Sinistre récolte.
Asalastë sursauta face au déferlement de violence. Ce n'était pas tant qu'elle n'y était pas habituée, c'était juste qu'elle avait toujours eu quelque peu du mal avec cela. Elle ne croyait pas en grand chose, et n'était pas de ces gens qui ont une morale et de bonnes mœurs, qui se châtie lorsqu'ils s'éloignent du droit chemin ; mais clairement, elle n'était pas profondément mauvaise. Un peu perdue, sans aucun doute, mais pas mauvaise.
Devant elle, Fleur d'épine, fille de la rue et de la pauvreté, ses deux mères adorées, montrait une certaine rage face aux opposants. Malgré une stature fragile et une petite stature fluette, elle se montrait vigoureuse et nerveuse, mordant avec férocité, rétorquant avec impétuosité, sans jamais se défaire ni de sa hargne ni de sa colère. Elle les haïssait, tous ces elfes, et elle aurait leur peau.

Derrière elles, dans un coin sombre de la pièce, Zyra observait d'un œil sombre les quelques loubards qui se prenaient pour des héros. Son sourire en coin, éternellement moqueur, se défendait bien de les prendre en pitié ou d'être en colère contre eux : ils ne méritaient ni l'un ni l'autre de ses sentiments, ils ne méritaient pas même son mépris. Fallait il dire qu'au vu du plus grand nombre de nécessiteux, on se gardait de parsemer ce mépris ? En faire l'économie se révélait être une bonne affaire à coup sûr.

« Vous mourrez ! Je le jure, vous mourrez ! »

Fleur d'épines hurlait comme un lion que l'on délivre d'une cage. Ses mots étaient en hélion, aussi les elfes ne pouvaient pas en comprendre un traître mot, mais cela la soulageait.

La bataille fut intense quoi que chaotique.

Fleur fut la première à tomber ; le corps parsemé de blessure, se sentant sur le point de défaillir, elle leva sa dague et se trancha d'elle même la gorge, laissant un filet épais de sang dégouliner sur sa peau blanche, et tâchait en un halo crasseux sa chevelure de bénie de Solaris. Au sol, son cadavre était beau, comme une Vierge bafouée.

Un cri, à la vu du corps, retentit dans toute la pièce. Se jetant comme une furie sur le pauvre pécheur, Zyra aux neufs doigts frappa et enchaîna les coups avec fureur. Si son mépris avait un prix que les elfes ne pouvaient payer, au moins avaient ils réussi à réveiller en elle une douleur immense et une colère noire, l'un n'allant jamais sans l'autre selon l'adage.

Si Cundonya, l'elfe, se mit à la provoquer, l'hélionne ne mit pas longtemps avant de se mettre dans l'idée de lui faire ravaler sa sublime arrogance.

Le nombre l'emporta pourtant sur le chagrin ; après avoir perdu la plus jolie des fleurs de son jardin, Zyra tomba à genoux, une épée en travers du ventre, mais les yeux encore haut, perçant d'un air terrible ceux qui lui firent l'affront des larmes et du sang.
Elle eut un sourire en coin, un dernier. Sa tignasse brune décorait son visage et lui donnait un air sinistre, d'autant plus que son visage était patiné de sang, nouveau ou séché. Ses yeux étaient ceux d'un démon. Ses yeux n'étaient plus que sur Asalastë qui, tout le long de la bataille, s'était rangée contre un mur, recroquevillée sur elle même, les yeux baignés de larme et l'air perdu, l'air fou.

« Si tu parles, tu sais ce qui arrivera. »

Un dernier coup tomba sur Zyra, et son corps rejoignit le sol. Un soubresaut, un regain, un infime petit regain, la fit tirer sa main avec un index inquisiteur vers l'elfe qui avait été leur alliée, alors que ses yeux, alors emplis d'une infinie tendresse, s'était reposée sur Fleur déjà froide, Fleur sans plus aucune épine, mais piquée par le glas.


Le silence retomba aussitôt quand le dernier des hélions tomba, et la maison, jadis vide et tranquille, redevint ce qu'elle avait toujours été : un cimetière.

Asalastë fixait alors d'un œil inquiet les quelques elfes qui la fixaient en retour, prêt à la rouster si jamais elle sourcillait de trop, ou trop vite. Elle tremblotait, ne bougeait pas d'un pouce, les fesses serrées et les yeux baissés, soumise comme un homme à la mort, fatalement impuissante.

Le Chef des Armées était alors là. Ses yeux avaient assisté à tout, depuis le début, et s'il n'avait pris la parole, c'était bien pour quelques autres raisons. Il s'avança, et suite aux recommandations de chacun, accepta que l'on emmène l'elfe traîtresse devant la Cour de la Reine qui, seule, pourrait décider de son sort.
Racà et les autres aidèrent finalement à escorter Asalastë jusqu'au palais où la jeune elfe sembla croupir dans les geôles pendant trois longues journées. On profita du temps pour remettre en place la forêt, pour laisser la Reine des Abeilles regagnait son cocon et finalement, enterrer les derniers cadavres jonchant le sol.
Il ne fallut alors que trois jours pour que la Nature oublie ce que les esprits, eux, n'avaient pas encore réussi à avaler.

Au quatrième jour, Asalastë fut emmenée devant la Reine, le Chef des Armées et une partie des héros de la nation qui formait des conseillers avisés.
L'elfe muette ne prononça, fatalement, pas un seul mot, mais se mit à poser à l'écrit tout ce qu'elle savait. Résignée à subir, elle expliqua ce qui l'avait poussé à suivre les hélions dans leur entreprise, ce qui l'avait poussé également à voler de sa ruche la Reine des Abeilles après avoir voler quelques morceaux de gelée royale.

Asalastë expliqua que la gelée royale avait été utiliser par les alchimistes qui cherchaient à créer une potion de soin plus puissante que celle communément fabriquer dans tout Ecridel. La gelée royale ayant en effet des vertus curatives importantes, les deux hélionnes avaient assurer faire leurs recherches pour le bien de la communauté, pour sauver des vies, et pourquoi pas pour rendre à tous et à toutes un quelque chose qui aurait pu leur manquer ? Comme la voix, par exemple.
Devant des conseillers dubitatifs, Asalastë continua, expliqua qu'au fil des jours, elle comprit que quelque chose n'allait pas, que les deux hélionnes n'avaient pas l'air aussi « philanthropes » qu'elle l'avait cru... Elle avait commencé à fouiller dans les papiers des uns et des autres, mais n'avait trouvé que des bribes de réponse. Quelqu'un, chez eux, était malade. Gravement malade. Peut être même près à rendre l'âme ? Que personne ne savait pourquoi. Qu'il fallait le guérir, à tout prix. Que c'était plus qu'important... Et que personne ne devait le savoir. Ni chez les hélions, ni chez les elfes eux même.
Que c'était leur mission, à elles.

Devant cette histoire, la Reine posa de nouvelles questions, comme par exemple qui pouvait bien être malade, mais à celles ci, Asalastë ne répondit pas, faute de savoir qui et quoi. Elle se mit à hausser les épaules.

Le verdict tomba après deux jours d'interrogatoire, et autant de délibérations : Asalastë, condamnée à huit ans durant dans les prisons de Mitriath, et cinq ans à sa sortie à aider la ville par des travaux divers et variés.
La peine sembla compréhensible, fut acceptée du plus grand nombre, et finalement Mitriath fit entendre la raison du massacre des elfes de Pelethor est. Elle y donna également les grandes lignes.

Une seule question restait alors, question à laquelle personne n'avait de réponse, pas même les conseillers, la Reine ou le Chef des armées : qui, à Babylios, pouvait être assez important pour organiser une telle entreprise tout en étant gravement malade sans que personne ne le sache ?
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