Voyages d'un marchand de tout et de rien
#2
Pour atteindre les grandes portes, il fallait traverser d'abord le souk.

On disait que l'oasis de Babylios avait été dans le passé un point où la vie sauvage foisonnait, où les animaux venaient s'abreuver, s'accoupler avant de retourner affronter les vastes territoires désertiques pour des raisons mystérieuses.

Il en avait vu de tels oasis au cours de son périple. Moins vastes, plus inaccessibles que le site de la capitale, mais intacts, préservés par le secret d'une localisation imprécise.

Aujourd'hui, dans cette région partiellement colonisée de Salith, une fraction des hardes avait été domestiquée. Les descendants d'Adoelath s'étaient emparés de cet écrin paradisiaque il y a fort longtemps. A présent, c'était en tant que troupeaux de bétail ou bêtes de somme destinées aux caravanes, que la vie animale se maintenait aux pieds des murs.

Exhibée et négociée, achetée et vendue.

En observant les nuages de poussières qui flottaient dans l'air, en écoutant le son des mugissements et des hennissements sporadiques, des piétinements continus et des voix humaines qui haussaient le ton pour se faire entendre au-dessus de cette agitation permanente, Tasr'Amal se disait que le foisonnement de la vie n'avait pas totalement disparu en ce lieu.

Juste changé, transformé.

Il continuait son chemin.

Sa fidèle monture n'était de toute façon pas à vendre et son objectif était autre.

Peu de monde lui portait attention car l'arrivée d'un inconnu n'était pas tellement un évènement exceptionnel dans ce carrefour du désert.

Les négociants du souk étaient de plus bien assez occupés par leurs affaires du moment. Tout au plus un regard se détournait de temps à autres pour se porter sur le voyageur et jauger subrepticement son potentiel.

Il y avait sans doute aussi des yeux moins commerçant déjà posés sur lui afin d'évaluer une autre forme de potentiel. Il y avait quantité de réseaux plus ou moins officiels à Babylios et les observateurs ne manquaient pas. Une autre facette de cette civilisation.

Il finit par atteindre les portes.

Les portes de Babylios.

Célèbres pour les façades de céramiques émaillées de couleurs vives qui recouvraient les tours gardant le passage vers la ville intérieure, elles permettaient dans leur usage régulier de contrôler et filtrer les flux entrant et sortant. Des flux de biens, de marchandises et de personnes.

Attendant son tour pour répondre aux quelques formalités d'identification qui lui seraient soumises par les gardes des portes et obtenir ainsi son droit d'entrée, Tasr'Amal pensait aux traits commun des grandes villes d'Ecridel qu'il avait pu visiter.

Par déformation professionnelle il voyait les grandes métropoles ceintes par des murs comme de grands réservoirs pouvant servir de réacteur à de multiples transformations.

Ici, les idées étaient mélangées selon les dosages plus ou moins équilibrées des cultures propres aux habitants et aux personnes de passage. Plus une ville était ouverte vers l'extérieur et plus il y avait de chance de voir deux constituants réagir l'un avec l'autre pour donner quelque chose de nouveau.

Un immense alambic.

C'était à présent son tour de franchir la porte intérieure et de pénétrer dans les grandes rues rectilignes menant vers le centre de la cité.

Babylios était l'une des villes les plus ouverte qu'il connaissait. Un véritable foyer de civilisation. Malgré tout, elle souffrait de son isolement loin dans le désert qui la coupait du reste du monde et ralentissait l'afflux provenant des autres régions d'Ecridel.

Yris ou Asteras en comparaison étaient bien mieux situées pour des échanges réguliers.

Mais dans l'esprit de l'alchimiste, l'isolement de l'alambic Hélion permettait aussi la progression de réactions plus poussées, où les sciences et les philosophies pouvaient être conduites éventuellement jusqu'à maturité par la force des choses avant d'être remplacées par d'autres.

Tasr'Amal se rendit en premier lieu jusqu'au caravansérail. C'est ici qu'il prendra ses quartiers le temps de son séjour.
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