Cendre, ou l'oxymore sophistiqué.
#3
[Image: unkxeFN.png]« Vous êtes… reine ? » balbutia difficilement Lazzare, submergé par la timidité, lui qui ne l'avait jamais vraiment été. C'était même un gaillard sociable et sans gêne, assuré et plein de prestance. Pourtant, face à elle, il se sentait un petit gamin sans défense.

Elle, elle était d'un calme olympien. Sa peau était laiteuse, blanche comme un nuage, et ses yeux étaient d'un bleu légèrement violacé. Elle tenait dans la main droite ce qui ressemblait à un bâton stylisé. Haut de deux bons mètres, ce n'était alors qu'un barre d'or blanc se terminant en un arc de cercle ciselé d'arabesque. Il s'était dit que c'était le signe d'un haut rang, mais pour être bien honnête, il ne savait plus trop, il ne savait plus grand-chose.
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« Non » elle eut un petit rire qui sonnait moqueur, mais le son de voix était un tintement doux, sans impureté « je ne suis qu'une prêtresse. »
« Une prêtresse ? » Il aurait du s'en douter, habillée d'une houppelande blanche et bleu pâle, mais elle était si belle, « Votre reine doit être bien jalouse, car je doute qu'une créature puisse être plus belle que vous dans tout Ecridel. »

Un silence s'installa, comme Lazzare se rendait compte qu'il avait parlé avec le coeur plutôt qu'avec l'esprit. Il ravala difficilement sa salive, baissant légèrement les yeux. Elle eut un petit sourire en coin, charmé peut-être par ces maladresses et par son honnêteté, surtout par son honnêteté. Ce n'était pas des choses que l'on entendait chez les elfes. Ils étaient tous trop humbles et modestes en amour, tous dans la patience. Il n'y avait que les hommes pour connaître la passion dévorante.
À la vérité, l'amour elfique était peut-être plus doux et sans vague, mais il avait le mérite de durer éternellement pour bien des couples. La prêtresse n'ignorait pas qu'il y avait chez les hommes une éphémère flamme amoureuse, qu'elle apparaissait parfois comme un brasier inépuisable et s'éteignait au premier coup de vent.

« Ma Reine n'a rien à envier à la beauté, mais je vous remercie du compliment. » Un petit geste de tête en guise de merci, la « jeune » femme – Lazzare ignorait son âge et n'aurait pu le deviner – avança sa main fine vers lui. Il se pencha pour l'embrasser aussitôt. « Je suis Lìrulìn Meneldä. »
« Lazzare di Scudira, je-je suis… » Il chavirait, encore, se sentant faiblir. « … milicien, dans la nation entière, enfin, non, milicien du roi, je voulais dire... »
« Vous allez jusqu'à Malefosse ? »
« Non, Port-Noir, pour la fin de la semaine... » osa-t-il, se faisant de plus en plus petit sous le regard fixe de l'elfe.
« Alors nous nous suivrons. Je dois me rendre à Balard. »
« Pourq-quoi ? Enfin, pour... quelles raisons, Balard ? » Il s'était étonné de sa témérité et de sa curiosité. Lazzare n'était pas quelqu'un de très curieux, contrairement à ses sœurs. Il se contentait toujours du strict nécessaire à vraie dire. L'elfe eut de nouveau un petit rire, visiblement amusée par le talien.
« Je dois y soigner des blessés. »
« Oh. » Le soldat sembla réfléchir avant de reprendre, « C'est les attaques de saurotarques ? »

Elle hocha la tête avec un petit sourire.

« Vous êtes une guérisseuse ? »
« En tant que prêtresse d'Anantaë, c'est mon rôle oui. »

Il hocha à son tour de la tête, comprenant maintenant pourquoi il se dégageait d'elle une apparente douceur et quelque chose de tout à fait doux et calme.

« Je pensais qu'il n'existait qu'un seul dieu chez les elfes – à savoir Fryelund ? »
« Anantaë est le nom que l'on donne à l'Aspect de l'Eau. Fryelund est composé de mille aspects selon les elfes de Cyrijäl, et chacun d'entre eux commande à un élément et à un domaine. Anantaë est l'esprit de l'eau, l'aspect de la guérison et de la pureté. C'est l'Aspect que l'on vénère le plus à Cyrijäl. »

De nouveau, il hocha la tête. Il n'était pas difficile de comprendre cette position, car les taliens eux-mêmes étaient polythéistes.
Un autre elfe coupa pourtant la discussion qui avait commencé à l'entrée de la taverne. Il avait les cheveux blancs également et des oreilles longues et pointues. Il tendit sa main vers la jeune femme.

« Grande Prêtresse, il est temps de vous reposer. Demain, la route sera tout aussi longue et épuisante encore. »

Lìrulìn salua d'un petit signe de main Lazzare et suivit finalement l'elfe jusqu'à l'étage, sans doute pour rejoindre sa chambre.
Le talien resta circonspect. Elle ne s'était présenté que comme étant prêtresse, et pourtant, au vu des réactions des autres elfes autour d'elle, elle semblait tellement plus importante que ça… Le jeune milicien, sans comprendre, commanda un repas au comptoir et y passa une partie de la soirée à réfléchir.
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