voulais pas être un poids, un fardeau.
J'ai travaillé jour et nuit pour maîtriser petit à petit l'aéromancie. Je m'enfermais de plus en plus à l'intérieur de la bibliothèque, m'entraînant sans relâche, sacrifiant tout le temps et l'énergie que j'avais.

Cela m'a rendu malade, de nombreuses fois. Je terminais mes journées avec des migraines horribles, qui forçaient mon estomac à épandre son contenu. Tout cela pour avoir le plus petit résultat.

Lentement, je maîtrisais le vent, pour déplacer de petits objets dans un premier temps, puis à imprégner du tissu de l'essence de l'air pour le rendre plus léger. A défaut, je tenta également de maîtriser la magie pure avec un vieux grimoire.
Mes résultats ne brillaient pas plus dans ce domaine, mais la magie pure me semblait plus sereine à l'utilisation, plus logique.

Débarrassé de mysticisme, de religion, et de superstition, l'arcane me semblait plus simple et épurée.

Si au début je pouvais être un très médiocre mage, à force de travail, je vins à mieux maîtriser la magie que mes plus jeunes aînés.

Je me souviendrais toujours de Ahliara s'exclamer combien j'étais doué en me voyant créer une orbe de feu bleu.

Cela me surprit.
Depuis des années, je n'étais que l'enfant frêle et malade aux yeux de Cyrijäl et à cet instant, j'étais devenu un prodigue. Je m'étais réfugié difficilement dans la magie car elle me donnait un espoir, et je finissais par avoir un don. Je remerciai la magie, je l'aimai pour m'avoir apporté de la reconnaissance auprès des miens.

Je persévéra pour maîtriser tous les sorts du vieux grimoire, j'en suis resté sur ma faim, car les secrets du grimoire ne représentaient qu'une infime partie de l'arcane.

Je devais progresser, je devais aller plus loin.

J'amassais chaque pièce d'or que je trouvais dans l'espoir de pouvoir rejoindre Asteras et un académie de magie.
Je m'aventurai en forêt pour chercher les fleurs nécessaires aux apothicaires. J'aidais comme je pouvais au village en prenant les courses, les petites livraisons, les petits courriers.

A 65 ans, je ressemblais à un frêle humain qui n'avait guère que 13 hivers, je pouvais à peine aider aux travaux les plus éreintants comme le transport du bois ou du gibier avec ma maigre force, mais j'essayai.

Tous les villageois se rendaient compte que je travaillais pour rejoindre une école de magie. Les elfes du nord formaient une grande famille, et il y avait cette folle idée que le nord accueille un nouvel archimage.
Ils offrirent à mes parents une grande partie de l'or nécessaire.

Je ne pouvais pas assez les remercier. Je ne pourrai certainement jamais.

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