Milles étoiles sans Dame Lune.
#5
Elle l'entendit, mais ne répondit pas.
Elle resta prostrée, là, quelques longues secondes avant de se rendre compte que c'était la première fois, depuis des mois d'espoir et d'illusion, qu'elle n'y croyait plus. Elle n'y croyait tout simplement plus. Sa mère était désormais une étoile, ou un grain de poussière dans les neiges. Elle n'était plus, tout simplement. Un esprit, au mieux. Un esprit…

La gorge de la jeune fille se noua devant cette soudaine réalisation.
Elle ne la reverrait plus jamais.
Alors ça faisait ça, la mort ? Elle se demanda si Evrard sentait de pareilles choses de temps à autres, et en silence, elle lui jalousa le fait que la mort avait pris sa mère trop jeune pour qu'il n'est de tels moments. Evrard était chanceux. Cette douleur, elle était si poignante, si effrayante. Pouvait-on souffrir autant ?

Cendre releva le visage au moment où les bras de Victor s'enroulaient autour d'elle, faisant office d'une couverture contre le monde entier. Les flammes léchaient désormais ses mains, mais elles ne firent pas de mal à son frère. Elle resta là, le nez planté contre le torse de Victor.
Elle sentit quelque chose roulait sur sa joue, une larme à n'en pas douter. Au même moment, les flammes autour de ses doigts moururent, comme chassées. Cendre se mordit la lèvre pour ne pas laisser échapper un sanglot, mais il y eut tout de même ce petit bruit étouffé significatif, puis plus tard, les reniflements, les soubresauts, la gorge qui démange, qui serre, qui fait mal.
Il y eut simplement Cendre, coincée contre Victor, en pleurs.

Quelques secondes s'écoulèrent où elle ne bougea pas, ou presque pas. Le temps que ses poumons cessent de ne plus vouloir se remplir correctement et que ses yeux cessent de la piquer. Il en fallut du temps, mais au bout de ce moment silencieux, elle repoussa doucement Victor, essuyant d'un geste rapide et timide ses joues et ses yeux rougies.
Pour la première fois, Cendre se relevait non pas seulement fragile, mais humaine.
La jeune sorcière était si pleine d'assurance qu'on avait pu oublier qu'elle n'était après tout d'un petit bout de femme perdu. Elle renifla une dernière fois, frottant ses yeux une dernière fois :

« Désolée, je..je dois être fatiguée » murmura-t-elle, avec un ton doux et bas.

Cendre essaya de sourire, mais c'était bien plus dur que dans ses souvenirs. Frottant toujours ses yeux et cherchant à retrouver de la substance, elle posa doucement sa tête sur l'épaule de son frère. Il n'y avait peut-être entre eux qu'un demi lien du sang, qu'un demi quelque chose, mais c'était suffisant pour elle, suffisant pour la réconforter.
Elle n'était pas si seule dans ce monde trop grand.

« Merci d'être là Victor. »

La tête sur l'épaule de son frère, ses yeux gonflés guettaient le ciel obscur. Elle se sentait si petite, dans ce monde trop grand.
Le plus sérieusement du monde, elle reprit, d'un ton bas et solennel :

« Je sais que ce n'est pas toujours facile, toi et moi, mais… ça ira mieux, un jour. »

Un jour, où elle aurait enfin eu le temps de panser les quelques plaies qui résistaient. Quand enfin elle aurait grandi, plus que son petit corps ne le faisait croire ou devinait.
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