Les liens du sang
#5
Évidemment. Il n'avait pas eu le droit de prendre un cheval. On lui disait qu'il prenait des décisions par soi-même et que c'était bien, ça oui. Mais l'autoriser à prendre un cheval, ça, il pouvait manifestement en rêver. Ce n'est pas parce que lui il n'avait pas pu le faire à l'époque qu'il devait l'interdire à son fils ! C'est vrai, ce n'était pas juste. Comme s'il n'était pas assez grand pour se débrouiller tout seul ! Il était adulte maintenant !
Adulte au regard de la société, oui. La maturité elle, se laissant parfois attendre. Il le savait, mais cela ne l'empêchait pas d'être énervé par le manque de confiance de son père. Il lui avait appris comment se battre et comment s'occuper d'un cheval, il n'y aurait eu aucun problème !

C'est en ruminant ces mauvaises pensées que le jeune Talien était cahoté dans le chariot de l'un des convois marchands auquel il s'était ajouté, ou plutôt auquel Lazzare l'avait confié. Comment pouvait-il lui montrer le fait qu'il n'avait besoin de personne pour faire un voyage si on ne lui en laissait pas l'occasion ! Bon, il était vrai que ça l'arrangeait tout de même, puisqu'il n'avait pas de cheval. Il n'avait pas à marcher pendant des jours et des jours jusqu'à Asteras. Mais il aurait très bien pu le faire !

Il les avait entendus. Il avait l'ouïe fine, et l'habitude. « Le bâtard de » Lazzare Di Scudira, du nurmeth de Malmont, … De façon bien moins poli parfois. Toutes les variantes possibles. Bien des attaques sur sa mère, aussi. Des mots qu'il devait garder pour lui, bien qu'il aurait aimé leur faire ravaler tout le poison qu'ils pouvaient déverser. Il devait garder le sourire alors qu'on l'insultait, garder la tête haute, garder ses maux pour lui. Rester fort comme son père le voulait, ne pas prêter attention aux méchancetés comme sa mère le faisait si bien et lui avait demandé de faire. Vivre en étant « le bâtard de », et c'était tout.
Mais non, il ne serait pas que ça. Dès qu'il le pourrait, il se démarquerait, si tant est qu'il le puisse réellement.

Il soupira faiblement et posa un instant ses yeux sur les deux marchands qui avaient parlé de lui, ceux qui conduisaient le chariot suivant. Puis il détourna le regard vers la jeune femme qui se trouvait sur le petit banc en face de lui. Elle semblait préoccupée par les cordes de son luth, mais releva la tête vers lui alors qu'il la détaillait. La vingtaine, longs cheveux blonds détachés, yeux verts guillerets et béret un peu trop grand selon lui. Une barde connue sous le nom de Callonetta, et qui avait chanté lors d'une soirée à laquelle il avait participé dernière. Sa voix était aussi jolie qu'elle-même, mais il se garda bien de lui dire. Il esquissa un sourire qu'elle sembla lui rendre plus poliment qu'autre chose, puis détourna le regard vers le fond de la carriole.

Il devait se réjouir de faire ce voyage. Cesser de trouver des raisons de faire la tête et d'être triste. Ne pas se préoccuper de ce que pouvait dire les marchands de derrière.
C'est ce qu'il fit. Il passa un certain temps à faire la connaissance de la barde et à discuter musique avec elle. Il put même lui emprunter son instrument pour jouer les rares morceaux qu'il connaissait, comme il avait eu une éducation musicale.

Finalement, ils arrivèrent à Asteras. Il remercia les marchands quelque peu âprement et la ménestrelle pour avoir rendu son voyage bien plus intéressant. Et chacun se sépara avec son baluchon sous le bras.
Victor connaissait l'endroit où résidait Cendre, mais dû plusieurs fois demander son chemin. La capitale Elfe était bien différente de celle Talienne, et il ne pouvait qu'être admiratif face à l'architecture des lieux. Il avait l'impression que la plupart des bâtiments étaient blanc. De nombreuses tours d'ivoire s'élevaient, alors même que cela ne semblait pas être des bâtiments particuliers. C'était simplement la beauté des constructions elfiques. Tout semblait tellement fin. Ils avaient dû en passer du temps à tout construire... Mais la perception du temps était différente entre Taliens et Elfes...

Il aurait bien visité maintenant, mais il voulait d'abord voir sa sœur, aussi finit-il par trouver le quartier puis la maison et toqua avec hâte à la porte.
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