Un bout de bobine
#10
Les combats avaient cessé, faute au manque d'adversaires encore valides.

Je hochai la tête, songeuse aux propos de Mhara. A vrai dire, mes frères, et même ma sœur, me surclassaient physiquement sans le moindre doute. Mon corps n'a jamais eu la robustesse de celui de Dione, ni les muscles noueux de Yan. Frêle et fragile, il n'était pas rare qu'enfant, je finisse rouée de coups dans une ruelle, après avoir agité violemment mes poings chétifs pour un regard de biais. Dione me ramenait alors à la maison, me portant dans ses bras tandis qu'à notre arrivée, Mère pestait de n'avoir trouvé le courage de me noyer à la naissance.

J'en gardais quelques cicatrices, dissimulées sous les plaques de fer de ma cuirasse. Elle aussi n'était qu'une illusion qu'il me plaisait d'entretenir. Revêtir les traits d'une chevalière m'offrait cette apparence tant désirée de force et de puissance. Si je n'en avais que l'allure, je n'en étais pas pour autant dénuée de tous arguments létaux. La manifestation tardive de mon Don pour la pyromancie avait été mon salut. A présent que mes flammes calcinaient les chairs avec plus d'avidité et de voracité qu'une lame se repait du sang de ses victimes, je n'étais plus un fardeau pour les miens.

La voix de l'elfe me sortit de mes pensées pour me mener vers l'univers de son conte. Elle continuait son récit tandis que je visualisais ces deux sœurs dont elle parlait. C'était le printemps, le soleil illuminait leurs boucles blondes qui retombaient en cascade sur leurs épaules légèrement dénudées. Toutes deux étaient éprises d'un même homme. Toutes deux étaient incapables de supporter la souffrance d'un rejet de l'autre. Toutes deux étaient tiraillées tant par l'affection d'une sœur que celle d'un amant. Toutes deux s'étaient condamnées à n'être jamais pleinement heureuses.

Pourtant, leur comportement m'apparaissait absurde bien que teinté de cette adoration fraternelle que je ne connaissais que trop bien. Pourquoi devaient-elles se sacrifier alors qu'elles pouvaient simplement partager ?

"Et donc ?"

Mhara s'éloignait à nouveau. Qu'avait-elle encore en tête ? Elle ne tenait décidément jamais en place. Je soupirai, en jetant un regard en coin sur Dione sans parvenir à dénouer le fil de ses pensées. Il restait rarement aussi silencieux.
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