[RP] Animation : Aiguemirail
#31

L'air est si épais qu'il laisse une sensation graisseuse. Comme une couverture imbibée d'huile rance, un linceul jeté à la face. Sa tourbe retient ses chevilles comme des mains avides chaque fois qu'elle fait un pas, la forçant à marcher comme une vilaine de trottoir après avoir travaillé des soldats avinés. Mais quand elle s'arrête, après avoir trouvé un coin de terre assez meuble pour y prendre posture, elle rit. Porte une flèche à ses lèvres pour en embrasser la pointe, illuminant le fer d'une luisance fugace, rougeâtre. L'encoche vient la porter et, près de son oreille, la corde se tend dans le doux grincement que l'archère affectionne tant. Presque autant que la mélodie suivant. Claquement de corde et impact. Rugissement de douleur et vibration lente de l'arme tournant autour de sa protection de poignet.

« Touché, petit hérisson... »

Le champion parmi les Saurotarques commence à saigner. Abondemment. La torbe prend une couleur étrange, nappée entre la framboise et la menthe. Hémoglobine et tourbe... Lev sourit, ses lèvres roses retroussées sur ses dents blanches, pinçant le bout de sa langue. Elle adresse un clin d'œil à Selinde au milieu des grognements fauves et des cris de douleur. L'odeur est atroce. Sa sœur plus pâle que de coutume. Elle fait la brave, la cadette de la portée des Blafards. Mais elle est inquiète. Quand elle tire trois flèches de son carquois pour aligner de nouveau, son minois d'adolescente est dépourvu de tout ce qu'il affiche d'ordinaire. Elle est sérieuse, un instant. Ils avaient blessés ses frères.

Quand le Champion tombe, elle ne sourit toujours pas, les yeux plissés et son petit corps voûté, tendu. Ses doigts usés par l'entraînement, calleux et rougis, dansent sur la corde de son arc pour faire la monnaie de son impatience. Ding dong dong, ding dong dong, répond à sa nervosité son arme fidèle. Et les bidasses beuglent des ordres. Encore. Ordres qu'ils ne suivent pas eux-mêmes et ne lui parlent pas, mais eux ce sont des nobles. De bonnes gens, bien habillées, avec des noms de famille et tout le tralala. Qui serait-elle, chat de gouttière, pour prétendre juger leur stratégie ? Ni pour oser rappeler que jamais il n'a été question de signer un pacte d'obéissance à ses braves, braves guerriers.

Tous les mêmes, disait Mère. Elle donne rarement raison à Mère, mais elle peut si bien l'imaginer gronder les braves, braves guerriers avec leurs joues lisses et leurs voix de jouvenceaux qu'elle ne peut pas empêcher le sourire de revenir à ses traits, malgré son inquiétude. Réfléchir au pourquoi de ces braconniers, à qui les avaient envoyés au milieu de la saison des pontes déranger ces ennemis capables de construire, de pleurer leurs enfants, donc de penser, ça non plus, ces braves gens ne semblent pas s'en préoccuper. Mais nom de famille, belles armures, tout ça. Après tout, il n'y avait eu que des petites frappes et des fermiers à en pâtir. Pourquoi ils s'en préoccuperaient tant qu'il reste du pain à leur table, les parangons ?

Pas elle qui va relever ça. Pas en public du moins. Elle laisse volontiers les parades à ceux qui ont les dentelles pour ça. Et qu'importe la souffrance des reptiles ! Ils ont blessé ses frères, ces saletés. Mère a bien des leçons utiles, mais la pitié et l'empathie n'y figurent pas vraiment. En attendant... Si les beaux gaillards en armures veulent les éloges, ils auront les siennes, toutes particulières, si Dione saigne encore davantage. Et où est son Yan ? Encore meurtri pour leur gloriole ? Elle va le tancer, bouh !

« Oh, un archer ! Chic ! »

Fait la jeune fille en bandant son arc de nouveau vers une gueule écailleuse. En plein museau, ça fait des licornes. C'est quand même plus joli.

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