Instants de repos
#3

Victor ne se souvenait plus de tout. Il se souvenait qu'il avait foncé seul sur plus d'une dizaine d'ennemis. Il se souvenait de la douleur, de la peine, du froid. Mais il ne se souvenait pas des évènements d'avant. Enfin, si. Mais pas tout ceux de la forteresse. Il se souvenait d'un camp à un moment. De rien d'autre. C'est tout ce qu'on pouvait lui dire, qui lui avait permis de reconstruire ce qui pouvait s'être passé. Mais il y aurait toujours des trous dans la ligne des évènements.
Il ne savait pas non plus pourquoi il se tenait là, bien vivant. Fallait-il remercier un dieu, ou bien la chance ? Ses ennemis l'avaient-ils cru morts en le laissant gisant dans la neige rouge ? Le saurait-il seulement un jour ?

Mais à cet instant, le jeune homme ne pensait plus à ça. Non, il flottait sur un petit nuage. L'un des effets secondaires des potions qu'on lui avait donné, pour finir sa guérison. Il aimait bien la magie. Enfin, la magie qui lui permettait de guérir. Pas les sorts qu'il s'était pris en pleine face pendant le combat. La magie blanche et les décoctions du même registre faisaient des merveilles. Peut-être que c'était simplement grâce à ça qu'il était en vie. Et la chance ? De même que le reste de sa famille.

Le sourire crispé de Cendre ne le sortit pas de son état d'euphorie, mais il se rendit compte qu'elle n'était pas dans le même état que lui. Dommage, ça aurait été plus simple. Une conversation alors qu'ils étaient tous deux drogués à cette potion aurait probablement été très drôle.
L'air inquiet de la jeune femme le rappela à l'ordre.

« Pas encore non, mais il est arrivé juste avant toi, et juste après moi, alors… il devrait déjà être sortit, je crois ? J'espère ? »

« On m'a dit qu'il était sorti et qu'il allait bien. Enfin, aussi bien que nous deux. Est-ce que c'est aller bien, ça ? Moi ça va à cause de la potion que j'ai pris tout à l'heure. Je me sens tout léger. »


Il sembla avoir un instant d'absence, puis reprit son sourire pour plaisanter un peu. Et il sourit un peu plus en voyant qu'il avait réussi à extirper un petit rire de sa sœur. Même quelques instants après elle semblait triste. A vrai dire, il savait pour sa blessure. Mais en cet instant, il avait du mal à se soucier de quelque chose.
Il lui fit un petit câlin, prenant soin de ne pas appuyer sur son bras meurtri.

« Je veux bien aller boire un verre, mais seulement du lait chaud. J'ai envie de lait chaud. »

« Va pour un lait chaud pour toi alors ! »


Lui prendrait un cidre, c'était décidé. Encore heureux qu'il pouvait boire de l'alcool malgré ses "médicaments".
Un des mages présent se retourna vers eux, semblant irrité de l'emphase avec laquelle parlait Victor. Heureusement qu'il était sur le départ. Enfin, heureusement pour le mage...

« Les infirmières m'ont dit que tu étais resté tout seul, dehors, face à une horde de agars.
Tu veux être père, Victor ? Si tu veux être père un jour, évites ce genre d'âneries. Tu as de la chance que des troupes taliennes t'ont extirpé du bain de sang, sinon tu n'aurais pas eu de fils, et Père aurait perdu le sien. Imagine un peu la tristesse de ta mère si je devais lui apprendre que tu es mort en voulant faire le brave !
Être brave c'est réussir la folie qu'on entreprend. Quand on rate, on est juste un raté doublé d'un fou. La témérité ça te va très mal Victor.

La prochaine fois, fais attention à toi. T'aurais pu mourir. »


« Oui, bah... »


Il était un peu moins euphorique après cette tirade, mais avait toujours l'impression que ce n'était pas important. Il finit de suspendre son onomatopée pour répondre réellement.

« Je me souviens plus. Enfin plus de tout. Mais je me souviens que je pouvais pas fuir. Alors j'ai dû tenter de faire le plus de dégâts possibles dans leur rang.
De toute façon, je suis toujours en vie. »


Il conclut ce point sur un sourire encourageant, avant de changer de sujet.

« Tiens, ça me fait penser... Paraît qu'on a retrouvé un papier dans ma main d'un ennemi qui demandait si je pouvais lui apprendre à jouer à la belote... Je vais lui faire bouffer mon jeu si je le recroise surtout... Bon, je sais plus quelle tête il avait, mais je le saurai quand je le verrai. »

Il commença à marcher en direction d'une des portes conduisant à la ville basse, le sourire toujours accroché aux lèvres.

« On va à quelle Taverne ? L'habituelle au Lit du Fleuve, ou plutôt une en centre ville ? »

« Le Lit du Fleuve est un peu loin. Je connais une autre taverne sympathique, suis-moi. »

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