Les chroniques de la mère morte
#8
Sorn s'affala sur la chaise de l'école de magie avec un grand soupir, a moitié mort, au sens propre, ou à moitié en vie pour les observateurs plus optimistes.

Le vieux professeur n'eût pas même le coeur de lui faire des remontrances pour son comportement récent, lorsqu'il l'avait quitté de manière fort malpolie. Il lui conseilla simplement de plutôt s'orienter vers le temple, vu son état, mais le trouvère déclina la proposition et demanda quel était le plus redoutable sort offensif que le sage jugeait à sa portée.

- Décharge statique. Vous n'aurez plus aucune limite a votre pouvoir, avait répondu le professeur en lui tendant un grimoire à la quatrième de couverture arrachée.

Sorn s'installa pour l'étudier, mais il ne parvenait pas à se concentrer. Il repensait à ce sombre épisode. Parti pour ce qui 'espérait devenir un bain de minuit sur la plage en agréable compagnie, il s'était retrouvé broyé dans les bras tentaculaires et visqueux d'une créature dont il ignorait jusqu'ici l'existence. Il y a quelques jours déjà, sa téméraire cousine avait voulu l'embarquer dans une équipée à la recherche d'une soi-disant sphère d'eau. Il se serait retrouvé face à cette chose en plein milieu de l'océan sans pouvoir fuir, quelle galère...
Qu'avaient toutes ces sirènes à vouloir l'attirer vers l'océan ? Définitivement, il était un elfe de terre ferme.
L'apprentissage n'avançait toujours pas. Sorn se remémorait les gausseries de l'élémentaliste sur la plage. Il se consola en se disant qu'une pieuvre avait dû saisir chacun de ses membres et lui arracher un à un, avant que l'élémentaire d'eau ne fasse disparaître cette audacieuse dans un bouillonnement d'acide.
D'autres pensées le harcelèrent. Avait-il quitté le combat trop tôt ? Serait-il dorénavant nommé Sorn-Le-Couard ?
Il avait décampé sans se retourner, mais suffisamment tôt pour le faire sur deux jambes et non les pieds devants. Il n'était pas encore temps qu'un autre chante ses louanges. Il avait encore à faire.
A commencer par apprendre ce satané sort. Il doutait fortement que la pichenette électrique qu'il était en train de s'évertuer à assimiler soit d'un quelconque utilité face à l'abjection aquatique qui avait suivi les pieuvres, ce qui ne l'incitait pas à y mettre du sien.
De plus il avait du travail pour préparer son prochain spectacle et sa mise en scène, il ne pouvait consacrer plus de temps à des futilités comme la protection d'Asteras ou de ses citoyennes.
Quoique, il se devait de protéger son neveu et sa nourrice... et le fond de commerce que représentaient les survivants. Au travail.
Mais rien à faire, ses pensées vaquaient entre la cousine qu'il n'avait pu sauver, le bébé qui était peut-être sur le même chemin, cette abomination en liquéfaction qui avait fait de lui un lièvre, le fil de son spectacle a parachever et cette servante ensorcelante...

- Oh, quittez mon esprit, pensées tyranniques,
Et laissez-moi potasser ce sort amphigourique !


Il avait failli renverser la table en se levant aussi brutalement, et tous les regards étaient tournés vers lui.

- Chut, lui dit autoritairement le professeur, il y a des gens qui travaillent ici !

Sorn quitta la pièce discrètement, puis marchant distraitement sans réussir à semer ses cogitations, finit sa course fortuitement devant le temple.
Il quémanda quelques soins diligents, puis profita de sa présence en ce lieu d'assistance pour farcir de cartons d'invitations les casiers de correspondance du clergé, avant de reprendre la route de l'océan d'un pas ferme et décidé.

Il se le répétait à chaque pas, il n'était pas un lâche. Et l'égoutture dégénérée n'avait qu'à bien se tenir. Il avait tant retrouvé sa confiance en lui qu'il en était à réfléchir comment capturer ce bestion et le faire parader lors de son prochain spectacle... Ce serait jardin comble assuré !
Quelques tourbillons pour l'immobiliser, un coup de lévitation pour le rendre transportable, un sort de réduction, et hop, dans la fiole la bestiole. Sauf qu'il ne connaissait guère que le premier des ces enchantements. Et encore, il ne l'avait jamais pratiqué. Il ne savait même pas si le dernier existait...
Bah, exhiber sa dépouille suffirait. Quelle était déjà la formule magique de cette « décharge dynamique » ?
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