Dans un flamboiement fascinant, l'enveloppe charnelle corrompue du roi sous la montagne quitta ce monde. Cependant, la clarté verte s'éteignit soudainement, laissant un sentiment d'irréalité à tous ceux qui avaient assisté à cet événement mémorable. La doucereuse lueur rougeâtre régnait à nouveau, voilant de ses ombres le ridicule petit tas de cendres auquel, le roi gobelin avait bien raison, nous étions tous destinés.
Ainsi le calme semblait-il être revenu, mais ce n'était qu'apparence : la terreur enserrait encore l'âme de Yaghi Siyan, et durant les haltes effectuées par le groupe dans ce monde inhumain, dénué de jour et de nuit, il s'était pendant de longues insomnies interrogé sur son destin. Serait-il jamais capable de fréquenter un lieu sombre, comme... la bibliothèque, à nouveau ? Peut-être que sa peur du noir finirait par passer, comme tout le reste. La peur de ces ténèbres grouillantes de créatures visqueuses et de lames froides pointées sur ses yeux inutiles, sa gorge exposée, son cœur palpitant ; la hantise de l'éclair magique surgi de nulle part et qui fait exploser les crânes autour de soi, fondre les chairs et dégage une fumée âcre de sang et d'os carbonisés ; l'oubli en pleine action puis la terreur par contrecoup au souvenir du sifflement des traits invisibles... Était-ce cela, l'expérience ? Il regrettait déjà la situation précédente, quand les hurlements couvraient le danger immédiat d'un risque plus lointain, plus atroce que le leur. Et puis, après tout, il regrettait tout simplement d'avoir quitté sa demeure. Ah ! Comme il aimait sentir le sable chaud entre ses orteils ! Le vent brûlant du désert était un agrément lorsque l'on sirotait des rafraîchissements dans une cour fleurie peuplée à chaque étage de ceux que l'on aime. Et depuis combien de temps n'avait-il entendu de musique ?
Ici, l'on n'entendait que des grognements, étranglés par la fuite d'un sang visqueux, que poussaient les mourants après un échange de coups furtif et soudain, au hasard des rencontres dans l'obscurité. Siyan se figea subitement dans une posture défensive : dans la caverne immense venait à nouveau de résonner le bruit caractéristique qu'émet en expirant un être que l'on vient d'égorger. Visiblement, il n'y avait pas eu de combat. Le responsable de cette sournoiserie, tous purent le voir approcher du groupe des Hélions : la silhouette d'une femme se dessina dans le rougeoiement des chardons... Elle tenait deux dagues... Qui était-ce ? Elle ne faisait pas partie de... Quand on put distinguer son visage, les exclamations fusèrent de toutes parts. Était-ce de la joie ? Il serait difficile de le dire : après un temps si long passé dans ces conditions que vous auriez peine à imaginer, l'expédition de secours était devenue méconnaissable, absolument barbare. Quoi qu'il en soit, nous braillâmes en chœur : nous venions de retrouver la fille du Conseiller. Qu'elle était belle ! Délicate ! Fière ! Altière... De ses dagues dégouttait du sang vert, elle venait d'éliminer la menace tapie dans l'ombre, de nous débarrasser d'un redoutable assassin gobelin.
Siyan se demanda si les gobelins vivant en parasites des autres races les imitaient aussi de la sorte. Visiblement, le jeune alchimiste venait de reprendre un peu d'aplomb. Tout n'était pas fini loin de là, mais il pensait sans le moindre doute qu'il ne restait plus rien de sérieux à accomplir et que la querelle lors du partage du butin serait un véritable délassement (une jeune personne avait même l'ambition de venir installer un laboratoire d'alchimie ici !). Il lança négligemment quelque malédiction sur les gobelins qui traînaient là, sous-fifres désormais sans maître ni espoir de survivre, et puisque le naturel revient toujours au galop, se dirigea vers les étranges aménagements qu'avaient effectués les monstres verts pour leur culte imbécile envers ce qu'ils avaient dû croire dieu.
À travers le gigantesque hall, les cadavres étaient répandus partout. La suite de la jeune aristocrate avait été massacrée, ce qui éveilla une petite interrogation derrière la tête de l'alchimiste. Israa avait eu bien de la chance, mais les grandes orgues de gorges coupées, pour leur part, trônaient au milieu de la place, désormais silencieuses à jamais. C'était là de jeunes gens nobles, fougueux et inconscients, qui avaient sans nul doute été beaux et apprêtés. Maintenant... Las, Siyan en avait déjà trop vu pour être dégoûté. Aiguillonné par sa curiosité, il se dirigea vers l'autel impie, dérangea quelques cadavres ligotés puis se mit en devoir d'éclairer ces étranges objets de culte. Ils étaient couverts de gravures, art pour lequel les gobelins ne sont certes pas réputés. Il se mit donc en devoir d'étudier les motifs des stèles et de l'autel tandis que retentissait non loin l'écho d'un combat d'arrière-garde. La mission assignée par le conseiller Malik était pratiquement remplie, à moins qu'un cruel destin ne frappe la fille chérie sur le chemin du retour. Mais Siyan avait le sentiment qu'il fallait poursuivre malgré tout l'enquête. Ce qu'il s'était produit durant leur voyage dans les tréfonds pouvait sensément nourrir de fortes inquiétudes sur la sécurité à long terme de l'Hélionas. Le trouble des Hélions ne disparaîtrait pas, tant que le mystère de ces lieux n'aurait pas été dissipé, tant que la tête de Jafferi Har n'aurait pas roulé aux pieds du Cheikh, sous le regard de Solaris.
(anim #1) La fille du Conseiller Malik.
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25-02-2014, 16:50:37
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