Concours de RP : tome 1
#37
Citation :N'ayant rien vu qui l'interdise je me permet d'inclure une musique avec mon texte, si ce n'est pas autorisé, je suis navrée, supprimez là.Musique, maestro !
Résolution.


Citation :Mon ami,


Te souviens-tu des jours qui se sont enfuis ? Arrives-tu encore à dessiner un visage ? Quand la nuit te berce dans la solitude entends-tu leur voix ?

Je n'ai rien oublié. Es-tu surpris de ma missive ? Te rappelles-tu encore de moi ? Je suis sûre que tu es devenu fort et sage, tu l'étais déjà tellement dans le passé. Quand je voulais abandonner tu m'as encouragé, quand j'ai douté vous m'avez tous relevé.

Nous avons grandis, n'est-ce pas ? Dans mes fantasmes, je nous voyais toujours ensemble, vous seriez de beaux chevaliers et de puissants mages et nous serions de belles dames fières et sages. Penser qu'une chose pouvait nous séparer était insupportable. Que j'étais naïve, te dis-tu sans doute ? Je crois que je le suis encore, tu sais.

J'ai fait un voyage mon ami. Ho, ne t'en fais pas, je n'ai jamais rien dit, ils ne comprendraient pas, pas vraiment. Il m'a montré ce lieu si triste, j'ai vu les larmes s'éveiller dans ces yeux. Ce jour là, je n'ai pas osé demander.

Je me suis rappelée, je n'avais pas pleuré, pas un mot n'avait franchi mes lèvres. Je regardais le ciel, à peine troublé par les nuages. Peux-tu croire qu'ici le ciel est différent ? Il n'est semblable à nul autre, si j'avais dû imaginer un bleu radieux alors ce ciel le serait. Si j'avais pu imaginer un crépuscule plus profond alors ce ciel le serait. Si je pouvais mettre une image sur le sommeil paisible de l'enfant, ce serait ce ciel.

Je regardais cet endroit, l'herbe, les pierres, la plaine, la terre, les fleurs… je ne les voyais pas. Un visage, un sourire, des voix… Puis mon mentor se tourna vers moi. La tristesse avait quitté ses yeux, qui irradiaient de bonté et de patience à présent. Il me dit simplement« Quand tu sauras, reviens » et il me laissa seule, sans un regard, ni un geste.
Assise à même le sol, je le laissais partir. Rien n'existait pour moi. J'étais seule avec mes souvenirs. Seule depuis très longtemps.

Une nuit passa ainsi, mon ami. Tu n'oses me croire ? Je ne pensais pas non plus pouvoir le faire. Je ne me souviens pas de cette nuit : pluie, vent, étoiles ?! Envolés. J'ai eu froid, j'avais faim, je pense. Mon regard se portait d'Est en Ouest, navigant au gré de ma fantaisie, quand sur les champs glacés par le sang de milliers de morts, je recréais les chevaliers chargeant l'armée adverse avec leurs épées de bois et la confiture de fraise sur le menton. Je faisais danser les princes avec les dames dans leurs robes garnies de feuilles. Cela dura deux jours.
J'ignore encore ce qui m'éveilla un matin. La bile amère ? Les rayons du soleil ? Ce merle posé près de moi ? J'ai ouvert grand les yeux et j'ai hurlé.

« Je suis Merydwïn, enfant d'Ecridel, je serai Archimage ! Je suis Merydwïn, enfant d'Ecridel, je serai A…. »

J'ai hurlé ainsi jusqu'à m'en briser la voix. Et j'ai regardé. Mes mains gelées plongèrent dans la Terre, la boue s'enfonça dans mes ongles. Je sentis son flux calme et puissant. J'appelais mon souffle arcanique et le joignit à celui du sol. Une sensation apaisante m'envahit. Je caressais l'herbe de mes doigts. Elle était haute et vigoureuse, s'étendant à perte de vue dans la plaine. Son flux était chaotique, étrange, insaisissable. Il me résista. Je ne savais comment m'y prendre pour attraper une chose aussi mouvante et fragile.

« Quand tu sauras, reviens »

Sa voix me hantait. Alors je suis partie, j'ai cueilli les racines que je savais comestibles. J'ai cherché l'eau en suivant les crapauds. Tu te souviens, je n'étais pas douée pour faire les cabanes ? Tu aurais souri en voyant l'abri que j'avais fait. J'ai cessé de compter les heures et les jours, rien de ce que je faisais ne nécessitait la magie. Je marchais, je dormais, je regardais les animaux.

« Quand tu sauras, reviens »

A ce moment, je pensais savoir trop de chose, ho, comme mon erreur était immense. Il n'y avait rien en ce lieu dévasté par les larmes et le froid. Qu'est-ce que je pouvais savoir en venant ici ? Comment mon maitre avait-il pu abandonner une apprentie mage incapable de lancer un sort seule dans la nature ? Pourquoi cette belette s'acharnait à me suivre ? Tout ça tournait dans mon esprit le long du jour.

Une nuit, j'ai pensé que mon maitre ne me trouvant pas assez douée, voulait que je lance mon premier sort loin des regards moqueurs de la ville. Ca ne pouvait être que ça. Une épreuve destinée à me renforcer. Je devais savoir lancer un sort à mon âge. Je me suis entrainée longtemps, puisant l'énergie et le réconfort dans le vent, la terre et l'herbe me restaient fermées. Quelle déception, quels échecs … même au bout de ma dixième tentative, je n'ai réussi qu'à bruler quelques uns de mes cheveux. Je suis sûre que tu aurais réussi sans problème, ne me juge pas trop sévèrement s'il te plait. Je criais ma colère aux nuages, j'invectivais la nuit. Comme si un autre était fautif de mes faiblesses.

Je sentais les flux, les fils de mana qui parcouraient l'air, il suffisait de les saisir et les tordre assez pour changer le vent. J'essayais toutes les façons possibles, tirer, pousser, nouer, délier, caresses er… je n'ose plus penser au nombre de tentatives qu'il me fallut avant de faire lever une légère brise. Mes mains étaient lacérées par mes échecs. Ma tenue était devenue un souvenir de robe. Et sais-tu que cela ne m'a même pas dérangé ? Je te surprends un peu, non ?

Dans un petit cri d'exclamation joyeuse, je parvins, au terme de longs efforts, à créer une bourrasque. Et cette nuit là, mon mentor vint me voir. J'étais si enthousiaste de lui montrer mes progrès ! Je le gratifiais ma plus belle figure, un vent léger faisant danser l'herbe. Il regarda attentivement, et me sourit.

« Quand tu sauras, reviens » dit-il avant de me tourner le dos.

Sais-tu où ils vivent à présent ? Peut-être est-il mort sans que jamais je ne l'ai revu … je vais faire un grand voyage, oui, très bientôt je ferai ce voyage.

Il m'avait laissé le cœur au bord des lèvres, les yeux hagards, sans aucune larme pour sécher ma peine. Je m'étais trompé. Comme toujours, j'avais été naïve. Je m'étais trompé à ce croisement que nous avons pris, je croyais que mes choix ne nous sépareraient pas, je ne croyais pas pouvoir vivre sans vous.

Cette nuit là, je nous ai revus, comme à notre dernière fois. Mon père m'expliquant les batailles qui avaient eu lieu ici, les terreurs infligées par les armées Holdars.
Tu te souviens que nous avons joué après ? J'étais un vil Holdar qui vous attaquait. Mon père n'a rien dit, mais j'ai vu sa peine. Alors Elle m'est apparue de nouveaux. Elle n'a pas changé, c'est toujours une petite bâtisse avec un toit d'un blanc pâle reflétant le soleil. Les murs couleurs de perles sont maintenant brodés d'une herbe haute et vigoureuse. Dans les jardins, je vois une belette courir entre les simples et les fleurs. Et les vitraux arborent toutes les couleurs du plus vif des rouges aux plus joyeux jaunes. Même de l'extérieur, on peut sentir la bougie et le vieux parchemin somnolant tranquillement. Et l'escalier de bois où nous pourrions nous assoir pour parler, il n'a pas changé ! Je te vois déjà passer de longues heures à ranger la bibliothèque, et tout défaire le matin. Tu aurais ton écritoire au fond, au calme près de la cheminée. Il y aura peu être plus de cris et de voix joyeuses- je crois que j'avais oublié la cheminée dans mon enfance. Derrière la maison, si on monte sur la colline on peut voir les murailles de Nim Duin baignaient par la lumière de l'aube. Et il y aurait des tulipes à l'entrée avec des coussins pour étudier dehors quand il fait beau.

Je ne suis pas folle mon ami. C'était il y a plusieurs années déjà pourtant le souvenir en est aussi net que cette nuit. Le matin, j'ai pleuré. Pleuré mes amis perdus et mes amours passés, j'ai pleuré mon enfance qui était morte cette nuit. Les choix que j'allais faire amèneraient de nouvelles séparations. Cette fois je verserai des larmes pour ceux qui partent, je ne ferai plus souffrir les autres par ma naïveté.
Tu devines la suite ? Mon mentor m'attendait près de la route.

_ Tu as appris un nouveau sort ? Je suis impre…

_ Non.

J'ai jeté un dernier regard en arrière vers ce champ de bataille, vers la belette et les fleurs. J'avais aussi perdu quelque chose là-bas.

« Je serai Archimage, et ici, nous fonderons une école. »

Mon maitre n'a rien dit.

Je suis une mage à part entière à présent. Je suis une femme aussi. Cette nuit là, j'ai fait mes adieux à la petite fille. Pour beaucoup ce lieu est empreint de tristesse et d'anciennes rancunes. Pour moi, il est le plus bel endroit du monde, un lieu que vous avez béni, et un jour j'en ferai un endroit encore plus beau.


Tu viendras n'est-ce pas, mon ami.
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