[RP] La cité des bois
#2
*Cela faisait plusieurs semaines que mon esprit vagabondait dans les limbes et que j'errais, indifférente à tout ce qui m'entoure comme un fantôme sur le point de passer dans l'autre monde. Cela n'était pas dérangeant en soi car toute petite déjà j'avais appris à ne pouvoir compter que sur moi-même, surtout en cas de pépin, et j'étais parfaitement entraînée à survivre en milieu hostile même en ayant débranché des fonctions aussi vitales que la pensée consciente.

Les participants de la sainte quête m'avaient définitivement perdue lorsque le mâle le moins futé du lot avait décidé que la résolution de l'énigme posée par le comportement étrange des abeilles passait par la purification totale de la forêt de ses habitantes naturelles et n'en avait fait qu'à sa tête en entraînant dans son sillage tous les fous furieux du secteur qui avaient fait coulé des litres du sang de tout ce qui leur barrait le chemin plutôt que suivre les consignes avisées de l'archidruidesse qui avait conseillé au détachement de prendre le temps d'enquêter au village pour envisager une résolution pacifique du conflit.

Les membres de l'expédition avaient assurément été frappés de folie pour être brutalement pris d'une telle frénésie guerrière. Ne comprenaient-ils pas que nous n'étions que les locataires de la forêt et que notre droit à fouler ce sanctuaire sylvestre pouvait être révoqué à tout moment par les divinités de la nature si nous ne nous en montrions plus dignes ? Ce n'était pas aux animaux à apprendre à vivre en harmonie avec les elfes mais aux elfes à apprendre comment vivre en harmonie avec les animaux.

J'avais rapidement battu en retraite devant une telle vision d'horreur, que dis-je véritable sacrilège et funeste présage des temps à venir, et refusé de participer à cette sanglante mascarade surtout lorsqu'elle avait pour source la bêtise masculine. M'étant complètement désintéressée de la situation, je déambulais à présent sans but aucun ne m'arrêtant que pour ramasser que les présents spontanés que la forêt voulait bien me faire, attentive à ne troubler aucune des formes de vie déjà présentes.

Je jetais à peine un regard au nouveau commandant de l'armée, fier comme un paon dans son nouvel uniforme et nommé pour des raisons purement politiques car la horde machiste voyait d'un mauvais œil d'être gouverné par une reine célibataire, partant en renfort sur le front dont on pouvait suivre les traces ensanglantées jusqu'ici. C'est à cet instant précis que je me rendis compte que la forêt avait été particulièrement généreuse avec son humble servante et que mon paquetage était plein à craquer. La mort dans l'âme de devoir interrompre cette communion naturelle avec les éléments, j'adressais une prière aux esprits du vent pour qu'ils me dépêchent avec célérité dans notre cité afin d'y faire une pénible mais nécessaire halte. Plongée plus que jamais dans le méandre de mes questionnements internes j'étais fermement décidée à m'attarder le moins que possible sur la place du marché, n'étant que fort peu intéressée par l'or et les possessions matérielles, et décidée à ce que cette pause soit la plus courte possible.

Je sentis plus que je ne vis la nouvelle venue. Distraite par mes cogitations personnelles, ce furent finalement les douces flagrances émanées par l'inconnue et d'une odeur qui ne m'était point familière qui me ramenèrent brutalement dans le monde des vivantes. Je réalisais alors la présence de cette mystérieuse silhouette qui se tenait de biais juste à côté de moi et abîmée dans la contemplation de la lune qui l'auréolait de ses rayons. La scène me paraissait vraiment surnaturelle et un long frisson me saisit à la racine des cheveux. Peut-être s'agissait-il d'une émissaire des cieux venue venger le carnage perpétré dans la forêt.

Je restais ainsi durant une durée indéterminée à observer cette apparition spectrale et je n'étais totalement pas sûre que je n'étais pas en train de rêver toute éveillée. Surtout que le temps de reprendre mes esprits, je réalisais que je me trouvais face à une authentique centaure. C'était un spectacle intimidant bien que je me pris à savourer l'étrangeté de la situation. Le danger n'était pas pour m'effrayer. Si mon instinct de rôdeuse me criait de m'enfuir à tire d'aile, je pensais au contraire qu'il fallait que je saisisse l'occasion pour tenter d'entrer en communication avec cette troublante entité fût-elle irréelle. Quitte à avoir des songes tordus, autant les explorer de fond en comble.

Je décidais donc abruptement de glisser discrètement un message dans la besace de la visiteuse pour l'informer de ma situation. Plutôt que d'entrer directement dans la place du marché pour me délester de mes ressources après cette fortuite rencontre qui changeait radicalement la donne, je fis un petit tour par le centre d'entraînement pour parfaire mes connaissances auprès de mon instructrice ce qui me permit de me remettre de mes émotions. Ce n'était nullement une surprise lorsqu'à mon retour la divine envoyée, qui n'avait pas bougé d'un pouce, s'attachait toujours à communier avec la lune tout en prenant note de l'environnement.

Je pris soin cette fois de m'arrêter à une distance respectable pour m'assurer de ne point troubler ses explorations visuelles de l'architecture elfique. J'aurais détesté que l'on interrompe, même par inadvertance, mes méditations personnelles et j'avais pour règle de ne pas faire aux autres ce que je n'aurais pas aimé que l'on me fasse. Je m'assis donc en tailleur pour attendre l'évolution de la situation et reprendre mes forces.*
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