Nevermore (Plus jamais)
#34
Pas de réponse. Il n'avait pas envie visiblement. Pas même envie de la regarder.
Elle détourna les yeux, peinée. Un petit pincement, plus profond que ses blessures, plus profond que ses peurs et que ses haines. Un vrai pincement. A quel niveau déjà ?

Aucun niveau. Aucun. Pas de cœur. Pas de sentiment. Ce pincement n'existait pas.

Elle retomba lourdement sur le sol, comme terrassée. C'était peut-être la fatigue ou une flèche invisible. Elle roula sur le flanc, pour ne plus le voir, lui, et tout le reste. Mourir là. Se laisser mourir. Nourrir la tête… Ses doigts s'enfoncèrent dans le sol.

Pourquoi Quoth ?
Avant, tu te serais relevée. Avant, tu aurais marché, le menton haut.


Plus envie. La fatigue lui vrillait l'estomac, la faim aussi. A ses tempes tous les diables de la forêt frappaient, et elle avait cette vague impression de vouloir vomir, ce petit enserrement au niveau de l'estomac qui ne partirait qu'une fois qu'elle aurait tout rendu : sa bile, son foie, sa vie.
C'était la vie qui était à vomir. C'était la vie qui n'était pas belle. Elle ferma les yeux, à demi, et son souffle se fit plus profond, plus lent. L'odeur des cendres… ça lui arrivait dans les narines. Les vagues relents des larmes des fleurs et des feuilles, l'odeur des écorces brûlées… Pourquoi avait-elle fait ça ?

Parce que tu en as besoin, Quoth.
Tu as besoin de détruire pour te sentir vivante.
Détruire c'est ta façon d'exister. Détruis-le. Détruis-le et il sera à toi pour toujours.


Sa gorge se serra et ses doigts s'enfoncèrent plus profondément dans la terre.

Elle arrêta de penser. Elle essaya tout du moins. Son esprit fit le vide.

Pourquoi tu ne m'écoutes pas Quoth ?
Pourquoi est-ce que tu ne m'écoutes plus ?


Silence.
Elle ne voulait que le silence.

C'est de sa faute à lui ?
Il te fait douter. Tu n'as jamais douté de moi, avant.


Elle rouvrit doucement les yeux comme on bougeait dans son dos. Elle se recroquevilla, fronçant les sourcils car la douleur se raviva aussitôt. Elle ne bougea pas davantage. Elle était fatiguée. Son corps irait bien. Son esprit, c'était autre chose.

Peux-tu te relever et marcher toute seule ?

Elle releva les yeux sur lui, puis les baissa à nouveau.

Tues-le !

Elle eut un soupire, bruyant, comme si tous ses poumons venaient de se presser à ne plus laisser une seule trace d'air dans sa poitrine, que la vie elle-même avait pu, en un simple soupire, la quitter.

Marrcher où ?
Je n'ai pas… envie de marrcher…


Elle enfonça sa joue dans la terre, sa tignasse sombre recouvrant petit à petit son visage pâle en une marre informe mais sombre. Quelques plumes ici et là donnaient encore du volume, mais au premier regard, elle aurait pu aussi bien être morte que vivante que ça n'aurait pas changé grand-chose.

Je n'veux plus jouer…
Ce n'est plus drrrôle…


Un petit reniflement qu'elle étouffa se fit malgré tout entendre, si infime, si ridicule.
Un peu à son image dans le fond.

Tu n'es pas drrôle…

Ses doigts s'enfoncèrent dans la terre.

De toute façon, avec le flanc ouvert comme il l'était, elle n'aurait pas pu faire plus de vingt pas sans s'écrouler. Elle en était consciente. C'était peut-être l'occasion pour elle de mourir comme elle le souhaitait si fort au même moment.
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