12-12-2016, 23:49:30
Sighild escalada la côte qui menait au refuge du louveteau, ses pieds crissant dans la neige et de la fumée sortant de sa bouche à chaque expiration. Elle arriva devant la porte en bois qui servait d'entrée au refuge, et la poussa avec soulagement. La journée avait été glaciale et elle n'était pas mécontente de regagner ce qui était devenu une nouvelle maison pour elle et ses compagnons. Cette bâtisse n'avait rien d'un palais avec sa taille modeste et sa charpente grinçante, mais avec du temps et des efforts, ils pourraient en faire un lieu plus chaleureux.
La jeune femme referma la porte derrière elle, posa ses affaires dans un coin et s'approcha de la cheminée. Elle étendit ses mains au-dessus des bûches, ferma les yeux et psalmodia quelques mots d'Agarim. Une flamme timide naquit au creux du foyer, lentement, telle une marmotte sortant de son hibernation et hésitant à quitter la sécurité de son terrier. Sighild se détourna, sachant que cette flamme n'avait plus besoin de son aide pour devenir une bonne flambée. Elle tira le banc qui se trouvait sous la grande table qui occupait fièrement le centre de la pièce et s'y installa. Elle se pencha pour attraper la besace qu'elle avait posée en arrivant et la tira jusqu'à elle. Elle en sortit une poignée de plantes médicinales qu'elle commença à piler dans un petit mortier en bois.
Le jour commençait à décliner lorsque Sighild entendit des pas à l'extérieur. Quelques instants plus tard, la porte du refuge s'ouvrait, laissant pénétrer un courant d'air froid des plus désagréables. Une petite silhouette emmitouflée dans sa cape et portant dans le dos une arbalète qui semblait démesurée au regard de sa porteuse entra avec un soupir de soulagement.
Sighild se leva pour accueillir sa sœur d'armes.
"Morane, viens donc te réchauffer près du foyer.
- Avec plaisir. D'autant que j'ai pas mal de choses à te raconter."
Le sourire de Sighild s'évanouit : le ton avec lequel Morane avait prononcé ces mots ne laissait rien présager de bon. Tandis que l'arbalétrière s'installait, elle alla décrocher des morceaux de viande séchée suspendus au fond de la pièce, revint s'installer en face de Morane et déposa la viande entre elles. La jeune fille accepta la viande de bon cœur et commença à en grignoter une lanière.
Après quelques instants d'un silence seulement brisé par le crépitement des flammes, Morane annonça à Sighild les nouvelles qu'elle avait récoltées.
"Le peuple agar est officiellement en guerre. Le Jarl Stirling mobilise ses troupes depuis quelques jours."
Sighild eut une grimace de dégoût.
"Contre les Elfes des neiges je suppose ?
- Tu supposes mal. Contre d'autres Agars."
Le dégoût laissa instantanément place à la stupéfaction.
"Une guerre civile ?
- Ouais.
- Et merde ! Ça nous pendait à la gueule mais je pensais que le Jarl avait tissé sa toile plus finement et qu'on n'arriverait pas à de telles extrémités avant un moment.
- Je pense que la toile du Jarl n'est pas complètement déficiente : Sigvald a pris les armes aux côtés de Fradjornson ! Autant te dire qu'il doit bien le tenir par les couilles.
- Sigvald se bat pour Fradjornson ??? Cette guerre risque d'être terminée rapidement... tu sais qui est le taré qui a décidé de se rebeller ?
- Un certain Broder Aaren. Une brute, de ce que j'ai compris. Si j'en crois les rumeurs, ses premières offensives dans ce conflit ont été orientées contre des civils. Ce serait aussi un passionné de la chasse aux Elfes. Des Elfes des neiges en particulier.
- Je ne le connais pas, et je ne crois pas avoir entendu parler de lui auparavant. Mais si ce que tu me dis de lui est vrai, je pense qu'il ne vaut pas mieux que Fradjornson.
- Je n'ai jamais prétendu le contraire..."
Il y eut une pause dans la discussion tandis que Sighild digérait les informations qu'elle venait de recevoir.
"Une guerre civile... reprit-elle, il ne manquait plus que ça ! Et pour une fois qu'une occasion de déstabiliser Fradjornson se présente, il faut qu'elle soit menée par un Jarl potentiellement aussi malavisé que lui... cette guerre sera finie en quelques semaines. Plusieurs mois tout au plus, à moins que cet Aaren soit particulièrement coriace. Et lorsque Fradjornson aura mis cet imbécile au pas, il n'en sera que renforcé dans sa position de Jarl des Jarls. Cette révolte est une nuisance pour l'instant, mais s'il joue finement - et les dieux savent qu'il excelle dans ce domaine - elle devrait lui bénéficier à long terme."
Sighild marqua une nouvelle pause. Elle semblait réfléchir, le regard perdu dans le vague et ses doigts pianotant sur le bois de la table dans un roulement régulier. Elle reprit :
"Toute guerre apporte son lot de désolation là où elle se déroule. Surtout si des civils doivent en faire les frais. Je partirai demain pour mettre mes talents de guérisseuse au service des victimes. Il n'est pas question que je prenne parti dans ce conflit, mais je ne peux pas faire comme s'il n'avait pas lieu. Connais-tu les projets de nos frères trappistes ?
- Pas du tout. Tu es la première que je rencontre depuis que j'ai appris la nouvelle.
- Je vois... c'est une situation délicate, et vu les forces en présence, j'ignore s'ils voudront s'en mêler.
- Ils risquent de s'y sentir forcés. On dit que les Hauts-Elfes sont sur le sentier de la guerre. J'ignore s'ils ont des comptes à régler avec Aaren ou s'ils profitent de la situation, mais des éclaireurs auraient aperçu des signes laissant penser qu'ils sont sur le point de nous attaquer..."
La jeune chaman ne sut que répondre. Elle prit sa tête entre ses mains comme si cet assaut de mauvaises nouvelles lui donnait la migraine.
"Quel merdier... mais quel merdier... bien sûr qu'ils voudront s'en mêler. Nous ne pouvons pas laisser les Hauts-Elfes ravager nos terres. Soigner risque de ne pas être ma seule occupation. Mais si nous allons combattre les Elfes, j'ai peur que notre présence donne à Fradjornson l'occasion de nous forcer à nous battre sous sa bannière.
- Fradjornson ira se faire foutre !
- Oui. Et Aaren aussi. Si les circonstances le permettent...
- Si elles ne le permettent pas, nous saurons nous montrer dociles. Le temps qu'il faudra..."
Sighild sourit à cette remarque. Elle ignorait comment allait se dérouler ce conflit, mais elle était sûre qu'il aurait lieu non seulement sur le champ de bataille, mais aussi sur l'échiquier politique qu'elle méprisait tant. Il allait falloir danser sur la musique des uns et des autres, donner l'impression de suivre le pas de chacun, tout en défendant les terres du peuple agar contre les Hauts-Elfes - et probablement quelques Taliens. Les jours à venir s'annonçaient éprouvants.
"Tu sais qui je serais curieuse de voir là-bas ? demanda Morane, tirant Sighild de ses pensées. Ton vieil ami Thorleif... il semblait déjà parler d'une guerre civile à l'époque. Je me demande s'il est impliqué de près ou de loin dans celle-ci...
- Thorleif... répondit Sighild en passant machinalement la main sur son ventre, là où la cicatrice laissée par la lance de givre du soi-disant éclaireur revenait régulièrement l'élancer. Oui, moi aussi je serais curieuse de le voir. Mais je n'en serais pas ravie, tu t'en doutes.
- Pffffff, t'es pas objective la taquina Morane, tu ne lui as jamais laissé sa chance de se justifier.
- Mouais. Et bien s'il veut se justifier un jour, il aura intérêt à être vachement persuasif.
- Plus sérieusement, je serais curieuse de voir ce qu'il aurait à me dire maintenant ce froussard. Morane eut un sourire carnassier. J'ai un truc à lui rendre, au passage."
Les deux trappistes discutèrent encore une bonne heure avant de décider d'un commun accord qu'il était temps de dormir. Si elles voulaient partir au plus tôt vers l'ouest le lendemain, elles auraient besoin d'une bonne nuit de sommeil. Surtout si elles voulaient d'abord retrouver leurs frères trappistes pour faire la route avec eux.
La jeune femme referma la porte derrière elle, posa ses affaires dans un coin et s'approcha de la cheminée. Elle étendit ses mains au-dessus des bûches, ferma les yeux et psalmodia quelques mots d'Agarim. Une flamme timide naquit au creux du foyer, lentement, telle une marmotte sortant de son hibernation et hésitant à quitter la sécurité de son terrier. Sighild se détourna, sachant que cette flamme n'avait plus besoin de son aide pour devenir une bonne flambée. Elle tira le banc qui se trouvait sous la grande table qui occupait fièrement le centre de la pièce et s'y installa. Elle se pencha pour attraper la besace qu'elle avait posée en arrivant et la tira jusqu'à elle. Elle en sortit une poignée de plantes médicinales qu'elle commença à piler dans un petit mortier en bois.
Le jour commençait à décliner lorsque Sighild entendit des pas à l'extérieur. Quelques instants plus tard, la porte du refuge s'ouvrait, laissant pénétrer un courant d'air froid des plus désagréables. Une petite silhouette emmitouflée dans sa cape et portant dans le dos une arbalète qui semblait démesurée au regard de sa porteuse entra avec un soupir de soulagement.
Sighild se leva pour accueillir sa sœur d'armes.
"Morane, viens donc te réchauffer près du foyer.
- Avec plaisir. D'autant que j'ai pas mal de choses à te raconter."
Le sourire de Sighild s'évanouit : le ton avec lequel Morane avait prononcé ces mots ne laissait rien présager de bon. Tandis que l'arbalétrière s'installait, elle alla décrocher des morceaux de viande séchée suspendus au fond de la pièce, revint s'installer en face de Morane et déposa la viande entre elles. La jeune fille accepta la viande de bon cœur et commença à en grignoter une lanière.
Après quelques instants d'un silence seulement brisé par le crépitement des flammes, Morane annonça à Sighild les nouvelles qu'elle avait récoltées.
"Le peuple agar est officiellement en guerre. Le Jarl Stirling mobilise ses troupes depuis quelques jours."
Sighild eut une grimace de dégoût.
"Contre les Elfes des neiges je suppose ?
- Tu supposes mal. Contre d'autres Agars."
Le dégoût laissa instantanément place à la stupéfaction.
"Une guerre civile ?
- Ouais.
- Et merde ! Ça nous pendait à la gueule mais je pensais que le Jarl avait tissé sa toile plus finement et qu'on n'arriverait pas à de telles extrémités avant un moment.
- Je pense que la toile du Jarl n'est pas complètement déficiente : Sigvald a pris les armes aux côtés de Fradjornson ! Autant te dire qu'il doit bien le tenir par les couilles.
- Sigvald se bat pour Fradjornson ??? Cette guerre risque d'être terminée rapidement... tu sais qui est le taré qui a décidé de se rebeller ?
- Un certain Broder Aaren. Une brute, de ce que j'ai compris. Si j'en crois les rumeurs, ses premières offensives dans ce conflit ont été orientées contre des civils. Ce serait aussi un passionné de la chasse aux Elfes. Des Elfes des neiges en particulier.
- Je ne le connais pas, et je ne crois pas avoir entendu parler de lui auparavant. Mais si ce que tu me dis de lui est vrai, je pense qu'il ne vaut pas mieux que Fradjornson.
- Je n'ai jamais prétendu le contraire..."
Il y eut une pause dans la discussion tandis que Sighild digérait les informations qu'elle venait de recevoir.
"Une guerre civile... reprit-elle, il ne manquait plus que ça ! Et pour une fois qu'une occasion de déstabiliser Fradjornson se présente, il faut qu'elle soit menée par un Jarl potentiellement aussi malavisé que lui... cette guerre sera finie en quelques semaines. Plusieurs mois tout au plus, à moins que cet Aaren soit particulièrement coriace. Et lorsque Fradjornson aura mis cet imbécile au pas, il n'en sera que renforcé dans sa position de Jarl des Jarls. Cette révolte est une nuisance pour l'instant, mais s'il joue finement - et les dieux savent qu'il excelle dans ce domaine - elle devrait lui bénéficier à long terme."
Sighild marqua une nouvelle pause. Elle semblait réfléchir, le regard perdu dans le vague et ses doigts pianotant sur le bois de la table dans un roulement régulier. Elle reprit :
"Toute guerre apporte son lot de désolation là où elle se déroule. Surtout si des civils doivent en faire les frais. Je partirai demain pour mettre mes talents de guérisseuse au service des victimes. Il n'est pas question que je prenne parti dans ce conflit, mais je ne peux pas faire comme s'il n'avait pas lieu. Connais-tu les projets de nos frères trappistes ?
- Pas du tout. Tu es la première que je rencontre depuis que j'ai appris la nouvelle.
- Je vois... c'est une situation délicate, et vu les forces en présence, j'ignore s'ils voudront s'en mêler.
- Ils risquent de s'y sentir forcés. On dit que les Hauts-Elfes sont sur le sentier de la guerre. J'ignore s'ils ont des comptes à régler avec Aaren ou s'ils profitent de la situation, mais des éclaireurs auraient aperçu des signes laissant penser qu'ils sont sur le point de nous attaquer..."
La jeune chaman ne sut que répondre. Elle prit sa tête entre ses mains comme si cet assaut de mauvaises nouvelles lui donnait la migraine.
"Quel merdier... mais quel merdier... bien sûr qu'ils voudront s'en mêler. Nous ne pouvons pas laisser les Hauts-Elfes ravager nos terres. Soigner risque de ne pas être ma seule occupation. Mais si nous allons combattre les Elfes, j'ai peur que notre présence donne à Fradjornson l'occasion de nous forcer à nous battre sous sa bannière.
- Fradjornson ira se faire foutre !
- Oui. Et Aaren aussi. Si les circonstances le permettent...
- Si elles ne le permettent pas, nous saurons nous montrer dociles. Le temps qu'il faudra..."
Sighild sourit à cette remarque. Elle ignorait comment allait se dérouler ce conflit, mais elle était sûre qu'il aurait lieu non seulement sur le champ de bataille, mais aussi sur l'échiquier politique qu'elle méprisait tant. Il allait falloir danser sur la musique des uns et des autres, donner l'impression de suivre le pas de chacun, tout en défendant les terres du peuple agar contre les Hauts-Elfes - et probablement quelques Taliens. Les jours à venir s'annonçaient éprouvants.
"Tu sais qui je serais curieuse de voir là-bas ? demanda Morane, tirant Sighild de ses pensées. Ton vieil ami Thorleif... il semblait déjà parler d'une guerre civile à l'époque. Je me demande s'il est impliqué de près ou de loin dans celle-ci...
- Thorleif... répondit Sighild en passant machinalement la main sur son ventre, là où la cicatrice laissée par la lance de givre du soi-disant éclaireur revenait régulièrement l'élancer. Oui, moi aussi je serais curieuse de le voir. Mais je n'en serais pas ravie, tu t'en doutes.
- Pffffff, t'es pas objective la taquina Morane, tu ne lui as jamais laissé sa chance de se justifier.
- Mouais. Et bien s'il veut se justifier un jour, il aura intérêt à être vachement persuasif.
- Plus sérieusement, je serais curieuse de voir ce qu'il aurait à me dire maintenant ce froussard. Morane eut un sourire carnassier. J'ai un truc à lui rendre, au passage."
Les deux trappistes discutèrent encore une bonne heure avant de décider d'un commun accord qu'il était temps de dormir. Si elles voulaient partir au plus tôt vers l'ouest le lendemain, elles auraient besoin d'une bonne nuit de sommeil. Surtout si elles voulaient d'abord retrouver leurs frères trappistes pour faire la route avec eux.