26-12-2016, 23:55:39
Sighild était furieuse. Elle avait traversé la moitié de l'Ingemann à marche forcée pour deux choses : aider à soigner les victimes de la guerre civile, et s'opposer à l'incursion elfique sur les terres de son peuple. Désormais, c'était elle dont les soigneurs devaient s'occuper, et les blessures qu'elle arborait n'étaient même pas dues aux Elfes, mais aux Agars renégats qu'elle avait espéré ne pas combattre. Les dieux avaient décidément un sens de l'humour bien particulier.
Elle se trouvait dans la salle commune de l'auberge d'Emelinde, qui avait été réaménagée en hôpital de fortune. Les tables avaient été sorties et remplacées par une quarantaine de lits de camps quasiment tous occupés. L'ambiance était moite et malsaine : l'atmosphère étouffante, l'odeur sordide du sang et de la sueur mêlés, les volets fermés laissant passer de fins rais de lumière pâle, les gémissements des blessés ; tout dans cette pièce donnait envie de sortir en courant. Aussi désagréables soient-ils, les courants d'air glacés qui s'engouffraient dans l'auberge à chaque fois que quelqu'un en franchissait le seuil semblaient accueillants et pleins de promesses.
La jeune femme se tortilla sur son lit dans l'espoir de chasser les démangeaisons qui, bien à l'abri sous plusieurs couches de bandage, menaçaient de la rendre folle. Elle regretta instantanément ce mouvement lorsque celui-ci vint tirer sur une longue estafilade encore mal cicatrisée qu'un ruffian d'Aaren lui avait infligée à la cuisse à l'aide d'une rapière aussi élégante qu'acérée. Elle étouffa un grognement de douleur et se força à rester tranquille. Ce qui était particulièrement difficile lorsqu'on était soumis simultanément à une demi-douzaine de blessures, à l'inconfort de bandages trop serrés, à la contrariété générée par la situation et au spectacle insipide que constituaient les planches vermoulues du plafond.
Sighild pesta en imaginant ses frères et sœurs agars combattant les rebelles pendant qu'elle était alitée ici, réduite à l'impuissance. Elle aurait aimé effacer le sourire insolent du nobliau qui l'avait blessée de son épée, ou celui -plus bovin- du colosse qui avait manqué de la fendre en deux de son énorme estramaçon avant qu'elle ne se résigne à battre en retraite, couverte par ses pairs et se vidant de son sang. Elle trouvait néanmoins une certaine consolation dans l'idée que ces deux-là avaient fini avec le fléau de Gared dans les rotules, un carreau de Morane dans le torse, ou une hachette de Floki entre les deux yeux.
"Patience, lui avait répété un guérisseur le matin-même, pour la quinzième fois en deux jours, vos plaies doivent encore cicatriser. Et au-delà de ça, vous avez besoin de repos."
Des instructions qui ne lui convenaient guère, mais qu'elle s'était résolue à suivre (un temps du moins) en constatant que celui qui les lui prodiguait savait ce qu'il faisait. Ce qui n'était malheureusement pas le cas de tous ceux et celles qui passaient de lit en lit pour prendre soin des blessés.
De la patience, elle n'en manquait pas. Et elle comptait bien être sur pied très bientôt. Quitter cette salle maudite où les blessés s'entassaient à toute vitesse, pour ne sortir le plus souvent que pour leur dernier voyage. Aller aider ses frères et sœurs Agars à préserver l'intégrité de leurs terres. Elle était encore faible, mais elle serait bientôt prête à partir. Le guérisseur n'aimerait pas trop ça, mais elle n'en avait cure. Si elle devait filer en cachette au cœur de la nuit, elle le ferait. Ce n'était pas raisonnable, mais elle ne pouvait pas rester inactive plus longtemps. Ses propres dons de guérison l'aideraient à se remettre sur pied lorsqu'elle serait repartie. Du moins l'espérait-elle...
Elle ne ferait pas attendre Aaren.
Ni les Elfes et les Taliens qui fondaient sur leurs terres tels les vautours sur une charogne.
Ni les Holdars, dont les complots avaient causé tout ceci, et dont la présence lui avait été confirmée par les lointaines silhouettes de skilithes qu'elle avait vues planant autour de la forteresse du jarl rebelle, ombres menaçantes dans le ciel gris des grandes steppes glacées du nord...
Elle se trouvait dans la salle commune de l'auberge d'Emelinde, qui avait été réaménagée en hôpital de fortune. Les tables avaient été sorties et remplacées par une quarantaine de lits de camps quasiment tous occupés. L'ambiance était moite et malsaine : l'atmosphère étouffante, l'odeur sordide du sang et de la sueur mêlés, les volets fermés laissant passer de fins rais de lumière pâle, les gémissements des blessés ; tout dans cette pièce donnait envie de sortir en courant. Aussi désagréables soient-ils, les courants d'air glacés qui s'engouffraient dans l'auberge à chaque fois que quelqu'un en franchissait le seuil semblaient accueillants et pleins de promesses.
La jeune femme se tortilla sur son lit dans l'espoir de chasser les démangeaisons qui, bien à l'abri sous plusieurs couches de bandage, menaçaient de la rendre folle. Elle regretta instantanément ce mouvement lorsque celui-ci vint tirer sur une longue estafilade encore mal cicatrisée qu'un ruffian d'Aaren lui avait infligée à la cuisse à l'aide d'une rapière aussi élégante qu'acérée. Elle étouffa un grognement de douleur et se força à rester tranquille. Ce qui était particulièrement difficile lorsqu'on était soumis simultanément à une demi-douzaine de blessures, à l'inconfort de bandages trop serrés, à la contrariété générée par la situation et au spectacle insipide que constituaient les planches vermoulues du plafond.
Sighild pesta en imaginant ses frères et sœurs agars combattant les rebelles pendant qu'elle était alitée ici, réduite à l'impuissance. Elle aurait aimé effacer le sourire insolent du nobliau qui l'avait blessée de son épée, ou celui -plus bovin- du colosse qui avait manqué de la fendre en deux de son énorme estramaçon avant qu'elle ne se résigne à battre en retraite, couverte par ses pairs et se vidant de son sang. Elle trouvait néanmoins une certaine consolation dans l'idée que ces deux-là avaient fini avec le fléau de Gared dans les rotules, un carreau de Morane dans le torse, ou une hachette de Floki entre les deux yeux.
"Patience, lui avait répété un guérisseur le matin-même, pour la quinzième fois en deux jours, vos plaies doivent encore cicatriser. Et au-delà de ça, vous avez besoin de repos."
Des instructions qui ne lui convenaient guère, mais qu'elle s'était résolue à suivre (un temps du moins) en constatant que celui qui les lui prodiguait savait ce qu'il faisait. Ce qui n'était malheureusement pas le cas de tous ceux et celles qui passaient de lit en lit pour prendre soin des blessés.
De la patience, elle n'en manquait pas. Et elle comptait bien être sur pied très bientôt. Quitter cette salle maudite où les blessés s'entassaient à toute vitesse, pour ne sortir le plus souvent que pour leur dernier voyage. Aller aider ses frères et sœurs Agars à préserver l'intégrité de leurs terres. Elle était encore faible, mais elle serait bientôt prête à partir. Le guérisseur n'aimerait pas trop ça, mais elle n'en avait cure. Si elle devait filer en cachette au cœur de la nuit, elle le ferait. Ce n'était pas raisonnable, mais elle ne pouvait pas rester inactive plus longtemps. Ses propres dons de guérison l'aideraient à se remettre sur pied lorsqu'elle serait repartie. Du moins l'espérait-elle...
Elle ne ferait pas attendre Aaren.
Ni les Elfes et les Taliens qui fondaient sur leurs terres tels les vautours sur une charogne.
Ni les Holdars, dont les complots avaient causé tout ceci, et dont la présence lui avait été confirmée par les lointaines silhouettes de skilithes qu'elle avait vues planant autour de la forteresse du jarl rebelle, ombres menaçantes dans le ciel gris des grandes steppes glacées du nord...