Représailles.
#28
(thème song, pour le fun)

Du sang, des larmes et des cendres.
La fille du Corbeau pencha la tête sur le côté, et sentit que les âmes s'affolaient, que la forêt ici mourrait, et que de ses larmes elle ne pourrait sécher ni les flammes ni le désarroi de ceux qui avaient perdu, tout perdu.
Vacillante sur ses jambes encore fragiles, elle même avait eu le corps percé de dix flèches au moins, dix flèches pour la mettre à terre, dix flèches pour tenter de faire taire en elle la colère. Dix flèches n'avaient servi à rien que rallumer en elle un brasier appelé Haine.
Après les avoir arraché et avoir bandé les plaies, elle avait repris le chemin du champ de bataille, furie vagabonde et implacable. Vezin également avait suivi le même schéma ; du lit de blessé à celui de guerrier, la Camarilla tenait mal les lignes, mais les renflouait sans cesse par des hommes et des femmes qui avaient voué leur vie à Korri, des hommes et des femmes prêt à donner leur vie et à verser le sang pour défendre le berceau de leur race.

La Corbic s'avança, marchant à travers les flammes et les corps. Ses doigts jouaient avec les esprits élémentaires, domptant quand il ne suffisait plus de charmer, et dans ses yeux luisaient une étrange lumière, une petite étincelle qui ne présageait rien de bon.

Posant ses yeux céruléens sur la guérisseuse qui devait encore se demander comment transporter l'eau jusqu'au village en feu, la Corbic se pencha en avant, posant ses doigts dans la terre chaude, et, manipulant les esprits de la terre, se mit à faire des seaux. La chaleur chaufferait la terre humide des contours du lac, si bien que le seau serait solide en moins de temps qu'il ne faudrait pour le remplir d'eau. Tout du moins, c'était ce qu'espérait la jeune fille.

Alors qu'elle s'évertuait, avant de poursuivre l'appel du sang, à sauver les arbres et les feuilles dont le cri strident aurait rendu fou n'importe qui, ses yeux croisèrent une silhouette déjà connue, accroupie sur le sol, en train de prier. Elle resta quelques secondes statique, comme fascinée;à moins que ce ne fut de la surprise ?
Son regard se durcit aussitôt, et elle ravala sa salive, la gorge soudainement prise par une montée de haine. Ses dents se serrèrent, et si elle en avait été capable, sans doute qu'elle lui aurait sauté à la gorge et l'aurait dévoré tout entier, tant il était impensable pour quiconque d'attendre au milieu des flammes quelque chose.
Estalia existait oui, mais comme tous les Dieux vivant en Ecridel, elle n'apparaissait jamais. On se devait bien sûr de la remercier de tout, et de ne rien lui reprocher puisque tout était le fait des hommes et seulement des hommes, mais n'était il pas stupide d'attendre d'elle qu'elle sorte ses enfants du fumier dans lequel ils s'étaient eux même embourbés ? Ne fallait il pas préserver les arbres et les fleurs dans laquelle Estalia reposait, dormait et vivait, plutôt que de la regarder stupidement souffrir en appelant son nom ? N'était il pas aberrant, si ce n'est fou même, de croire un seul instant prier le nom de celle à qui l'on faisait du mal ?
Bien sûr le feu était le fruit des centaures, mais ce n'était pas à Estalia de se sauver, c'était à ses enfants. N'importe quel centaure aurait sauvé le bois de Kaldor, car c'était leur maison, le berceau dans lequel Aletheria avait un jour versé ses larmes et fait naître ses enfants.

Comment cet être putride pouvait il observer autour de lui et ne rien faire ? Comment osait il ?

Se relevant d'un air furibond, la fille du Corbeau attrapa une roche qui attendait sur le bord de la rivière et la jeta brutalement, de toutes ses forces (et bien qu'elle fut maigrichonne, une roche à une telle vitesse pouvait très bien faire saigner un géant) sur le mendiant (y avait il seulement la possibilité chez les hommes bêtes d'être mendiant quand ils étaient tous chasseurs et cueilleurs, solitaires dans l'âme, ou alors membre indiscutable d'un clan où tout le monde avait un rang et une fonction?).
Comme la roche avait attiré l'attention du mendiant, la Corbic siffla d'un air terrible, ce qui lui donnait d'ailleurs plus l'air d'un fauve que d'un corvidé :

« Si tu ne te lèves pas pour aider, que ce soit au feu ou au sang, je te jure devant Wismo et Estalia, je le jure cent fois même, que le Corbeau fera de toi le dernier des pleutres aux yeux de tous, que ton nom sera honni par tous, que tu seras chassé pour ne pas avoir ni aider les tiens, ni les avoir protéger. »

Elle lui lança un seau de terre, ce qui était tout du moins une tentative :

« Tu te dis soigneur, alors soigne cette forêt, avant que je ne t'arrache le peu de dignité qu'il te reste ! »
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