Les liens du sang
#4

Le jeune homme esquissa un sourire en ouvrant la lettre de sa chère demi-sœur. Sourire qui se perdit un peu en lisant les premiers mots. Oups ? Il ne pensait pas qu'elle prendrait ça si sérieusement. Il savait bien qu'elle avait du mal à contrôler sa magie parfois, mais il était sûr qu'elle y parviendrait. Il replia le parchemin après une lecture rapide. S'il l'ennuyait peut-être vraiment, il préférait penser qu'elle était tout de même heureuse de le voir. De toute façon, si ça n'avait pas été le cas, elle ne se serait pas épargnée de lui de dire, tout comme elle le faisait si bien et de façon si diplomatique avec leur père… N'est-ce pas ?

Leur père. Il ne l'avait toujours pas prévenu de son voyage. Il faudrait bien qu'il le fasse avant de partir… Alors autant le faire maintenant. Il ne pouvait pas le lui dire une heure avant son départ. Quoique ça aurait été une option valide. Mais plutôt dangereuse. Il se doutait que sa mère n'avait rien dit, laissant à Victor l'immense plaisir de le faire.

Il bondit sur ses pieds, un air déterminé sur le visage. Il était plus que temps d'aller lui annoncer, il avait déjà trop repoussé. Oui, il se faisait peut-être une montagne de pas grand-chose. Ou peut-être qu'il avait raison de douter.
L'austérité de son père l'intimidait souvent. Son caractère en général à vrai dire. Les rares moments où il le voyait sourire était généralement ceux en présence de sa mère. Dommage qu'il ne fût pas marié à elle…

Il tenta d'effacer de son esprit ce qu'il venait de penser et se reconcentra sur son objectif. Il savait déjà ce qu'il allait lui dire. Il avait réfléchi aux mots qu'il devait dire, à la façon de le faire… Il s'était bien pris la tête comparé à lorsqu'il l'avait annoncé à sa mère, et à comment les gens agiraient généralement. Mais là, c'était son père, le graaaand Lazzare Di Scudira. Tout ça pour un voyage de rien du tout à Asteras. Il s'agaçait lui-même à réfléchir et réagir de cette façon.


Victor poussa un petit soupir et prit dans sa main la pauvre pomme entamée qu'il avait laissé s'oxyder depuis tout à l'heure, et la termina en vitesse. Il rangea la lettre et se dirigea vers le bureau de son aimable paternel.
Arrivé devant, il toqua et entra sans attendre de réponse – quel rebelle. Il se stoppa après trois pas. Evidemment. Il fallait qu'il ne soit pas là. Quand il allait lui dire.

A peine s'était-il retourné pour repartir en grommelant mentalement qu'il put constater que son père était en vérité bel et bien là, puisqu'il venait de traverser le couloir et se tenait face à lui. Bien que Victor fût grand pour son âge, il leva les yeux pour rencontrer ceux de son père.

« Que fais-tu là ? »

Il aurait bien rétorqué une quelconque réponse piquante comme Cendre l'aurait si bien fait… Mais il n'était pas elle. Loin de là. Et face au regard inquisiteur de son père, il se contenta de le soutenir – ce qui n'était pas rien – et lui répondit sans préambule :

« Je suis venu vous annoncer que je compte voyager jusqu'à Asteras. »

Il l'avait dit dans un souffle, rapidement. Il observa son père passer à côté de lui pour rentrer dans la pièce, et se retourner vers lui.

« Enfin. »

Enfin ? Enfin quoi ? Derrière l'air stoïque, il ne pouvait pas comprendre vraiment le sens de ce simple mot. Il attendit donc qu'il poursuive, soutenant toujours son regard.

« Tu prends une décision par toi-même. »

Pardon ?! Le jeune homme entrouvrit la bouche, mais la referma instantanément. Il lui aurait bien fait constater que quand il avait par le passé voulu prendre des décisions, il l'avait toujours cassé, rabroué. Cependant, il ne dit rien une fois de plus. Ce n'est pas comme si son cher père n'entendait raison que lorsqu'il en avait envie… C'est-à-dire [très] rarement. Tiens, au moins une chose que Cendre avait hérité de lui. Mais si jamais il le lui disait, sûr qu'elle l'incendierait. Littéralement ou non.

Il ne broncha finalement pas à la remarque paternelle et attendit en se tenant bien droit qu'il poursuive.

« Quand partiras-tu ? As-tu prévenu Cendre que tu irais à Asteras ?
- Je partirai dans le courant de la semaine prochaine, et oui, je l'ai prévenu.
»

Il n'allait pas lui dire qu'elle lui avait même répondu alors que sa lettre attendait encore, aussi avait-il repris les mots prononcés. Cependant, il remarqua qu'il ne lui demandait pas de dire à sa demi-sœur de lui répondre, comme il aurait pu le faire avant. Sans doute avait-il finalement compris que ça ne servait à rien.

Répondre


Messages dans ce sujet

Atteindre :