[Fin de la Manche III] Une nouvelle aube.
#11
Ça a commencé il y a longtemps, pensa Denthe en jetant un regard sur les hommes qui ne se tenaient désormais plus qu'à quelques dizaines de mètre, et c'est aujourd'hui que ça doit se finir, pour le bien de tous. De tous.

La charge furieuse des hommes-bêtes montés sur leurs immenses cavales s'empala de plein fouet dans le flanc gauche de la bataille.
Les centaures ne les virent pas venir, du moins pas assez vite, ce fut rapide et violent.
Il y eut un cri, puis un autre, et les corps des hommes et des femmes bientôt s'embrassèrent sans douceur, dans des chocs de chair et d'os, des gerbes de sang. Les muscles se bandaient sous chaque peau, fine ou tannée cela n'avait pas d'importance, mais il fallait frapper fort et juste dans tous les cas.

Les hélions étaient assiégés depuis une bonne heure quand le Seigneur de guerre, le loup Eldritch, prit la décision de lancer toutes ses troupes dans la mêlée, assuré qu'aucun renfort ne viendrait par derrière. Le peuple du désert attendait avec impatience le support de leurs alliés et c'est un grand regain d'énergie et de fureur qui traversa tous les enfants de Solaris quand ils virent la grande chouette blanche survoler la bataille.

Chaki, la première, leva sa main comme un salut, mais il se voulait sec. La jeune Cheik'h n'était pas au front, mais ses yeux clairs ne voyaient que trop bien ses soldats et les lames de ses ennemis. Deux fils de Solaris se tenaient autour d'elle et déviaient chaque projectile, formant autour de leur dirigeante des boucliers lumineux.
Rien ne semblait pouvoir l'atteindre. En contrepartie, elle rugissait comme une véritable lionne, encourageant et haranguant son peuple.

Elle contrastait bien trop avec la rigidité apparente de la reine elfe.
Silmareïn, son homologue elfique, se tenait bien droite sur son élan de guerre elfe et jetait régulièrement une salve de flèche dans les troupes ennemies, veillant d'un œil serein et doux son Général des armées.
Eriador, au coude à coude avec Astréos dans la bataille, ressemblait à un diable qui agitait sans mal ses deux lames d'agate. Aucun homme-bête n'avait su briser sa défense, et il ne faisait aucun cadeau. Son visage était bientôt si couvert de sang qu'il devait frotter ses yeux du dos de sa main pour y voir quelque chose.

Cassandor, à leurs pieds, regardait d'un œil blême la scène, qui ressemblait à s'y méprendre à un écho lointain, une scène bien familière et triste. Les ruines ne disaient rien, mais les murs, sans avoir de bouches, avaient des oreilles, et c'était encore là une mélodie sinistre et lugubre qu'elles entendaient, lasses et impuissantes.


* * *

« Nous y sommes presque » pensa l'ombre aux yeux d'or.
Derrière elle, deux autres ombres tentaient de suivre la ténébreuse, sans répliquer. Ils étaient obéissants comme des hommes dévoués à leur peuple et à la « bonne cause », et c'était justement pour cela qu'Israa les avait choisis.

Naël'Kaldora étendait ses hauts piquets de bois comme une forteresse d'une ancienne époque. L'assassine n'y prêta aucune attention. Elle contourna par à l'est, restant à couvert dans la forêt, et piqua vers le nord. Devant le visage surpris d'un de ses deux compagnons, elle ricana d'un air mauvais, dévoilant deux fines canines blanches :

[Image: 90853.gif]« Elle est en train de prier, comme n'importe quelle mère prierait pour son fils partit à la guerre. La seule chose qui diffère, c'est qu'elle ne s'attend pas à mener une bataille dans son propre temple et à y être défaite… »
Il y avait un quelque chose de jouissif à le prononcer. Un frisson remonta l'échine de la jeune femme qui se sentit de nouveau vacillante – l'envie de voir la bougresse vidée de son sang à ses pieds avait un quelque chose de fort prenant. Heureusement, Israa avait du contrôle sur elle-même, et notamment sur cette facette lugubre des meilleurs assassins.
« Il faut également se rendre au Temple, dans Naël'Kaldora. Il faut brûler leur temple. Les prêtresses à l'intérieur. »

Le regard de la jeune femme était soudainement dur, plus sombre, mais aucun des deux assassins ne broncha. C'était là un ordre, et la Main Noire n'avait jamais fait dans la délicatesse. Ils n'avaient pas pour habitude de faire dans la demi-mesure, aussi Israa se retourna et partit d'un pas vers la Colline qui abritait la statue nouvelle de la déesse lunaire.

[Image: 90853.gif]« Je vous fais confiance – ne me décevez pas. »

Les deux hommes observèrent Israa, et finalement se retournèrent comme un seul homme, disparaissant dans l'obscurité. L'assassine, elle, continua. Ses pas de chat se frayèrent un chemin jusqu'à la Colline de la Lune, et ses yeux de rapace brillaient dans l'obscurité comme deux lunes pleines.
L'atmosphère était fébrile. L'air était froid.
Répondre


Messages dans ce sujet

Atteindre :