[RP] Purification
#7
Elle n'avait pas vu l'archer qui, mue par une force mystérieuse et sombre, s'était avancé et l'avait mise en joue sans un bruit hormis un gémissement presque inaudible… Avant de tirer.

Elle ne sut pas immédiatement ce qui lui était arrivé. Elle ne l'apprit qu'à son réveil, sur une des paillasses de convalescence du temple et sur lesquels elle avait guéri de nombreux blessés. C'était à son tour à présent de recevoir les soins et bandages de ses sœurs prêtresses.

Ces dernières lui posaient des questions, comme à leur habitude, mais elle ne répondit pas, figé dans un mutisme imperturbable, plongée dans ses pensées.

Elle avait rêvé durant son inconscience, tandis qu'on la transportait en urgence au temple.

Elle ne se remémorait pas tout, mais néanmoins persistait dans son esprit l'image du visage d'une femme.
Douce.
Belle.
Souriante.

Ses lèvres remuaient.
Elle lui disait quelque chose.
Elle écoutait attentivement.
Puis elle vit.

Un immense haut relief.
De chaque côté, une statue d'une femme voilée les paumes dressés vers le ciel.
Et en son centre, sous des voutes couvertes d'arabesques, une idole de la taille d'un enfant est représentée, les bras croisés, l'expression du visage prude et vertueuse.
Un rayon pâle provenant perçant le couvert nuages illumina soudain l'autel qui se mit alors à lui d'un halo si éclatant et aveuglant qu'il l'engloba.
Tout devint blanc.

Du reste, elle ne se souvenait rien. Ses souvenirs s'arrêtaient brutalement ici. Peut-être s'était-elle réveillée à cet instant précis ?
Beaucoup aurait exprimé une grande frustration devant cette incapacité à réunir entièrement ses souvenirs. Pas elle.
Elle se souvenait de ce qui fallait dont elle se souvienne. Le reste était forcément superflu.
Certains auraient pu être déconcertés devant pareilles visions. Pas elle.
Ces images, cette voix… Voici ce qu'était son quotidien. Elle avait appris au fil du temps à vivre avec ces visions et à en interpréter le message qu'on lui envoyait par ce biais. Et celui-ci transpirait d'évidence et de clarté.

La flèche avait frôlé sa tempe gauche et l'avait assommée.

Devant cette perte de conscience, nombreux aurait cru qu'ils avaient perdu le soutien de la déesse et se serait mis dès lors à douter. Pas elle.

Elle ne considérait pas qu'elle avait été vaincue.
Elle n'avait pas failli à sa tâche.
Aletheria ne l'avait pas abandonné. Au contraire.
Elle venait de lui envoyer un message. A elle. Seulement à elle.
Et la manière utilisée, pouvant paraître violente et douloureuse, n'était qu'une épreuve que lui adressait sa Vénérée. Voir si elle était prête à recevoir n'importe lequel de ses signes et à les déchiffrer, les comprendre, et accomplir sa volonté.

Elle ne lui en voulait pas. Elle ne le pouvait. Et bien au contraire : plus encore elle la vénérait et la bénissait de lui accordait une fois encore sa gratitude et sa confiance.

Alors qu'une consœur s'apprêtait à panser l'estafilade que lui avait causé la flèche et qui lui ornait à présent le côté gauche du front, elle la congédia, refusant net qu'on dissimule totalement sa blessure disparaissant déjà sous les baumes, son impassibilité et sa patience eurent vite raison de la prêtresse qui préféra abandonner.
Elle ne cacherait pas cette blessure, car cela reviendrait à avoir honte d'un signe de la déesse. Et cela était inconcevable.
Elle ne doutait pas de son rôle et de la confiance que portait en elle la déesse. Car elle savait que le jour où elle ne serait plus utile à la Mère des Larmes, elle mourrait par la volonté divine.

Telle était la volonté d'Aletheria.

Et telle était ainsi la sienne.


Elle s'accorda un repos de quelques instants, jugeant par elle-même la blessure superficielle et ne concevant pas que la déesse l'ai chargé d'une mission sans lui permettre d'accomplir sa céleste volonté. Dès qu'elle jugea avoir suffisamment récupéré, elle se leva et se remis en chemin sans un mot, ignorant superbement ses sœurs prêtresses dans un silence implacable.

Sortant de la ville, elle remonta vers le Nord, empruntant de nouveau le sentier qu'elle avait suivi plus tôt.
Et tandis qu'elle marchait, le regard figé devant elle, elle fredonnait.

« Ton éclat, si pur et brillant,
Attire jalousie et haine des malveillants,
Vois ces êtres infâmes qui,
Soutenu par l'astre honni,
Tentent d'obscurcir ta grâcieuse lumière.
Mais tu ne redoutes rien, Ô Mère,
Car tu sais et vois que tes enfants,
Sont tes défenseurs les plus fervents,
Et défendrons sans doute ni hésitation ta vertu,
Et que justice, toujours te sera rendue
Car nous ne naissons,
Vivons et mourrons,
Que pour toi, et uniquement toi,
Aletheria."



Chantant sans cesse sur une mélodie variant au gré de sa marche, y ajoutant parfois de nouveaux vers, elle parvint aux pieds des collines et commença alors leur ascension, passant devant les cadavres des gobelins, trolls et Wörgs qu'ils avaient pourfendu sans ciller ni se détourner, continuant sans s'interrompre sa marche. Le sanctuaire devra être nettoyé de ces présences putrides. Mais plus tard.

Néanmoins, arrivée au niveau des corps des centaures qui avaient perdu l'esprit et la foi face à la vil et abjecte créature responsable de tout ce chaos, de toute cette corruption, elle fit de multiples pauses, s'arrêtant devant chaque corps, fermant du bout de ses doigts les paupières des défunts quand cela était possible, et leur adressa à chacun une prière silencieuse.

Puis enfin, elle finit par rejoindre le reste du groupe qui, ayant terminé de lutter contre les possédés qui leur barraient la route, s'était réuni au pied de la dernière et ultime butte.

A son sommet, se dessinait l'autel si vénéré et adoré par leur peuple, et qui constituait le but de leur mission.
Et, rôdant autour de lui, encore invisible, l'odieuse créature responsable de tout ceci.
De ces centaures morts.
De ces blessés.
Et surtout : de la peine d'Aletheria devant les maux et souffrance de ses enfants.

Vint enfin le moment de l'assaut final.
Grimpant la dernière montée au galop, ils firent enfin face à la responsable du chagrin de leur divine.

Tout en elle respirait l'outrage et le sacrilège. Son existence même était un blasphème, une insulte d'Aletheria.
Il n'y avait aucun doute sur le fait que pareil aberrance était le fruit du Soleil et envoyé ici par lui pour tâcher l'honneur et l'image de La Lune.

Cependant Opale n'exprimait aucune haine ni rage face à cette abomination, cette hérésie rampante.
Car la colère et l'impulsivité étaient des sentiments associés à l'astre violent et impie.
Jamais elle ne tomberait sous le joug du Soleil. Jamais.


Car elle était convaincue de leur victoire.
Elle savait qu'ils triompheraient. Comment pouvait-il en être autrement ?

Le combat fut bref.
La Wyrm s'écroula sur le sol sans bruit, comme si son corps n'avait aucune consistance, puis commença s'évaporer peu à peu, avant de disparaître totalement, ne laissant aucune trace de sa présence.
L'air semblait déjà s'emplir d'une pureté et d'un bien-être perceptibles... Cependant, cela n'était pas suffisant.
L'aura maléfique du monstre imprégnait encore ce lieu, Opale le savait. Et elle allait définitivement vaincre et bannir ce mal insidieux et sournois qui déshonorait leur Eclatante.

S'adressant pour une rare fois aux centaures présents, elle déclama d'une voix posée et résolue, et suffisamment forte pour que chacun puisse l'entendre :
Soeurs, Frères,
Des'thlins.
Cette dégénérance a été vaincu… Néanmoins le mal qui la constituait s'est enraciné profond dans cette terre sacré que nous chérissons et continue de hanter ce lieu de pèlerinage si précieux à notre peuple, l'empêchant d'y disposer de plein droit pour y vénérer avec ferveur Aletheria, lui causant ainsi une grande peine.
Réjouissez-vous de cette victoire, mais nous n'avons pas encore entièrement triomphé : tant que cette corruption n'a pas été purgée dans sa totalité, les servants de la volonté malveillante de l'astre cupide et violent reviendront. Et il est de notre devoir que ces outrages incessants cessent.

Tendant un bras vers l'autel tout en fixant son auditoire avec impassibilité, elle continua :

Débarrassons cette sculpture érigée par la foi de notre peuple des fléaux du temps : enlevons lianes et mousse et balayons la poussière afin que cet autel reflète à nouveau l'éclat radieux de notre Bienveillante dans toute sa splendeur.
Rendons lui son aspect premier, à l'époque où il fut dressé à cet endroit précis béni par la lumière d'Aletheria, et rendons lui honneur ainsi qu'à nos loyaux ancêtres comme nous le devons.


Puis tendant cette fois ci son bras vers les corps des possédés, ajouta avec toujours la même détermination :
Ces centaures se sont laissés succombés par les maléfices occultes de cette créature infâme et ont perdu toute humanité et foi envers notre Aimée… Cependant Aletheria est amour et bonté, et pardonne à chacun de ses enfants. Offrons à ces guerriers des funérailles pour qu'ils puissent se repentir et perpétuer leur foi envers la déesse qui attend de les accueillir à ses côtés pour leur accorder son pardon.
Que l'on porte un message à la Grande Prêtresse Callicéa, représente de la volonté de notre Mère sur cette terre, pour lui demander de nous envoyer chariots et assistance pour rapatrier au temple ces défunts et les préparer pour la cérémonie mortuaire.
Si vous croisez d'autres de ces centaures qui se sont égarés du chemin de la foi, évitez de les combattre : nous tenterons de les libérer, en même temps que ces lieux.


A présent, exécutons ensemble la volonté de celle qui nous a donné vie et forme, car c'est ainsi que nous te rendons grâce et de remercions de chaque instant que tu nous laisses goûter à la vie que tu nous tends, Ô Aletheria.


Puis, sans rien ajouter, elle s'approcha de l'autel, resta figé devant la sculpture, silencieuse, puis se mit à en retirer délicatement les lianes qui dissimulent les détails si finement travaillés de l'œuvre, afin que de nouveau les rayons de la Lune en illumine toute la surface et les éclairer pour les lui dévoiler dans toute leur splendeur.
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