14-06-2016, 21:04:39
Personnellement, l'odeur ne me gêne pas tant.
Elle est certes désagréable, mais elle n'est qu'un simple effluve à côté des marais de Ténagos.
En plus de la décomposition organique omniprésente, les marais eux possèdent une odeur supplémentaire, tout autre que la simple fétidité des eaux d'évacuation.
Celle de la mort.
Oui. C'est tout autre chose…
Mais les jeunes, eux, ne semblent pas d'être de cet avis.
Ces gamins…
Leurs réactions m'amusent.
Dégoûts, nausées, gémissements, jurons...
On pourrait penser qu'au bout d'une heure ils comprennent qu'ouvrir la bouche pour se plaindre et râler leur font avaler de grandes goulées d'air qui, est bien évidemment infect et répugnant, aggrave considérablement leurs hauts-de-cœur… Mais non !
Ce serait faire preuve de trop de bon sens et de discrétion ! Ca les incite, bien au contraire, à l'ouvrir encore plus ! Fatalement !
Et puis sans cela nos ennemis ne seraient pas ainsi prévenus de notre venue. Or il ne serait pas très galant de notre part de les massacrer sans nous annoncer n'est-ce pas, même s'ils sont de la pire racaille qu'il soit.
Les bonnes manières avant le bon sens voyons, Elena ! Mais où a-t-u donc été éduquée ? Ta formation date d'un autre âge, maintenant place aux jeunes et leurs techniques révolutionnaires !
Il faut que tu évolues ma vieille !
Brèves de plaisanteries… Loué soit les dieux que je n'ai pas à m'occuper de l'organisation et la direction du groupe…
Sinon, il y a déjà bien longtemps que je me serais jetée dans cette eau croupie et verdâtre dans un hurlement de folie après m'être arrachée quelques mèches avec un bout de cuir chevelu, pour laisser mon vieux corps cabossé se faire porter par le courant, telle une carpe asphyxiée dont le corps flotte piteusement à la surface, jusqu'à atteindre la mer. Et une fois que j'aurais coulé jusqu'aux fonds vaseux, crabes et bigorneaux viendront me grignoter le nez et les oreilles, jusqu'à ce qu'ils ne restent que mes vieux os, qui serviront probablement de support à d'autres crustacés et mollusques.
Et puis un beau jour, dans quelques siècles, avec l'abaissement du niveau de la mer, un pêcheur haut-elfe tombera sur une ou deux de mes vertèbres, voir mon crâne, pensera avoir fait la découverte archéologique du siècle et s'empressera ainsi d'apporter mes restes à un historien qui saura les dater. Peut-être saura-t-il même déterminer que j'étais une talienne, voir même une femme ? Les sciences progressent si vites de nos jours…
Puis après m'avoir brossée, savonnée, astiquée, re-savonnée, re-astiquée et vernie, on me posera sur un promontoire dans un musée ou dans la bibliothèque d'un riche noble d'où je servirais d'attraction et de support de légendes et de comptines pour effrayer les enfants jusqu'à me retrouver sur une étagère entre deux livres de droits, barbants et ennuyeux. Et là, je pourrais pour l'éternité compter les grains de poussière qui s'accumulent sur moi, et tenter vainement d'entamer une discussion rhétorique avec mes passionnants voisins de rayon.
Ce serait plutôt une bonne fin : ma mort aura été ainsi utile –dans l'ordre- au maintien de la biodiversité de la mer, à bouleverser la journée s'annonçant morne et répétitive d'un pêcheur, de sujet d'étude à un historien ridé, de support de cours à des gamins incrédules et béats ou de symbole de bienséance et d'instruction à un noble insuffisant, pour finir en cale-livre à des ouvrages beaucoup trop indigestes pour être lu, laissé à l'oubli dans un coin sombre et désert. Et avec un peu de chance –si ce n'est pas trop en demander, si tout se passe ainsi ce serait déjà merveilleux- pourrais-je encore me montrer utile comme abri pour araignées ou rongeurs.
Et là, vraiment, je serais comblée.
La fin P-A-R-F-A-I-T-E.
A y penser ça devient tentant… Je regarde, presque avec envie, l'eau s'écouler à quelques mètres de moi...
Une voix derrière moi m'arrache à ma joyeuse réflexion :
-Elenna, tout va bien ?
-Mh… Ah ? Oh. Oui. Rien. Je vérifiais juste que… Nous n'avions oublié aucunes pièces dans le canal. Ce serait dommage…
Je fronce les sourcils pour tenter de percer l'opacité mystérieuse de l'eau troublée afin de coller avec mon improvisation, puis après quelques secondes de comédie qui n'ont sans doute pas berné Cendre, je reprends tranquillement ma route. Bah. Elle n'aura qu'à mettre ça sur le compte de l'âge.
Je lève mon regard des dalles visqueuses, entraperçoit Dyanese qui me surveille, l'œil moqueur. Je ne prends même pas la peine de la foudroyer du mien –cela risquerait de lui accorder de l'importance- et l'ignorant, je continue mon avancée périlleuse.
Sûre que si ma mort devait apporter satisfaction à quelqu'un, avant les bigorneaux et les araignées, c'est bien à cette sale truie. Je suis convaincue qu'elle serait capable d'aller rechercher mon cadavre au fond de l'océan pour conserver mes restes, du moins mon crâne, afin que je lui serve de cible de tir pour son entraînement à l'arc.
Même si il y a peu de chance qu'elle ne me touche un jour vu ses capacités médiocres au tir, il m'est inconcevable de prendre en serait-ce le moindre risque.
Mes plus sincères excuses les asticots, corail, historien, mioches effarés, culs-serrés et autres ! Une autre fois, peut-être.
Et puis… La vieille bique que je suis exagère, comme toujours.
Même si tous transpirent l'inexpérience et la naïveté des débutants –hormis Leonide qui transpire l'alcool, sans forcément me déplaire- je reste relativement surprise de la cohésion de ce groupe pourtant fraîchement fondé, et des manœuvres réalisées.
Je vois des choses plus que correctes… Mais aussi des beaucoup moins.
Ne nous enflammons pas non plus trop vite. Mais… Je dirais qu'il y a du potentiel dans cette bande de mômes tumultueux.
Peut-être ne vais-je pas m'ennuyer autant que je le craignais.
J'observe à mon tour Dyanese, trop occupé à se jeter sur les ennemis pour faire ses preuves et frimer devant ses petits camarades, faisant fi du danger et de tout ce que j'ai pu lui apprendre en terme de stratégie et de tactiques de combat.
Je regarde à nouveau les eaux usées, imaginant mes leçons dériver au milieu des étrons..
Tsss…
Elle va m'entendre celle-ci ! J'hésite grandement à l'assommer, la sortir des égouts et aller l'attacher au clocher de la capitale que je ferais retentir pendant une heure durant !
Elle verra ainsi comment je sonne les cloches de son genre.
Hélas… les autres tenteront sans doute de s'opposer à mes plans. Je ne peux pas leur en vouloir. Ils ne connaissent rien au lien si fort qui nous unissent, Dydy et moi. Leur expliquer ne m'amènerait à rien.
Et même sans ça, ils ne prennent pas beaucoup de risques à me laisser agir à ma guise: j'arriverais à traîner Dyanese sur, aller quoi, cinq, six mètres tout au plus ? Et encore péniblement. Avant de m'effondrer à mon tour, à bout de souffle et de force.
A moins… que je ne me serve des conduits, utilisant l'écoulement du volume pour la transporter sans effort jusqu'à l'entrée !
Mais restent les escaliers.
Misère.
Que la vie est difficile et injuste avec les vieilles femmes…
Ne pouvant exécuter mes sombres projets, je me contente de féliciter oralement mon élève, et lui montrer toute mon affection, à coup de « morue », « bécasse », « pimbêche » et autre mots doux et tendres qui caractérisent si bien notre relation.
Ainsi, de par la réponse qu'elle me fournit, je suis en mesure d'estimer et de m'assurer de son état.
Sa dernière réplique fut une misère de répartie et d'originalité, mais elle n'en a jamais été pourvue, donc je m'en suis satisfaite. A vraie dire je ne m'attendais pas non plus à ce que soudain, le miracle aux vœux que j'adresse depuis plusieurs années déjà, s'opère dans ces bas-fonds humides et pestilentiels.
Une fois toute ma ranc- pardon, ma tendresse disais-je- exprimée, j'observe méticuleusement chaque membre du groupe et chercher une tâche pertinente à accomplir. Je mis peu de temps à la trouver, Leonide ne tardant pas à s'extirper de la mêlée officiant à quelques mètres devant elle, reculant avec peine, se tenant le bras droit.
Je m'approche de lui et tente du mieux que je puisse avec cette magie récente et nouvelle pour moi, de le remettre un tant soit peu sur pied.
J'en profite également au passage pour lancer une pique à propos de son âge. Il n'y a pas de raison pour que, parce nous avons sensiblement le même, qu'il n'y ai pas droit également. Ainsi pas de jaloux ! Et puis, ne suis-je pas la plus légitime à lui en faire parmi tous les membres du groupe ?
Sa réponse m'indique, en plus qu'il possède plus de répartie que n'en n'aura jamais l'autre bêcheuse, qu'il se porte bien.
Je suis soulagée.
Je me redresse et me dirige vers le cœur du combat. Ils s'en tirent plutôt bien, mais un coup de baguette ne leur ferait pas de mal.
Sans compter qu'il est hors de question que je laisse ces petits croire qu'ils peuvent se débrouiller seuls. Et ma fierté dans tout ça, quelqu'un y pense à ma fierté ?
Néanmoins, malgré tout ce flot de pensées cyniques, une interrogation me taraude depuis notre entrée dans ce dédale, et plus encore depuis notre première rencontre avec les brutes.
Ces dernières sont à l'évidence, incapables d'être impliqués dans un réseau de contrebande autre qu'en tant que simple larbin. Les interroger ne nous mènera à rien.
Utiliser de la main d'œuvre jetable et qui ne puisse pas trahir ses supérieurs est une stratégie typique mais efficace.
Il est donc évident que quelqu'un ici commande. Et si le réseau de contrebande est confirmé –ce que nous ne tarderons pas en arrivant dans ce qui paraît être une antichambre leur servant de repère- il y a alors il y a sans nul doute d'autres personnes encore au-dessus qui tirent les ficelles, qu'ils soient clients, commanditaires ou mécènes.
J'ai eu par deux fois l'occasion de participer à la dislocation d'un réseau, même si mon escouade ne faisait pas partie de celles chargées des affaires internes du royaume. Ce genre d'enquête peut s'avérer très vite dangereuse, car très vite on s'aperçoit en tirant le fil que, dissimulé sous le menu fretin, un ou plusieurs gros poissons se débattent. Et ces derniers, se sentant acculés, n'hésitent pas à utiliser tous les moyens en leurs possessions pour se libérer de l'hameçon.
Plusieurs enquêtes ont à plusieurs fois mal fini pour les enquêteurs, jusqu'à ce qu'enfin, tous les moyens nécessaires soient mis pour sortir la proie hors de l'eau et la mettre hors d'état de nuire.
Ma question ici est donc : quel type de poisson allons-nous bien pouvoir lever ?
Elle est certes désagréable, mais elle n'est qu'un simple effluve à côté des marais de Ténagos.
En plus de la décomposition organique omniprésente, les marais eux possèdent une odeur supplémentaire, tout autre que la simple fétidité des eaux d'évacuation.
Celle de la mort.
Oui. C'est tout autre chose…
Mais les jeunes, eux, ne semblent pas d'être de cet avis.
Ces gamins…
Leurs réactions m'amusent.
Dégoûts, nausées, gémissements, jurons...
On pourrait penser qu'au bout d'une heure ils comprennent qu'ouvrir la bouche pour se plaindre et râler leur font avaler de grandes goulées d'air qui, est bien évidemment infect et répugnant, aggrave considérablement leurs hauts-de-cœur… Mais non !
Ce serait faire preuve de trop de bon sens et de discrétion ! Ca les incite, bien au contraire, à l'ouvrir encore plus ! Fatalement !
Et puis sans cela nos ennemis ne seraient pas ainsi prévenus de notre venue. Or il ne serait pas très galant de notre part de les massacrer sans nous annoncer n'est-ce pas, même s'ils sont de la pire racaille qu'il soit.
Les bonnes manières avant le bon sens voyons, Elena ! Mais où a-t-u donc été éduquée ? Ta formation date d'un autre âge, maintenant place aux jeunes et leurs techniques révolutionnaires !
Il faut que tu évolues ma vieille !
Brèves de plaisanteries… Loué soit les dieux que je n'ai pas à m'occuper de l'organisation et la direction du groupe…
Sinon, il y a déjà bien longtemps que je me serais jetée dans cette eau croupie et verdâtre dans un hurlement de folie après m'être arrachée quelques mèches avec un bout de cuir chevelu, pour laisser mon vieux corps cabossé se faire porter par le courant, telle une carpe asphyxiée dont le corps flotte piteusement à la surface, jusqu'à atteindre la mer. Et une fois que j'aurais coulé jusqu'aux fonds vaseux, crabes et bigorneaux viendront me grignoter le nez et les oreilles, jusqu'à ce qu'ils ne restent que mes vieux os, qui serviront probablement de support à d'autres crustacés et mollusques.
Et puis un beau jour, dans quelques siècles, avec l'abaissement du niveau de la mer, un pêcheur haut-elfe tombera sur une ou deux de mes vertèbres, voir mon crâne, pensera avoir fait la découverte archéologique du siècle et s'empressera ainsi d'apporter mes restes à un historien qui saura les dater. Peut-être saura-t-il même déterminer que j'étais une talienne, voir même une femme ? Les sciences progressent si vites de nos jours…
Puis après m'avoir brossée, savonnée, astiquée, re-savonnée, re-astiquée et vernie, on me posera sur un promontoire dans un musée ou dans la bibliothèque d'un riche noble d'où je servirais d'attraction et de support de légendes et de comptines pour effrayer les enfants jusqu'à me retrouver sur une étagère entre deux livres de droits, barbants et ennuyeux. Et là, je pourrais pour l'éternité compter les grains de poussière qui s'accumulent sur moi, et tenter vainement d'entamer une discussion rhétorique avec mes passionnants voisins de rayon.
Ce serait plutôt une bonne fin : ma mort aura été ainsi utile –dans l'ordre- au maintien de la biodiversité de la mer, à bouleverser la journée s'annonçant morne et répétitive d'un pêcheur, de sujet d'étude à un historien ridé, de support de cours à des gamins incrédules et béats ou de symbole de bienséance et d'instruction à un noble insuffisant, pour finir en cale-livre à des ouvrages beaucoup trop indigestes pour être lu, laissé à l'oubli dans un coin sombre et désert. Et avec un peu de chance –si ce n'est pas trop en demander, si tout se passe ainsi ce serait déjà merveilleux- pourrais-je encore me montrer utile comme abri pour araignées ou rongeurs.
Et là, vraiment, je serais comblée.
La fin P-A-R-F-A-I-T-E.
A y penser ça devient tentant… Je regarde, presque avec envie, l'eau s'écouler à quelques mètres de moi...
Une voix derrière moi m'arrache à ma joyeuse réflexion :
-Elenna, tout va bien ?
-Mh… Ah ? Oh. Oui. Rien. Je vérifiais juste que… Nous n'avions oublié aucunes pièces dans le canal. Ce serait dommage…
Je fronce les sourcils pour tenter de percer l'opacité mystérieuse de l'eau troublée afin de coller avec mon improvisation, puis après quelques secondes de comédie qui n'ont sans doute pas berné Cendre, je reprends tranquillement ma route. Bah. Elle n'aura qu'à mettre ça sur le compte de l'âge.
Je lève mon regard des dalles visqueuses, entraperçoit Dyanese qui me surveille, l'œil moqueur. Je ne prends même pas la peine de la foudroyer du mien –cela risquerait de lui accorder de l'importance- et l'ignorant, je continue mon avancée périlleuse.
Sûre que si ma mort devait apporter satisfaction à quelqu'un, avant les bigorneaux et les araignées, c'est bien à cette sale truie. Je suis convaincue qu'elle serait capable d'aller rechercher mon cadavre au fond de l'océan pour conserver mes restes, du moins mon crâne, afin que je lui serve de cible de tir pour son entraînement à l'arc.
Même si il y a peu de chance qu'elle ne me touche un jour vu ses capacités médiocres au tir, il m'est inconcevable de prendre en serait-ce le moindre risque.
Mes plus sincères excuses les asticots, corail, historien, mioches effarés, culs-serrés et autres ! Une autre fois, peut-être.
Et puis… La vieille bique que je suis exagère, comme toujours.
Même si tous transpirent l'inexpérience et la naïveté des débutants –hormis Leonide qui transpire l'alcool, sans forcément me déplaire- je reste relativement surprise de la cohésion de ce groupe pourtant fraîchement fondé, et des manœuvres réalisées.
Je vois des choses plus que correctes… Mais aussi des beaucoup moins.
Ne nous enflammons pas non plus trop vite. Mais… Je dirais qu'il y a du potentiel dans cette bande de mômes tumultueux.
Peut-être ne vais-je pas m'ennuyer autant que je le craignais.
J'observe à mon tour Dyanese, trop occupé à se jeter sur les ennemis pour faire ses preuves et frimer devant ses petits camarades, faisant fi du danger et de tout ce que j'ai pu lui apprendre en terme de stratégie et de tactiques de combat.
Je regarde à nouveau les eaux usées, imaginant mes leçons dériver au milieu des étrons..
Tsss…
Elle va m'entendre celle-ci ! J'hésite grandement à l'assommer, la sortir des égouts et aller l'attacher au clocher de la capitale que je ferais retentir pendant une heure durant !
Elle verra ainsi comment je sonne les cloches de son genre.
Hélas… les autres tenteront sans doute de s'opposer à mes plans. Je ne peux pas leur en vouloir. Ils ne connaissent rien au lien si fort qui nous unissent, Dydy et moi. Leur expliquer ne m'amènerait à rien.
Et même sans ça, ils ne prennent pas beaucoup de risques à me laisser agir à ma guise: j'arriverais à traîner Dyanese sur, aller quoi, cinq, six mètres tout au plus ? Et encore péniblement. Avant de m'effondrer à mon tour, à bout de souffle et de force.
A moins… que je ne me serve des conduits, utilisant l'écoulement du volume pour la transporter sans effort jusqu'à l'entrée !
Mais restent les escaliers.
Misère.
Que la vie est difficile et injuste avec les vieilles femmes…
Ne pouvant exécuter mes sombres projets, je me contente de féliciter oralement mon élève, et lui montrer toute mon affection, à coup de « morue », « bécasse », « pimbêche » et autre mots doux et tendres qui caractérisent si bien notre relation.
Ainsi, de par la réponse qu'elle me fournit, je suis en mesure d'estimer et de m'assurer de son état.
Sa dernière réplique fut une misère de répartie et d'originalité, mais elle n'en a jamais été pourvue, donc je m'en suis satisfaite. A vraie dire je ne m'attendais pas non plus à ce que soudain, le miracle aux vœux que j'adresse depuis plusieurs années déjà, s'opère dans ces bas-fonds humides et pestilentiels.
Une fois toute ma ranc- pardon, ma tendresse disais-je- exprimée, j'observe méticuleusement chaque membre du groupe et chercher une tâche pertinente à accomplir. Je mis peu de temps à la trouver, Leonide ne tardant pas à s'extirper de la mêlée officiant à quelques mètres devant elle, reculant avec peine, se tenant le bras droit.
Je m'approche de lui et tente du mieux que je puisse avec cette magie récente et nouvelle pour moi, de le remettre un tant soit peu sur pied.
J'en profite également au passage pour lancer une pique à propos de son âge. Il n'y a pas de raison pour que, parce nous avons sensiblement le même, qu'il n'y ai pas droit également. Ainsi pas de jaloux ! Et puis, ne suis-je pas la plus légitime à lui en faire parmi tous les membres du groupe ?
Sa réponse m'indique, en plus qu'il possède plus de répartie que n'en n'aura jamais l'autre bêcheuse, qu'il se porte bien.
Je suis soulagée.
Je me redresse et me dirige vers le cœur du combat. Ils s'en tirent plutôt bien, mais un coup de baguette ne leur ferait pas de mal.
Sans compter qu'il est hors de question que je laisse ces petits croire qu'ils peuvent se débrouiller seuls. Et ma fierté dans tout ça, quelqu'un y pense à ma fierté ?
Néanmoins, malgré tout ce flot de pensées cyniques, une interrogation me taraude depuis notre entrée dans ce dédale, et plus encore depuis notre première rencontre avec les brutes.
Ces dernières sont à l'évidence, incapables d'être impliqués dans un réseau de contrebande autre qu'en tant que simple larbin. Les interroger ne nous mènera à rien.
Utiliser de la main d'œuvre jetable et qui ne puisse pas trahir ses supérieurs est une stratégie typique mais efficace.
Il est donc évident que quelqu'un ici commande. Et si le réseau de contrebande est confirmé –ce que nous ne tarderons pas en arrivant dans ce qui paraît être une antichambre leur servant de repère- il y a alors il y a sans nul doute d'autres personnes encore au-dessus qui tirent les ficelles, qu'ils soient clients, commanditaires ou mécènes.
J'ai eu par deux fois l'occasion de participer à la dislocation d'un réseau, même si mon escouade ne faisait pas partie de celles chargées des affaires internes du royaume. Ce genre d'enquête peut s'avérer très vite dangereuse, car très vite on s'aperçoit en tirant le fil que, dissimulé sous le menu fretin, un ou plusieurs gros poissons se débattent. Et ces derniers, se sentant acculés, n'hésitent pas à utiliser tous les moyens en leurs possessions pour se libérer de l'hameçon.
Plusieurs enquêtes ont à plusieurs fois mal fini pour les enquêteurs, jusqu'à ce qu'enfin, tous les moyens nécessaires soient mis pour sortir la proie hors de l'eau et la mettre hors d'état de nuire.
Ma question ici est donc : quel type de poisson allons-nous bien pouvoir lever ?