18-12-2013, 01:49:15
-Tu triches, mendiant !
L'invective, vibrante de contrariété, avait fusé de la bouche ensanglantée de Mehrab. Essuyant d'un revers du bras l'écarlate de ses lèvres, celui qui était désormais devenu un jeune homme se releva aussitôt, mû par une volonté déjà farouche. Waheed Mahzab, quant à lui, n'interrompit même pas la danse de la plume sur le parchemin, et tout en poursuivant la rédaction de ses mémoires, déclara d'un ton égal :
-On ne peut tricher qu'au jeu, mon enfant. Mais la guerre n'a absolument rien d'un jeu, et n'a que deux règles : vaincre pour gagner, rester en vie pour ne pas perdre. Aussi, accuser de tricherie ton adversaire après avoir perdu un affrontement au bâton avec lui n'a pas le moindre sens.
Rouge tant de colère que de honte sous la réprimande, Mehrab tenta d'exprimer la confusion de ses pensées en rétorquant avec exaspération :
-Mais il gagne tout le temps !
Poussant un soupir las, Waheed ferma les yeux en se pinçant l'arête du nez entre le pouce et l'index, puis s'extirpa péniblement de l'abstraction de son texte, pour poser son regard fatigué sur ses disciples en plein entraînement. Trois années s'étaient écoulées, suffisamment pour faire de ces quatre jeunes garçons des hommes en devenir. Mehrab, le plus grand de tous, arborait déjà une musculature puissante qu'il aimait à exhiber en combattant torse nu, et qui le destinait à avoir autant de succès au combat qu'auprès des femmes. Selim, son adversaire, était quant à lui vêtu d'une ample tunique, qui couvrait une silhouette plus sèche et nerveuse. Et dans la mesure où il faisait une bonne demi-tête de moins que Mehrab, il était difficile de concevoir qu'il ait pu l'emporter sur lui au combat.
Plissant les paupières pour acérer davantage encore son regard scrutateur, Waheed déclara d'un ton sans appel :
-Faites encore une passe d'armes.
S'exécutant aussitôt, ses deux disciples se remirent en garde, l'un face à l'autre. Comme souvent, Mehrab, mû par sa nature sanguine et pleine de courage, prit l'initiative de l'attaque. Mais chacun de ses coups de bâtons furent parés ou esquivés avec précision par son adversaire, plongé dans une profonde concentration. Jusqu'à ce que finalement, une ouverture dans la garde de Mehrab déclenche une contre-attaque sèche et rapide, qui l'atteignit en plein ventre, lui coupant la respiration, avant qu'un enchaînement ne l'expédie à nouveau au tapis.
Frappant rageusement du poing le sable, le blond combattant serra les dents pour contenir la douleur, et s'aida de son bâton pour se relever, péniblement, encore plus furieux qu'avant. Waheed, quant à lui, se contenta de darder sur Selim un regard empreint d'une mystérieuse fierté. Avant de finalement se lever de son tabouret, et de se mettre à faire les cent pas tout en s'adressant à ses quatre disciples, comme s'il faisait la démonstration de quelque théorème complexe :
-Le dénouement de ce combat, mes enfants, n'a absolument rien de surprenant. Il n'est que la résultante de la conjonction de plusieurs faits que je vais vous détailler. En premier lieu, observez comment Selim a veillé à se placer dos au soleil déclinant, afin d'infliger aux yeux de Mehrab la morsure de la lumière de l'astre. De plus, si vous faites appel à votre mémoire, vous vous souviendrez aisément que ce dernier s'est inconsidérément empiffré de loukoums au dessert du déjeuner, si bien qu'il a à présent l'esprit engourdi par la digestion. Enfin, Selim a veillé à dissimuler au maximum son corps sous sa tunique, tandis que Mehrab a inconsidérément exposé le sien, offrant à son adversaire une véritable carte pour atteindre la victoire. La tension des muscles, la direction du regard, la crispation des poings, et bien d'autres subtils indices anatomiques du même acabit sont autant d'informations cruciales que vous devez exploiter pour anticiper les mouvements de votre adversaire afin de le contrecarrer.
Se tournant alors spécifiquement vers Mehrab, il lui asséna sèchement en guise de conclusion :
-Je résume : tu ne contrôles pas l'espace du combat, tu ne contrôles pas ton propre corps, tu ne sais rien de la stratégie de ton adversaire qui t'es dissimulée, et tu n'as cure de dissimuler la tienne. Et tu t'étonnes d'être vaincu ? Mon enfant, avant d'apprendre à te battre, tu devras au préalable désapprendre tout ce qui te fait échouer.
L'invective, vibrante de contrariété, avait fusé de la bouche ensanglantée de Mehrab. Essuyant d'un revers du bras l'écarlate de ses lèvres, celui qui était désormais devenu un jeune homme se releva aussitôt, mû par une volonté déjà farouche. Waheed Mahzab, quant à lui, n'interrompit même pas la danse de la plume sur le parchemin, et tout en poursuivant la rédaction de ses mémoires, déclara d'un ton égal :
-On ne peut tricher qu'au jeu, mon enfant. Mais la guerre n'a absolument rien d'un jeu, et n'a que deux règles : vaincre pour gagner, rester en vie pour ne pas perdre. Aussi, accuser de tricherie ton adversaire après avoir perdu un affrontement au bâton avec lui n'a pas le moindre sens.
Rouge tant de colère que de honte sous la réprimande, Mehrab tenta d'exprimer la confusion de ses pensées en rétorquant avec exaspération :
-Mais il gagne tout le temps !
Poussant un soupir las, Waheed ferma les yeux en se pinçant l'arête du nez entre le pouce et l'index, puis s'extirpa péniblement de l'abstraction de son texte, pour poser son regard fatigué sur ses disciples en plein entraînement. Trois années s'étaient écoulées, suffisamment pour faire de ces quatre jeunes garçons des hommes en devenir. Mehrab, le plus grand de tous, arborait déjà une musculature puissante qu'il aimait à exhiber en combattant torse nu, et qui le destinait à avoir autant de succès au combat qu'auprès des femmes. Selim, son adversaire, était quant à lui vêtu d'une ample tunique, qui couvrait une silhouette plus sèche et nerveuse. Et dans la mesure où il faisait une bonne demi-tête de moins que Mehrab, il était difficile de concevoir qu'il ait pu l'emporter sur lui au combat.
Plissant les paupières pour acérer davantage encore son regard scrutateur, Waheed déclara d'un ton sans appel :
-Faites encore une passe d'armes.
S'exécutant aussitôt, ses deux disciples se remirent en garde, l'un face à l'autre. Comme souvent, Mehrab, mû par sa nature sanguine et pleine de courage, prit l'initiative de l'attaque. Mais chacun de ses coups de bâtons furent parés ou esquivés avec précision par son adversaire, plongé dans une profonde concentration. Jusqu'à ce que finalement, une ouverture dans la garde de Mehrab déclenche une contre-attaque sèche et rapide, qui l'atteignit en plein ventre, lui coupant la respiration, avant qu'un enchaînement ne l'expédie à nouveau au tapis.
Frappant rageusement du poing le sable, le blond combattant serra les dents pour contenir la douleur, et s'aida de son bâton pour se relever, péniblement, encore plus furieux qu'avant. Waheed, quant à lui, se contenta de darder sur Selim un regard empreint d'une mystérieuse fierté. Avant de finalement se lever de son tabouret, et de se mettre à faire les cent pas tout en s'adressant à ses quatre disciples, comme s'il faisait la démonstration de quelque théorème complexe :
-Le dénouement de ce combat, mes enfants, n'a absolument rien de surprenant. Il n'est que la résultante de la conjonction de plusieurs faits que je vais vous détailler. En premier lieu, observez comment Selim a veillé à se placer dos au soleil déclinant, afin d'infliger aux yeux de Mehrab la morsure de la lumière de l'astre. De plus, si vous faites appel à votre mémoire, vous vous souviendrez aisément que ce dernier s'est inconsidérément empiffré de loukoums au dessert du déjeuner, si bien qu'il a à présent l'esprit engourdi par la digestion. Enfin, Selim a veillé à dissimuler au maximum son corps sous sa tunique, tandis que Mehrab a inconsidérément exposé le sien, offrant à son adversaire une véritable carte pour atteindre la victoire. La tension des muscles, la direction du regard, la crispation des poings, et bien d'autres subtils indices anatomiques du même acabit sont autant d'informations cruciales que vous devez exploiter pour anticiper les mouvements de votre adversaire afin de le contrecarrer.
Se tournant alors spécifiquement vers Mehrab, il lui asséna sèchement en guise de conclusion :
-Je résume : tu ne contrôles pas l'espace du combat, tu ne contrôles pas ton propre corps, tu ne sais rien de la stratégie de ton adversaire qui t'es dissimulée, et tu n'as cure de dissimuler la tienne. Et tu t'étonnes d'être vaincu ? Mon enfant, avant d'apprendre à te battre, tu devras au préalable désapprendre tout ce qui te fait échouer.