Nevermore (Plus jamais)
#32
Il allait la tuer.
Elle savait ce que les druides ressentaient pour les esprits. Pour la forêt.

Elle-même en tant que chamane aurait dû avoir de la pitié, aurait dû y trouvé une certaine gêne, et pour autant, il n'y en avait aucune. Elle serra les mains, puis les dents, détourna le regard et se fit faucher sans sourciller.
Un petit crac se fit quelque part dans son corps.

Au niveau du cœur ?
Allons Quoth, tu n'as pas de cœur.

Au niveau des os ?
Possible. Possible…

Elle roula sur le sol, quelques mètres, ses cheveux se mêlant à la mousse brunie par la chaleur. Sur le ventre, encore un peu sonnée et les cheveux en pagaille, elle avait plus l'air d'un démon que d'une femme.
Elle mit quelques secondes à revenir à elle, à comprendre, à sentir également. Ses yeux se relevèrent et ils brillaient d'une lueur un peu folle, d'une lueur plus macabre encore. Elle eut un mouvement pour se relever mais retomba sitôt sur les coudes.

Quelque chose coulait.
Elle était en train de perdre quelque chose.

Elle jeta un regard à son flanc, y plongea ses doigts avant d'y trouver l'entaille profonde qu'avait laissée les griffes de l'esclave.
Elle grimaça et roula lentement sur le dos, pour écarter le tissu de la plaie déjà chaude. Elle n'était pas profonde. Pas assez. Mais en tout cas assez pour la tuer si elle ne faisait rien.
Elle serra les dents, douloureusement, et apposa doucement sa main sur son flanc. De l'eau doucement coula sur cette dernière, purifiant à la fois son esprit et son corps. Un bien étrange spectacle au milieu des flammes qui, petit à petit, diminuaient, comme si elles n'étaient plus nourris de rien.

C'était sans doute l'eau.
Parce que l'eau d'un chamane n'a rien de comparable avec celle d'un autre. Parce que l'eau d'un chamane vient sereinement s'écouler de la jarre d'une fée invisible et qu'elle apporte sérénité et harmonie aux esprits les plus embrumés.

Parce que pendant une demi-seconde, Quoth affichait un air préoccupé.
Pourquoi se sauvait quand elle avait voulu tellement mourir ?

La plaie était encore à vif mais elle ne saignait plus quand elle arrêta, retirant ses doigts. Elle reposa ses yeux sur l'ours et lentement se releva, difficilement également.

Tu tiens à ça ?

Elle eut un petit rire, mauvais comme la peste.
Elle, elle ne tenait à rien. Ah. Si. Goupil.
Où est-ce qu'il était d'ailleurs ?

Son ventre se serra d'une nouvelle angoisse.
Si elle le tuait, elle se retrouvait seule.
Si elle ne le tuait pas, il finirait par la tuer, car ils étaient voués à se détruire. Ils étaient la face et le pile d'un seul et même chaos. Ils n'auraient jamais dû se rencontrer. Et pourtant…

Elle eut un petit cri frustré et passa ses mains dans ses cheveux, commençant à ressentir un malaise plus grand-chose, quelque chose qui venait de nouer tout son corps, et son esprit.
Les flammes, comme soufflées par le vent, s'éteignirent ainsi, d'un seul coup.

Elle reposa ses yeux sur lui, avec cette lassitude teintée d'angoisse.
Elle était trop changeante pour se comprendre.
Et lui… lui, elle ne le comprenait tout simplement pas.

Pourrrquoââ est-ce que tu rrrestes ?

Ce n'était plus une question, une supplique au mieux.
Est-ce qu'elle avait eu de l'importance un jour ? Elle fronçait les sourcils. Elle ne se souvenait plus.
Elle avait cru que son père l'aimait. Elle avait cru que Goupil aussi. Mais tous les deux l'avaient abandonnée. Rowley et Reinhard ne valaient pas mieux l'un que l'autre.

Pourquoi est-ce qu'avec Eäril, malgré la distance, malgré la folie et le chaos, elle ne se sentait pas… seule ?
Elle inspira profondément comme la question la brûlait de l'intérieur.

Elle finirait seule. A nouveau.
Elle le sentait. C'était comme ça.

Le destin.
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