Un bandit cogne toujours deux fois
#18
J'observe le liquide vermeil à la lumière de la torche suspendue au mur devant moi. Des tâches de reflet couleur sang maquille mon visage.
Je remue légèrement la fiole pour tester sa fluidité: la substance semble très épaisse.

Mh...

J'ai déjà ma petite idée, mais je préfère m'en assurer.
Dernier examen: olfactif.
J'ouvre la fiole dans un bruit sourd et approche prudemment le goulot de mon nez.
Soudain, une odeur terrible et infâme envahit mes narines, à tel point que je manque de lâcher la flasque. Et pourtant, mon odorat est déjà bien amoindri par l'odeur pestilentielle des égouts !

J'écarte le flacon et le rebouche à bout de bras, le nez me piquant encore, à tousser et renifler bruyamment comme un chien qui aurait respiré du poivre.

Eeerk... Aucun doute possible. C'est bien du sang de dragon.

J'en ai déjà vu dans le passé, durant ma carrière. Une drogue abjecte qui détruit l'esprit des hommes aussi bien que leur goût. C'est quelque chose d'inacceptable pour une adepte de bons vins telle que moi !

...

Bon, il est vrai que, durant cette période obscure de ma vie, l'occasion s'est présentée à moi et j'ai longuement hésité... Mais au final je me suis rabattu sur la piquette: pas fameux ni glorieux, mais ça reste pourtant une des meilleures décisions de ma vie !
Si j'étais tombé dans la consommation du sang de dragon, je n'aurais jamais pu remonter la pente comme j'ai pu le faire. Enfin... Si on peut vraiment appeler comme ceci le fait d'éduquer une gamine vilaine et inintéressante.

Bref, concentre toi vieille bique, ce n'est pas le moment pour ça !

Je reporte à nouveau mon attention sur la fiole que je tiens, puis sur la seconde qui trône non loin sur une des caisses.
Il semblerait que le commerce de ce produit illicite se soit développé au cours de ces dernières décennies et trouve une clientèle demandeuse...
Cependant son coût, lui, n'a pas dû beaucoup évoluer. Dans mes souvenirs la conception de cette drogue coûtait particulièrement chère, de par ses ingrédients déjà, son processus de fabrication également, mais aussi et tout simplement du fait qu'elle soit interdite à la commercialisation.
Or l'interdit existe pour être bravé, c'est bien connu.
Ainsi les personnes pouvant se permettre de s'acheter ce genre d'article en ont nécessairement les moyens, donc sont forcément des individus de bonnes conditions.
J'ignore depuis combien de temps existe ce réseau mais si cela fait quelques mois déjà, ils ont sans doute déjà accumulé un butin impressionnant…


Tsss. Il y a toujours des gens pour abuser des faiblesses des autres.
Et ces mêmes autres qui n'ont rien de mieux à faire de leur argent que de le dépenser pour des désirs inutiles et puérils et alimenter un trafic de contrebande. Idiots.

Je récupère la seconde fiole et les met toutes deux avec délicatesse dans ma besace. Il manquerait plus qu'elles ne se cassent et se répandent sur mes affaires…, comme si l'odeur ambiante ne suffisait pas à elle toute seule !

Sa fouille ne releva rien d'autres d'intéressant… Si on excepte les quatre bouteilles de piquette qui n'eurent pas, elles, à subir un examen approfondi pour atterrir –comme par magie- dans mon sac.
Bien évidemment, je ne les ai prises que parce qu'elles peuvent avoir un intérêt en tant que désinfectant pour les blessures. Et par blessures, j'entends bien celles du corps comme de l'âme.
C'est juste au cas où. En cas de pépin. De moment de faiblesse… BREF.

Je ferme ma sacoche et effectue un dernier tour de la salle. Rien d'autres.
Bien.
A présent… Passons au plat de résistance
!

Mon regard se pose sur les trois cadavres les plus proches : celui du contrebandie, du brigand et de la brute.
D'avance j‘exclus la brute : cette corvée ne me répugne pas mais ma passion n'est pas pour autant le dépouillage de cadavres. Surtout quand ils sont aussi hideux. Je m'avance donc vers le corps gisant du contrebandier quand j'aperçois Illaria qui, en retard sur le reste du groupe après avoir elle-aussi fureté dans les marchandises -mais visiblement dans un but différent du mien- commençait à s'éclipser vers le couloir pour rejoindre les autres.

L'occasion était trop belle pour la laisser passer.

« Illaria ! Aide-moi à examiner en détails les cadavres. Il est possible qu'on y trouve quelque chose qui pourrait nous aider. Et c'est l'occasion de mettre à profit des compétences de ranger.

Occupe-toi du brigand, je me charge de l'autre.
N'hésite pas à le déshabiller complètement s'il le faut, et à examiner le corps. TOUTES les parties du corps, compris ?
On recherche une missive, un plan… Tout ce qui peut nous être utile.
Essaie de voir également s'ils possèdent un signe distinctif –une bague, un sceau, une marque, un tatouage- qui pourrait les rattacher à un groupe ou un clan. »


Sans attendre sa réaction je m'approche du macchabé dont j'ai la charge et commence à le dévêtir en tâtant chaque pan de ses vêtements pour m'assurer que rien n'y est caché. Puis j'inspecte méthodiquement chaque doigt, chaque orteil, chaque partie de son corps -dont l'intérieur de la bouche malgré l'haleine de gobelin qui en émane- afin de n'omettre aucun détail.

C'est une tâche macabre, certes, mais pour qui a vu défiler de nombreux cadavres –voir trop- dans sa longue vie, ce n'est qu'un exercice pénible comme un autre.
Et les morts ont d'avantageux qu'ils sont de bonne compagnie quand on recherche le calme et la concentration.
Répondre


Messages dans ce sujet

Atteindre :