Les chroniques de la mère morte
#2
Gwendolwenn était lasse. Très lasse. Pourquoi avait-elle accepté cette demande ? N'y avait-il pas assez d'aventuriers aux lames aiguisées et aux corps légers pour rapporter un peu de bois au pêcheur ? D'âme charitables pour combattre les éléments afin d'aider une arpenteuse venue d'ailleurs ?
Pourquoi tout et tout le monde semblait être contre elle ? Ce Ragnar. Elle enrageait qu'il eût voulu garder pour lui le secret de la conflagration. Ryner. La critiquer, elle. Parce qu'elle manquait de persévérance ! Elle qui tentait de l'aider à sauver son amour d'étoile de mana. Dans son état. Que n'avait-elle prit une chambre au Temple, attendant tranquillement les premières contractions en vidant quelques coupelles de fraises.
Oui c'était vrai après tout. Elle manquait de persévérance. Elle était assise dans le marais a s'apitoyer sur son sort. Il fallait qu'elle se lève. Qu'elle continue. Encore. Encore un tout petit peu. Rentrer, prendre un bateau, prendre la sphère d'eau a son gardien, la rendre. Et se reposer, enfin.

Elle se leva péniblement et glissa son sac pesant sur son dos.

Tout semblait se liguer contre elle. Une pluie fine et pénétrante s'était mise à tomber, alourdissant son paquetage et dégoulinant le long de ses cheveux qui venaient se coller devant ses yeux. Elle longeait la cloaque qui lui envoyait ses relents putrides, et manquait souvent de chuter dans les nombreuses flaques que la pluie remplissait et rendait vicieuses. Son bébé avait décidé de faire les cent pas tout en tambourinant de ses poings sous la peau de son ventre, comme s'il avait décidé de sortir maintenant pour visiter la fange.
Il ne manquait plus qu'une créature pleine de griffe et de crocs n'émerge du marais pour parfaire l'harmonie de cette déchéance.

Mais ce fut une autre créature pleine de pics et de crocs qu'elle vit au loin. Aussi discrète qu'une fanfare dans une école de magie, l'armée naine. Elle avait fait tout ce chemin pour les contourner par le sud du petit-marais, et voilà que passant par le nord, les nains l'avaient dépassé et se trouvaient à nouveau entre elle et Asteras.

Elle se demandait ce qui motivait cette guerre, et se dit qu'une fois l'arpenteuse en sûreté et pourvue de sa dernière sphère, il faudrait par curiosité qu'elle aille jeter un oeil a ces fameuses mines. Valaient-elles vraiment la peine qu'on s'entre-tue pour leurs richesses ? Ou à contrario, si elle en regorgeaient, n'était-il pas plus simple de partager pacifiquement les gains, que de les utiliser pour payer les armées que nécessitaient leur défense ?

Pour l'heure elle avait deux choix... Traverser les lignes naines au risque de prendre une hache égarée, ou se coltiner les putrides exhalaisons de cadavres en décomposition du grand marécage du bord de mer mêlée aux miasmes saumâtres des algues échouées...

Le temps pressait. Gwendolwenn fit son choix, et sur un advienne que pourra fataliste, longea le champ de bataille, qui du côté du marais semblait plutôt désert. Désert a une exception près. Un nain, qu'elle avait croisé à l'aller, qui ne l'avait pas importuné, et qui plus est qu'elle connaissait pour l'avoir rencontré lors de l'assemblé des Ombres à Karad. C'était tout simplement le plus grand guerrier d'Ecridel, elfes et nains confondus. Elle s'avança, confiante, évitant de faire montre d'hostilité ou même de méfiance en n'arborant aucune arme, attitude équivoque ni protection magique. Lui aussi s'avança. Il chantonnait en venant vers elle, quelque ritournelle de sa composition :

Ah-hi ah-ho, on va casser de l'elfe...

Mauvais présage. Une fois encore elle se dit qu'elle aurait peut-être mieux fait de conserver son anneau des Bras d'Argent. Elle aurait pu lui rappeler qu'elle était amie des nains. Qu'elle avait été de nombreuses fois a Karad. Que les Compagnons d'Ecridel avaient été sa famille pendant longtemps.

Le sourire aux lèvres, le guerrier franchit les derniers pas qui le séparait d'elle. Allait-il comme la dernière fois passer à côté d'elle ? Son ventre la brûla. Elle regardait la lame ondulée qui l'avait pénétrée. Pourquoi ? Par haine ? Pour l'or ? Par jouissance ? Ce devait être cela... Prenant un plaisir non dissimulé à a remuer son kriss dans l'abdomen de sa victime, il allait, venait. Par quatre fois, avant de se retirer dans un souffle. Mais il ne l'acheva pas. Elle se retourna, tenta de fuir, trainant derrière elle ce qui devait être un intestin, ou peut-être un cordon ombilical. Elle ne savait même pas si l'enfant était encore en elle Elle ne savait même pas s'il était encore vivant. Elle entendit la voix rauque de son agresseur. Peut-être. Ses oreilles bourdonnaient, elle n'était plus très sûre. Ce devait être quelque chose comme « Ronain ! A toi l'honneur. » Ronain. Oui ce devait être cela. Elle avait vu un nain ainsi nommé lors du conseil. Quel honneur... Mais le nain ne parvint pas jusqu'à elle, et n'eût pas le plaisir de lui broyer le crâne de son marteau runique rutilant. Ce fut un trait, tiré par un nain trop lointain pour qu'elle puisse encore le distinguer entre les larmes qui brouillaient ses yeux qui apporta un terme définitif a cette existence prometteuse. Elle ne sentait plus la douleur. Elle eut une dernière pensée affectueuse et émue pour celle qui avait accepté qu'elle la nomme, a celle qui était la cause de tout ceci. Mais elle ne regrettait pas d'avoir tenté de lui apporter son aide.

- Désolée, Asteïryë... J'ai échoué.

Une étoile bleue s'était éteinte.
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