(anim #1) La fille du Conseiller Malik.
#58

De l'antre maléfique parvenaient les sons étranges et horribles de mille âmes en peine. À l'écoute, une sorte d'hallucination laissait l'auditeur impressionnable imaginer un rythme à cette cacophonie, qui paraissait faiblir pour reprendre de plus belle, dans un chœur mêlé s'attardant sur une note vibrante, pour trahir tout aussitôt le ton et se dérober enfin à toute harmonie... avant que ne transparaissent les rudiments d'un nouvel air, aussi vite perdu.
Cependant, un fier guerrier hélion, sans doute peu sensible à ces effets mais brandissant haut son sabre et hurlant contre les infidèles, chargea à travers l'entrée de la caverne. Le hasard, qui sait ? avait voulu qu'à cet instant les hurlements se soient taris. Quiconque se trouvait là put entendre le cri du fou de guerre se répercuter longuement à mesure que celui-ci progressait dans le boyau, jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'une rumeur sourde. Soudainement, la symphonie tonitruante et torturée repartit en une tempête surpuissante et le petit homme sembla avoir été englouti ; des entrailles de ces collines maudites s'exhala alors un vent putride dont la bourrasque pulsatile évoquait irrésistiblement l'haleine d'un prédateur et d'un charognard.

La lueur solaire bienfaisante qui filtrait à travers la fissure dans la paroi se voila alors, brièvement. L'instant d'après, une silhouette se découpait sur l'horizon d'un bleu intense, et entreprit de progresser précautionneusement, en se guidant d'une main hésitante le long de la paroi lacérée. Il s'agissait de Yaghi Siyan, alchimiste de son état. Le jeune homme s'était lancé d'enthousiasme dans l'aventure, à la faveur de l'émoi populaire provoqué par l'annonce de la disparition de la fille du conseiller, beauté peu commune et renommée dans toute la cité. Maintenant, parvenu au seuil, il commençait à questionner son choix... Mais le rugissement d'un troll à l'extérieur emporta sa décision : le danger était partout, les Hélions seulement au fond. Il pénétra donc dans le souterrain infâme.

Or, comme les sinuosités du chemin arrêtaient rapidement les rayons lumineux, son regard s'habitua peu à peu aux ténèbres qu'une spécificité de la flore locale teintait d'un éclat sanglant. C'est alors qu'il distingua une masse sombre grouillant au sol. Surpris et inquiet, il se figea contre la roche et examina la chose. Ses mouvements agités lui permirent de deviner la forme d'un homme, accroupis, dont les deux membres supérieurs s'affairaient sur une entité moins distincte, en dessous de lui. "Sûrement un détrousseur de cadavre", songea Siyan qui s'avança vers son camarade pour prendre langue avec les gens de la troupe. Mais son regain de confiance se dissipa quand il comprit que cette personne s'employait à bander les plaies d'un gobelin hideux. Prenant le parti de se taire et d'observer à nouveau, il put entendre bredouiller la bête, bien que le tumulte général couvrît le sens de ses propos. L'homme se recueillit alors sur le corps agonisant, livrant là une scène touchante quoiqu'un peu burlesque. Après quoi, croisant son regard, Siyan lui emboîta le pas sans mot dire et se laissa mener jusqu'à celui qui, visiblement, était le chef. Détail frappant, un splendide faucon perchait à son épaule. L'étrange soigneur fit alors son rapport. Comme les dernières paroles du gobelin de l'entrée paraissaient mystérieuses, le jeune alchimiste se permit une proposition, et s'avançant, il déclara : "Selon le conte, ne sommes-nous pas dans le refuge de Jafferi Har, le conseiller félon ?"

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