11-12-2011, 22:09:42
Citation :An 497 de l'Ere Antique
Une jeune prêtresse aux cheveux clairs et aux yeux marrons chantonne une prière à Fryelund. Elle porte une simple tunique blanche qu'une fine ceinture de perles serre au niveau de la taille et trace des sillons dans la terre avec son grand bâton aux multiples ornements. Un enfant des rues l'interpelle.
« Bah tu fais quoi dis? »
« Une maison » lui répond-t-elle avec un clin d'oeil. Le garçon lui, n'a pas l'air de trouver ça drôle.
« N'importe quoi ! Une maison y'a des murs, puis des fenêtres et une porte. Toi c'est juste du gribouillis. »
La prêtresse soupire, il n'apprendra donc jamais. « Il faut que tu utilises ton imagination Ciglir. Regarde, là j'ai dessiné les murs, là c'est l'entrée, là on mettrait une table et là... » Elle trace trois longs traits puis un gros carré. « ...il y aurait trois marches menant à une grande chaise pour le chef de maisonnée. Ferme les yeux, imagine puis ouvre les. Tu le vois ? » Il s'exécute.
«ooh, oui !» Ciglir s'émerveille alors que rien n'a réellement changé devant lui «C'est de la magie alors?»
Elle le regarde avec étonnement, puis sourit. « Oui, c'est un petit peu comme de la magie. »
Citation :An 752 de l'Ere Antique
Gauche, droite, gauche....Rien à l'horizon.
Grincement de porte, l'elfe retire sa capuche en pénétrant dans la grange miteuse installée juste à l'est d'Asteras. Miteuse ? Oui, mais de l'extérieur seulement. Le lieu est confortablement meublé et les grands miroirs semblent décupler son espace. Des fenêtres sont encastrées dans le toit devant lesquelles sont accrochés de fins tissus bleus laissant filtrer la lumière. D'imposants chandeliers sont placés aux quatre coin de la pièce ainsi que sur la grande table du milieu. Ils sont recouverts de dizaines et de dizaines de hautes bougies rouges à peine consumées.
« Alors, quelles nouvelles ? » demande un Ciglir décapuchonné. Deux de ses compères se tiennent debout autour de la table, ils débattent devant une énorme carte.
« Dans le sud tout va bien, nos terres y sont fertiles et fructueuses. A noter qu'on ne déplore aucun soucis pour le transport jusqu'à la capitale, ça fait deux cents ans qu'on a pas croisé d'être doté d'intelligence dans la région. »
« Et c'est pas avec toi que ça va changer Ciglir ! ».
« Ouais ouais, drôle. Je crois pas que tu vas me manquer toi.»
« On se calme. » Un quatrième larron est posé sur une grosse chaise en chêne au fond de la pièce qui surplombe le reste de la salle de trois marches de hauteur.
« Nous sommes une famille maintenant, souvenez-vous en et arrêter de vous comporter comme des gosses des rues, ce temps est révolu depuis bien longtemps. Avec tout l'argent qu'on va se faire en occupant les terres du sud, nous achèteront notre noblesse. »
« Et de la piquette ! » Ajoute Ciglir. L'autre le regarde sombrement avant de se fendre d'un demi sourire.
« Oui, et de la piquette » lui répond-il.
Ciglir était un clown mais un clown futé et plein de ressources : c'est lui qui avait eu l'idée de former une confrérie avec les autres enfants des quartiers pauvres, c'est lui qui avait entrepris la construction de ce lieu de réunion. L'elfe assis sur le trône avait apporté du muscle et de l'organisation aux folles idées de son jeune ami. Une guilde de crève-la-faim se ferait mal voir des hautes autorités d'Asteras. Une famille noble, par contre...
« Au fait » reprend Ciglir « vous saviez que Brengen-le-Barde a vu de la roche enfanter des nains à l'est du fleuve. On devrait aller voir. »
« Des nains, c'est cela...Et des dragons aussi je suppose ? Ne me dis pas que tu crois à ces comptes pour enfants ? De toute façon toi tu pars au sud.»
Ciglir pose son sac sur la table et en sort un tout petit parchemin peint reposant dans un cadre de bois qu'il cloue au mur à côté de la porte d'entrée. Le sifflement d'un de ses compagnons lui perce les oreilles.
« Fiouuu, jolie la donzelle. C'est qui ? »
« Une vieille amie, elle est morte hier. »
« Erf, je n'aime pas trop me faire reluquer par un mort. »
« Ne sais-tu pas que les morts nous regardent toujours ? »
« Si tu le dis. Enfin, tant que ça ne devient pas une habitude... »
Le temps passe et les visages s'estompent.
Citation :An 2503 de l'Ere Antique
L'ensemble de la famille s'était rassemblée dans la grande salle. Les fins rideaux bleus avaient été remplacés par de lourd tentures noires qui ne laissaient passer aucune lumière et toutes les bougies avaient été allumées. Dehors il faisait nuit noire et chacun avait bien pris soin de ne pas être suivi avant de pénétrer dans ce lieu chargé d'histoire, certains avaient fait le voyage depuis plus de neuf cent lieues au sud.
Les membres les plus éminents de leur noble famille avaient pris place à table devant le petit escalier qui menait au trône, celui-ci était vide. Cephulyr, petit-fils de Ciglir ne s'y asseyerait qu'à la fin de la cérémonie des portraits, après avoir rendu hommage à son père et aux autres braves tombés devant les démons.
Un jeune guerrier qui voulait accrocher la peinture du visage d'un nain de Fondelame qui lui aurait sauvé la vie durant la bataille fut jeté dehors sous les insultes et les coups de pieds.
Ils mangèrent et prièrent en silence. Et pleurèrent aussi. Unis sous le toit de bois et ce lien si puissant qu'est celui de la famille.
Citation :An 59 de l'Ere du Déclin
« Non ! Je vous l'interdis vous m'entendez, JE VOUS L'INTERDIS » Un grand elfe en armure fulmine devant son trône. Il jure, il crie, et ceux assis à la table devant lui baissent les yeux.
« La guerre est finie, nous avons perdus. Nous n'avons pas d'autre choix.» supplie l'un d'entre eux.
« Nous avons le choix de nous BATTRE ! » lui crache-t-il à la figure. « Nous battre pour nos terres, pour nos enfants. Ces Haldors ont eu de la chance jusqu'à maintenant. Si nous tenons bon nous pouvons encore renverser le cours de cette guerre. »
« Mais la forêt nous appelle et... »
« C'est votre PEUR qui vous appelle. Que ferez-vous une fois dans votre précieuse forêt ? Vous vivrez nus sous une feuille de vigne et logerez dans des arbres ? Libre, oui, mais de cette liberté insousciante qu'ont les enfants. Un jour vous devrez faire face à vos responsabilités et ce jour là il sera trop tard. Pour votre bien, je vous interdis de suivre ce fou de Pelethor. »
« ARRRRREEEETEUUUUH ! » entend-on crier. Deux fillettes se chamaillent derrière le trône, l'une semble vouloir empêcher l'autre de lire un gros ouvrage et la tapote de son épée de bois.
« SILENCE ! » Elles se taisent instantanément. Celle à l'épée s'assied par terre et croise les bras d'un air boudeur.
« Regardez mes nièces, allez leur dire qu'elles doivent tout quitter pour aller manger du serpent cru et vivre dans les bois comme des animaux. » Il se laisse tomber sur la grosse chaise de bois, las.
« Demain, » dit-il d'une voix lasse « partez avec nos armées pour le sud. Je vous en prie, par l'acier et la mana. Et pour la victoire ».
Citation :An 74 de l'Ere du Déclin
La petite fille à l'épée de bois est devenue adulte et le temps à su briser ses rêves comme il a brisé ses pères.
Comme à chaque fois qu'elle se sentait d'humeur de nain, Daenariel s'était réfugiée dans la vieille grange familiale. Une jambe posée au dessus de l'accoudoir, elle est nonchalamment assise sur la grande chaise de ses ancêtres. Elle sirote un énième verre de rouge -celui de trop, probablement- tout en contemplant ce qu'avait un jour imaginée une autre fille aux yeux marrons.
Miroirs fendus, bougies consumées, rideaux délavés, la salle familiale n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était jadis. Au mur, des dizaines de portraits couverts de poussière semblent la regarder avec pitié. Des visages oubliés pour la plupart, elle ne saurait en nommer la majorité. Et puis il y a les sept qu'elle avait vu son oncle découper dans un accès de rage avant d'embarquer tous les adultes de sa famille à aller combattre les Haldors et ne jamais revenir.
« Vous êtes tous...morts... » lache-t-elle d'une voix que la boisson et la fatigue ont rendu rauque et hésitante. « Que ce soit paisiblement dans vos lits, en héros à la guerre ou comme des rats en fuyant l'ennemi. Vos actes vous ont tous emmenés dans la tombe »
Elle lance son verre qui explose contre le dernier tableau, celui de son frère, Anarion, le vin rouge imprégnant le tissu qui retranscrivait si bien son noble teint blanc. Il était mort récemment, bouffé par un insecte géant dans une caverne au fin fond de nulle part car il s'était mis en tête que pour faire ses preuves il devait "se tester" contre une abomination. Quel abruti !
« Et moi seule vis pour en payer les conséquences.»
Elle se lève de son trône de regrets, titube jusqu'à l'entrée et regarde d'un œil torve ce portrait si vieux et si petit. L'a-t-elle seulement déjà vu, ce visage ? Il lui semble que non. Pourtant elle se sent mieux à le regarder. Pas longtemps, juste quelques secondes. Après quoi elle détourne le regard et ferme la porte à clé avant de s'étaler par terre. Personne ne la verrait dans cet état.
Aujourd'hui elle se laisserait emporter par le sommeil. Peut-être même vomirait-elle au milieu de la nuit. Quoiqu'il en soit, demain, elle mettrait ses plus beaux habits pour se rendre à l'école de magie. Car elle n'est pas tout à fait seule. Elle a une sœur, oui, une mage respectée et si elle arrivait à la convaincre d'autres se joindraient bientôt à sa cause.
Et les traîtres saigneront.