Aux Portes de Karad
#8
Grundel réfléchissait tout en écoutant Eydan.

La guerre, le siège de la cité, des combats terribles et des rivières de sang.
A l'extérieur comme à l'intérieur des murailles de Karad, on entendait ce genre de mots.
Des nains attaquent des elfes par vengeance, disent-ils.
Des elfes attaquent des nains en représailles, disent-ils.

Pas un pour réfléchir, pour faire preuve de réalisme et de lucidité...
La réalité était toute autre.
Bien sûr tous les êtres réunis ici avaient du sang du peuple honni sur ses mains.
Sauf quelques uns, qui avaient su être discrets ou qui faisaient d'autres choix.

Mais au final, devant Grundel, se trouvaient 7 elfes, un peu léger pour une armée sanguinaire assiégeant Karad.
En face d'eux, gardes compris, se trouvaient 8 nains, dont deux conseillers. Impressionnante armée de libération du peuple nain.

Grundel sentait la moutarde lui monter au nez, il n'était pas venu répondre à l'appel du Thain pour ce genre de choses et ce dernier ne lui en voudrait certainement pas de trouver une issue rapide à la situation.
Grundel regarda Eydan et inclina légèrement la tête de côté en lui répondant.

Illustre inconnu du peuple elfe, aux valeurs profondément ancrées et affichées, vous réclamez la paix dans un discours chargé de menaces, au nom d'un peuple que vous ne représentez pas de façon légitime et qui probablement, en grande partie, ignore tout de votre existence.
Et fort de cette réalité, vous venez solliciter une audience auprès du Thain ?
Suis-je le seul à ressentir l'absurdité de votre démarche ?

Parce que je suis là, parce que j'ai le sens des responsabilités et la confiance du Thain et du Grand Conseil, enfin parce que je suis las de perdre mon temps à expliquer des réalités qui me paraissent évidentes et que j'espère que je n'aurai plus ainsi à me répéter, je vais répondre à vos questionnements.

Si vous avez vu un seul guerrier nain porter la bannière de Karad et combattre des elfes en se gargarisant de la volonté du Thain, amenez-le moi, dites-moi son nom ou indiquez-le moi, je vous assure qu'avant la fin du jour il sera dans les geôles de la prison, jugé et condamné pour vol d'uniforme, abus de pouvoir et peut-être même haute trahison.
Quand vous aurez vu des gardes ou des soldats du Thain combattre vos frères, alors ce sera la guerre et vous n'aurez nul besoin d'une confirmation.
Effectivement comme vous le soulignez, le Thain ne soutient pas une action de guerre à votre encontre, sinon vous seriez au courant, ou mort.

Baram II n'ignore rien de ce qu'il se passe en Ecridel, il en est de même pour votre Roi.
Et si les choses ne dépendaient que de l'unique volonté de nos dirigeants, la vie serait autrement plus douce, j'en suis convaincu.
Hélas. Des nains et des elfes s'affrontent et meurent dans les Terres Sauvages, c'est ainsi, nous n'y pouvons rien.

Des nains sont venus attaquer Tilador Erdana, rappelez moi, combien étaient-ils ?
Un seul de vos héros a suffit, accompagné des quelques guerriers frais émoulus de votre école de guerre, pour repousser l'attaque.
Ne venez pas me faire croire que le peuple elfe a été mis en danger durant cette attaque.
De même, les escarmouches rapportées par les combattants nains n'ont pas ému plus que ça les autorités de Karad.
Les enjeux politiques d'Ecridel et la gestion des relations entre nos deux peuples dépassent de bien loin les talents de la plupart de nos concitoyens respectifs.
Votre présence ici, bien que louable au regard de la paix, en est une preuve supplémentaire.
Encore une fois vous avez un Roi, qui à mon avis est mieux placé que vous pour décider des conséquences des derniers événements.
Je serai d'ailleurs curieux de savoir ce qu'il pense de votre initiative.

Vous l'aurez compris, ni vous ni moi ne sommes en mesure de déclarer guerre ou paix.
Ni aucun autre elfe ou nain en dehors de notre Thain et de votre Roi.
Et je vous en prie, quittez cette position ridicule.

Bien. Maintenant que les choses ont été dites, convenez qu'étant donné les taches qui m'incombent j'ai fait de mon mieux pour vous répondre.
Je vous invite maintenant à réunir vos compagnons et à vous éloigner de Karad, je ne saurai garantir votre sécurité si près de nos murailles.
En fait je suis certain que dès que j'aurai le dos tourné nos braves guerriers, que vous voyez là-bas, se feront un plaisir de vous démontrer que la diplomatie est plus souvent affaire de Rois et de conseillers que de guerriers.

A ce propos, si vos intentions sont réellement celles que vous affichez, allez dans votre cité, faites la même démarche auprès de vos compagnons, ensemble allez voir votre Roi et refaites-là à nouveau.
Et quand ce sera un Roi ou un plénipotentiaire qui se présentera devant ces murailles, il sera reçu avec les honneurs qui lui seront dû et il rencontrera le Thain.
Ce qu'il se passera ensuite n'appartient qu'à lui.

Je vous salue, Eydan.


Grundel, sans attendre de réponse de la part de son interlocuteur, se retourna et partit en direction de Karad.
Non sans offrir un salut discret et un regard intrigué en direction du commandant des Flèches d'argent, qu'il avait déjà aperçu lui aussi, durant son passé d'Éclaireur en territoire elfe.
La dernière action du commandant auprès de ses compagnons, bien plus révélatrice et engagée que le discours fastidieux de son compagnon, laissait présager un avenir peut-être différent.
Grundel espérait que l'elfe ne serait pas récompensé d'une flèche. Pas maintenant en tous les cas.

Afin de s'assurer de cela, Grundel marcha en direction des murailles, tentant de rester dans la ligne de mire des archers nains placés non loin de là, accordant quelques secondes à Alias Callessan, Eydan et leurs compagnons pour se mettre à l'abri.
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