Nevermore (Plus jamais)
#13
Il entendit un cri derrière lui.

Un cri de protestation.

Un cri de rage.

Un cri si vrai qu'il en était terrifiant.


Mais cette fois, cela suffisait.

Il allait faire taire cette effrontée, cette petite sotte qui ne méritait même pas la vie qu'Estalia lui avait offerte.
Il allait mettre un terme à ça.

Déjà, il s'imaginait avec une satisfaction immense lui lacérer la chair, lui briser les os, lui défoncer les dents, lui arracher les yeux, la faire supplier inutilement car jamais il ne s'arrêterait, jamais !

Il allait lui montrer, à cette traîtresse.
C'était la dernière fois qu'on se moquait de lui.
Il se l'était juré.
Aujourd'hui, elle allait payer.
Pour ce qu'elle venait de lui faire.
Mais aussi pour la méchanceté des autres, pour leur refus, leur moqueries, leur mépris… Ainsi que pour sa propre vanité, et son propre orgueil.
Une part de lui savait qu'il était en tort, qu'il ne faisait que récolter les fruits de son orgueil et de ses mensonges… Les mensonges qu'il lui avait livré, et ceux dont il s'était bercé lui-même depuis longtemps... Trop longtemps.
Et cela exacerbait plus encore sa colère.

Oui, elle allait payer.
Pour le monde.
Pour lui.
Elle allait payer.

S'immobilisant dans sa marche, il se retourna subitement, les poings serrés, un rictus ignoble de rage et de pulsions meurtrières déformant son visage... Qui l'instant d'après, se trouva teinté du rouge merveille de son propre sang.

Il n'avait pas vu venir sa main.
Ou plutôt, il l'avait vu, mais il n'eut pas le temps de répliquer.
Ou encore, il avait vu, il avait le temps de réagir, mais n'avait pas voulu.

Pourquoi ? Pourquoi même dans cet instant, elles venaient le tourmenter ?
Ces ombres moqueuses de la défaite et de l'incompétence qui depuis son enfance, sans cesse le poursuivant, ricanant, le rabaissant sans cesse, mais qui étaient cependant, ses seules compagnes, tout ce qu'il avait.
Car il ne possédait rien d'autres… Rien d'autres que des questions et l'angoisse qui comblait l'absence de leur réponse.
Pourquoi il faisait ça ?
Pourquoi il avait fait ça ?
Il ne savait plus.
Il ne l'a jamais su.
Il n'a jamais su s'il l'avait déjà su ou non.
Il ne voulait pas savoir.

Tout ce qu'il voulait à présent, c'était lui arracher chacune des plumes recouvrant ce corps odieux, l'éventrer, et extirper une à une chacune de ses tripes.

Ignorant le sang qui coulait abondamment sur son visage et l'aveuglait, il arma son poing, avec la ferme attention de briser les os de sa cible, voire de lui traverser le corps du poing, pour mieux lui en arracher les entrailles.

Mais au moment où il s'apprêtait à lancer son bras, elle écrasa à cet instant entre ses doigts la fleur de mana.

Il s'arrêta net.

Elle en profita pour lui donner une claque, du plat de la main cette fois, mais tout aussi violente.

Le bruit et le choc se répercuta dans tout sa mâchoire, l'assourdissant, le déséquilibrant.

Sa vue se troubla quelques instants, et il se sentir tomber, tomber.

Sa chute dura une éternité.

Une éternité angoissante, durant laquelle il sentit néanmoins le liquide chaud et visqueux continuant la conquête de son visage.

Un étrange et assourdissant vrombissement lui lança l'oreille, se répercutant dans un écho horriblement douloureux dans tout son crâne.

Mais malgré la douleur, il s'en fichait.

Seul pour lui comptait l'image de la fleur de mana réduite en poussière entre ses doigts destructeurs.

Des doigts qu'il avait lui-même armés d'une colère hargneuse qui à présent s'était libéré de ses murs étroits et s'exprimait sans retenue.

Et il allait payer cher d'avoir libérer pareille puissance dévastatrice.

Sa propre colère n'était pas de taille, elle avait d'ailleurs déjà disparue, aussi promptement que la fleur de mana avait été écrasée, vaincue elle aussi par cette femme pourtant si frêle, si fragile…

Pourquoi lui avait-il offert cette fleur ?
Etait-ce un élément de son plan ?
Mais quel plan ?
Il n'avait jamais eu de plan.
Il n'avait fait que suivre de fausses idées, de fausses convictions, des pensées montées de toutes pièces par son esprit en substitution de celles qu'il tentait jusqu'alors de dissimuler, celles qu'il n'avait jamais assumé.

Il ignorait pourquoi il lui avait offert cette fleur.
Cela ne signifiait rien pour lui.
Alors pourquoi s'était-il senti heureux quand elle l'avait porté ? Etait-ce encore une fois un masque d'expression visant à se déguiser ?
Et pourquoi cela lui faisait-il si mal qu'elle l'eu écrasé ? Aussi mal que si elle avait tenu dans sa main à la place de la fleur son propre cœur ?
Avait-il un cœur au moins ?
Ou n'y avait-il que du vide… Comme le reste ?

Il ne se sentit pas atterrir sur le sol.
Il ne sentit même pas la douleur fulgurante parcourant son corps quand sa tête cogna contre une pierre.

Il ne voyait plus rien. Plus rien sauf les pétales froissées de la fleur qui tombaient. Tombaient.

Malgré les ténèbres qui broyaient peu à peu son regard, son esprit ayant sombré depuis bien longtemps déjà, il leva les yeux avec peine pour observer le regard de la jeune femme.
Déformée par la colère, elle ressemblait à un monstre… Et en même temps à une créature sublime et éclatante d'une aura indescriptible.

Elle allait le tuer.

Il en était certain.

Il le souhaitait même.

N'était-ce pas mieux ainsi ?

Lui laisser prendre entièrement le fardeau de sa mort, et peut-être se faire ronger par la culpabilité ?
C'était un choix égoïste… Comme il l'avait toujours été.
Un sale égoïste… Un monstre… Mais il avait dépassé depuis longtemps le stade des remords.

Et comme l'égoïste qu'il l'avait toujours été, il mobilisa ses dernières forces pour afficher, lentement, un sourire ensanglanté sinistre et moqueur, à l'adresse de la jeune femme, afin de terminer de l'irriter et la pousser à le tuer avec une ultime insolence, faite à elle, et par son biais, à la mort.

Que le monstre soit elle ou lui voir même les deux, cela n'avait plus aucune importance, car tout allait prendre fin, pour lui du moins.

Les questions.

Les tourments.

La souffrance.

Oui, tout cela sera bientôt terminé.

Il ne lui suffisait plus que d'attendre.

Attendre… Qu'elle le tue.

Pendant un instant, elle disparut de sa vision pour laisser place à un immense corbeau, tout de noir vêtu, le regard sévère et austère.

La mort incarnée.

Et au lieu de l'effrayer, cela le fit sourire de plus belle.

Mais cela n'avait plus d'importance
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