[RP] Animation : Aiguemirail
#50
Je détestais ces marais.

Une moiteur ambiante et suffocante y régnait pendant que les insectes s'agitaient autour de la troupe armée que nous représentions. Cette vase putride et stagnante dans laquelle nous devions patauger me rappelait vaguement les caniveaux du Quartier du Port qui m'avait vu naitre. Là où les pêcheurs jetaient les viscères et entrailles de leurs marchandises d'une fraicheur parfois douteuse. Là où les marins ivres régurgitaient la gnôle que leur foie atteint de cirrhose ne parvenait pas à garder. Là où les mendiants infirmes ou pestiférés s'installaient sur le sol crasseux quémandant aux plus miséricordieux une maigre pitance bien rance.

Mais plus que l'odeur fétide, c'était l'humidité omniprésente qui m'indisposait. Ou plutôt qui indisposait mes flammes et en diminuait la chaleur. Mes premières incantations contre les saurotarques se résumèrent par de légères fumeroles s'échappant de ma main. Ces cuisants échecs m'irritaient. Mais certainement pas autant que ces nobles qui aboyaient des ordres qu'ils ne suivaient guère. Enfin, tout dépendait de leurs propres humeurs du moment.

Je détestais ces gens.

Sous des dehors avenants aux premiers abords, je devinais qu'ils jaugeaient notre vaillance. Ou plutôt notre discipline. Peu leur importait que les ennemis tombent avec facilité grâce à notre surnombre si notre formation n'était celle escomptée. Une lubie de militaires, ou de nobles, me disais-je. Superflue et vaine, ajoutai-je intérieurement. L'enfant des ruelles que j'étais, se riait bien de cette disposition martiale. Elle n'était d'aucun secours pour échapper à une bande rivale, d'aucun secours pour survivre en dehors des batailles théoriques entre haut-gradés. La réalité était toute autre.

Rester à sa place. Voilà un adage que je connaissais bien pour l'avoir entendu. Et entendu encore. Cette rengaine sempiternelle que l'on murmurait au creux de mon oreille depuis mon enfance n'avait pourtant jamais su s'ancrer dans mon esprit. Il en était de même pour cette mission. Bien trop habituée à contourner les règles et à détourner les lois, je n'éprouvais aucun remord à me montrer insubordonnée.

Cependant, il fallait en passer par là pour bénéficier d'une chair à canon docile et prompte à se jeter au corps à corps de nos adversaires, alors je hochais la tête à leurs consignes en signe de bonne volonté. Aussi intolérable que m'apparaissait cette servitude envers ce guerrier bien-né répondant au nom de Victor et ses alliés, je consentais à mettre de côté mon ego, et cela même si mon allégeance n'avait été offerte qu'à Dame Luciferi. Pourtant, les coups de sang de cette hiérarchie improvisée m'invitèrent au meurtre.

De quel droit, ce benêt, haussait-il la voix envers ma chère petite sœur Lev ? Ce regard méprisant qu'il lui avait jeté pour un simple pas sur le côté. Comment osait-il l'humilier, elle et d'autres, pour des erreurs sans conséquence autre que quelques éraflures ? L'arrogant aurait payé cette offense de sa vie, ou du moins d'une brûlure au visage meurtrissant ses traits fins à jamais s'il n'avait eu ce geste.

La colère m'emportait déjà loin de toute cohérence, matérialisant entre mes doigts des braises ardentes. Elles se renforçaient pendant que j'observais le jeune homme, le regard noir, la haine au cœur. La rage me consumait, intensifiant mon feu vengeur.
Et Victor s'interposa. Entre la lame d'un saurotarque et mon frère Yan souffrant déjà d'une blessure sérieuse. Mes flammes disparurent instantanément, ma colère s'étant dissipée. Il l'avait sauvé. Je lui en étais sincèrement reconnaissante. S'il n'avait été aussi odieux, peut-être même l'aurai-je remercié. Comme Mère me l'avait appris.
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