Nevermore (Plus jamais)
#8
Il l'ignorait sans véritable raison, et elle, elle ne disait rien. Tantôt son regard se perdait ailleurs, tantôt il se posait sur Kara qui gesticulait et riait à ses côtés comme une enfant l'aurait fait. Elle n'était pas de ce genre-là. Elle était silencieuse pour un corbeau, mais ça, ce n'était que depuis qu'elle avait cette fleur accrochée à ses cheveux. Si à la base bien sûr ce n'était que pour narguer Kara qui en cherchait une aussi belle, elle devait avouer qu'à force de marcher, elle commençait à se trouver elle-même étrange, de plus en plus perdue.

Pourquoi le suivre ? Pourquoi tenir cette fleur ?

Son regard, à un moment se remplit d'une petite terreur et son ventre se serra quand elle se rendit compte que Goupil n'était pas là et que pour la première fois, elle se retrouvait véritablement seule. La liberté avait un quelque chose d'effrayant, encore plus quand on avait pas appris à différencier les gentils des méchants.

Elle darda finalement un regard clair sur son dos, l'observa de loin. Elle voyait plus loin que lui, elle voyait mieux aussi. Par habitude, elle lisait presque les âmes - c'est une chose que les chamanes font dit-on. Mais son âme à lui restait floue, flottante. Inaccessible.

Il me l'a tendu, genoux à terre, sans rien demander en retour,
Elle est jolie, elle est bleue, elle me rappelle un peu tes yeux,
C'est une fleur de mana, cueillie juste pour toi, alors savoure,
Parce elle te siéra comme jamais, une fois dans tes cheveux.


Dans sa tête, tout sonnait si juste, et tout sonnait si faux l'instant d'après. Elle relèva les yeux sur le ciel, se perdit là. Tout ça n'avait pas de sens. Pour le premier des hommes-bêtes elle n'aurait pas bougé le petit doigt. Elle se serait affichée droite et intègre, sans un mot, et aurait regardé. Si on lui avait déclamé la veille qu'elle finirait par suivre un autre qu'elle, un autre que Goupil, elle aurait sans doute ri.
Et pourtant…

Pourquoi ? me soupire ma raison, pourquoi fait-il ça ?
Je dois avouer qu'à marcher derrière lui, je ne sais pas.
Peut-être est-il fou ? Peut-être oui, mais comme moi ?
Non, pas comme toi Quoth, me réponds alors la voix…


Pourtant il avait aussi cet air nonchalant à voir le pauvre homme-bête souffrir aux mains du tréant. Elle serra les poings jusqu'à en faire blanchir ses jointures. Elle arborait finalement son masque de colère quand elle se rendit compte qu'à chaque pas, elle était tombée de plus en plus, et qu'à force de s'enfoncer dans la duperie, elle y perdrait plus que des plumes.
Rien à voir avec la folie, rien à voir avec être son esclave. Il ne se jouait d'ailleurs même pas d'elle. Il se jouait de tout à vraie dire. Il était en dehors du monde, comme elle avait pu l'être parfois, et se moquer d'elle finalement, c'est comme se moquer du reste.

Elle serra les dents, se rendant compte la seconde suivante que finalement, Goupil avait au moins le mérite de se moquer d'elle comme il ne se moquait de personne d'autres. C'était presque tendre. Ce n'était pas comme lui.

Elle fit claquer sa langue sur son palais. Elle allait hurler, mais finalement le calme retomba sur ses épaules pour ne laisser d'elle qu'une image posée, vague et incertaine. Elle avança à sa hauteur, jetant un regard à ce visage qu'elle se devait de graver dans sa mémoire.
Par instinct, elle savait que ces être-là, ces âmes étranges, étaient fugaces et disparaissaient comme neige au soleil. Elle était la seule qui été resté de souvenir d'homme aussi longtemps en vie.

Elle eut un sourire, avant de déclamer finalement :

Tu n'as pas à me rrremerrcier... Pas dans ta position..
Et puis, tu me fais rrirrre… Que connais-tu de l'harrrmonie ? De la poésie ? De la beauté ?


Elle pencha la tête, avec ce sourire insolent.
Ça semblait pourtant être une vraie question.
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