Vous voulez franssement savoir ma nistoire ?
#1
Il est peut être temps de vous raconter l'histoire qui hante maintenant le passé de Chao Hu Pinheht. Elle n'est pas très longue, ne date pas d'il y a très longtemps, et ne se déroule pas dans moult lieux féeriques. Peut être, mais elle n'en reste pas moins intéressante.

La petite Helionne était la deuxième et dernière de la fratrie. Née d'une famille pauvre, elle avait grandit dans les rues de Babylios très rapidement, ignorant en tout point l'autorité parentale qui tentait tant bien que mal de garder un œil sur elle, du haut de ses fragiles cinq années. Mais rien n'y faisait, elle ne rentrait pas pour manger, et passait même quelques nuits en dehors de la maison familiale. Pourtant, il n'était pas rare qu'elle apporte elle même du pain pour ses parents, ou encore quelques lots de pièces dont il valait mieux ne pas savoir la provenance. Précoce en tout point dans l'art du vol, elle était l'Abu d'Aladdin sans Aladdin. Elle était l'épingle à cheveux qui débloquait les serrures, le flash qui éblouissait les témoins, la pie voleuse que personne ne remarque.
Loin d'éprouver un quelconque remord pour tout ce qu'elle faisait, elle continuait d'enrichir sa famille au détriment des prêtres qui ne voyaient en elle qu'une petite à aider, et non un Robin des Bois Junior version fille qui dépouillait les plis des bures de leurs moindres richesses. Rien ne l'intéressait plus que l'argent.

Et pourtant, dans le sillage de son frère, dans celui des gardes de Babylios avec qui elle avait sympathisé, dans les sermons des prêtres qu'elle écoutait malgré tout, elle entendait des choses. Très vite, son admiration pour Solaris se fit présente dans son esprit, elle voyait en ce dieu une sorte d'antinomie paradoxale, une beauté funeste. Cette lumière qu'il symbolisait, cette puissance, cette force, c'était tout son contraire. Elle était fine et frêle, et travaillait dans l'ombre. Mais comme le dit l'adage, l'attention est reine de toute magie. Il suffisait de montrer quelque chose d'intéressant à gauche pour pouvoir tout faire à droite sans avoir à se cacher.
Peut être un jour vous conterais-je l'histoire du prêtre Moithon Nargean et de Pinheht, mais ce n'est pas le moment.

Elle avait acquis cette admiration sans borne pour Solaris, admiration qui s'était transformée en complicité au fur et à mesure des mois. Une année passa, et il vint le sujet des races. Elle était une Héion, c'était une certitude. Mais que cela signifiait-il ?
Qui étaient les autres ?
Les centaures, bien mal vus, devinrent rapidement l'image de ce qu'il fallait éviter. Les elfes ne valaient pas mieux. Et les hommes bêtes, jamais elle ne put en entendre un mot. Elle se mit à haïr tout ces étrangers, sans jamais les avoir rencontrés. Une sorte de haine viscérale, qui lui faisait perdre sa joie de vivre à la moindre évocation de leur nom.
Totalement subjective, en rien basée sur une quelconque expérience, en tout fondée sur les préjugés stéréotypiques irrationnels sans justification possible… Voilà comment l'on pouvait définir le racisme qui l'habitait. Et pourtant, elle vivait avec en parfaite cohérence avec ses idéaux de vie

C'est ainsi que nous arrivons vers ses huit ans. Elle avait déjà une place en ville et n'avait plus besoin de voler pour obtenir ce qu'elle voulait. Elle retrouvait régulièrement des amis douteux à elle un peu partout dans les bas fonds de la ville pour discuter, échanger, à propos de politique et de religion.
Un jour qu'elle ramenait un gigot de hyène à la maison, elle surprit ses parents qui discutaient. Discrètement collée dans l'entrebâillement de la porte, elle écouta ce qui se disait, pestant intérieurement contre les bruits dans la rues qui ne lui permettaient que d'avoir des bribes de conversations.
« […] les rencontrer […] argent et fer […] toujours pareil […] effacer les traces […] échange dans la nuit […] sabots »

Il ne lui en fallut pas plus. Elle qui sautillait dans les dédales de la capitale sans jamais perdre son sourire, toujours amicale avec chacun de ses congénères, elle était devenu passablement énervée. Elle pénétra en trombe dans la maison et hurla.

« C'est quoi votre mic mac à la tord lui l'nœud là hein ? Z'vous ramène de la hyène, un bon zigot, et z'entends qu'vous voulez sortir pour faire du marssandaze ? Pourquoi ze suis pas au courant ? C'est moi lassef ici, c'est moi qui vous nourrit, c'est moi qui vous donne de l'arzent. Et maintenant, vous m'écartez ? Vous z'êtes rien que des nindignes de parents cro nuls ! »

« Mais… Ma chérie… Tu sais… Nous voulions juste avoir notre propre source de revenue pour pouvoir te payer des cours particulier auprès du prêtre… Nous voudrions que tu sois sa disciple. Pour cela, nous avons négocié un petit échange au niveau de la rivière au nord de l'avant poste Garios. En échange d'une récompense, nous procurerons du métal aux centaures nécessaire pour la confection de leurs fers… »

« Des centaures ? Maman ? Ze t'ai bien entendue ? Dis moi qu'ze rêve, non mais dis moi qu'ze rêve ! »

Elle agitait les bras tout en marchant, elle sauta sur une chaise, puis sur la table, jeta sa viande dessus, et frappa du pied l'assiette de son père qui vola pour finir en éclat sur le sol dallé de la cuisine. Elle attrapa ensuite la bouteille qui traînait, en enfila une grande rasade. La fureur qui l'habitait couvrit un peu les effets, mais l'alcool était trop fort pour la jeune fille qui n'avait encore jamais bu une goutte. Elle tituba et tomba les fesses les premières.

« Vous avez pas l'droit d'être copains avec ces gourdes à foutre de centaures, c'est qu'des raclures de latrines qui font rien qu'polluer notre air ! Z'vous déteste, z'vous pardonnerai zamais ! »

« Mais, chérie… »

La jeune Chao Hu ne laissa pas sa mère terminer la phrase, elle empoigna la dague qui lui avait servi à dépecer la hyène et se releva d'un bond trébuchant. A moitié en équilibre, à moitié en train de chuter, elle passa la lame de la dague juste au niveau de la gorge de son père, tranchant la jugulaire d'un coup sec, rapide, et imprécis.
Celui ci porta ses mains à son cou, essayant d'empêcher le sang de gicler, mais rien n'y faisait. La tête lui tourna, les vertiges le prirent, et il s'écroula, sous le regard horrifié de sa femme qui ne comprenait pas le geste de sa fille. Bouche ouverte, elle regardait sa fille sans comprendre.

« Ze sais maman, c'est papa qui a tout manigancé. Ze sais. Mais ze pex pas permettre que quelqu'un dans la famille il fassent coupaing avec les bizarres à quatre pattes qui font rien que de nous embêter. Mais toi, ze te pardonne, parce que c'est touzours papa qui t'oblize à faire les ssozes pas bien qu'y faut pas faire.
Tu m'aides à le porter à la cave ? On fera un trou et on le mettra dedans. Ze préviendrai les gardes qu'il est là et pourquoi, il comprendront. C'est mon coupaing, maintenant, tu sais ! »

Sa pauvre parente ne comprenait pas, mais voir sa fille ivre qui lui donnait des ordres pour enterrer son mari mort dans la cave de sa propre maison. Ça faisait beaucoup, trop même. Elle s'évanouit et s'écroula dans un bruit mat.

« Et voilà, z'voulais la tuer en bas, maint'nant z'dois port*hips* porter les deux. Elle était bizarre son eau à papa… Ze crois que ze… Ze… Ze vais… »

Elle vomit.
Une fois ça fait, tout alla mieux, son cerveau marchait plus clair et le voile de l'ivresse ne couvrait plus que partiellement son regard sur la situation. Elle traina difficilement ses deux géniteurs dans l'escalier de la cave, et les laissa glisser dedans sans plus les accompagner. Elle prit quand même une bouteille, puis condamna la porte en reversant une armoire devant.

Ce jour là, elle prit la cuite de sa vie. Elle ne se souvient plus du reste à son réveil.
Moi, si.
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